L'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), acteur clef de la scène politique depuis la révolution du 14 janvier 2011, a préféré croiser le fer avec le gouvernement de Youssef Chahed, dont elle réclame le départ depuis plusieurs mois. La puissante centrale syndicale, qui a toujours été un acteur de premier plan de la vie politique tunisienne, a décrété une grève générale dans le secteur public le 24 octobre prochain ainsi qu'une grève générale dans la fonction publique le 22 novembre. Les deux journées de mobilisation ont été annoncées à l'issue de la commission administrative nationale de l'organisation tenue jeudi à Hammamet. «Cette décision est historique», a déclaré le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, indiquant que les deux débrayages, qui coïncident avec le démarrage des discussions au Parlement de la loi de finances 2019, ont été décrétés sur fond de détérioration de la situation économique, sociale et politique dans le pays. «La forte détérioration du pouvoir d'achat des citoyens, la hausse générale des prix et la volonté du gouvernement tunisien de céder totalement ou partiellement les entreprises publiques pour renflouer les caisses de l'Etat sont les principales motivations de ces grèves », a-t-il détaille. Le responsable syndical a accusé le gouvernement de vouloir céder les fleurons du secteur public au secteur privé. «Ils ne veulent pas restructurer les entreprises publiques en difficulté. Ils cherchent à céder totalement ou partiellement ces entreprises qui réalisent de bons chiffres d'affaires pour combler le déficit budgétaire », a-t-il indiqué, tout en pointant du doigt la forte propagation de la contrebande et de l'économie parallèle. En décrétant ces deux grèves générales dans le secteur public et la fonction publique, l'UGTT a ainsi fait fi de la tentative de médiation menée la semaine écoulée par le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur, et de la prédisposition affichée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, à reprendre des négociations salariales dans le secteur public. Les deux débrayages programmés laissent ainsi, selon certains observateurs, échapper de forts relents politiques. La centrale syndicale, qui figure parmi les signataires de l'accord de Carthage, ne cesse de réclamer le départ du chef du gouvernement, au prétexte qu'il a failli dans sa mission et que la crise politique est à l'origine de la dégradation de la situation économique du pays. L'organisation aussi régulièrement l'incapacité du patron de la Primature à éradiquer l'économie parallèle et à instaurer la justice fiscale et l'accuse de vouloir administrer à l'économie tunisienne une thérapie néolibérale préparée dans les laboratoires du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. De là à parler d'un accord secret sur le limogeage du chef du gouvernement entre le président de la République Béji Caïd Essebsi et le secrétaire général de l'UGTT, dont les visites au Palais de Carthage, se sont multipliées ces dernières semaines il n'y a qu'un pas que certains analystes n'hésitent pas à franchir.