Tournées vers la promotion des cinémas du Sud, les Journées cinématographiques de Carthage n'ont rien à envier aux plus grands festivals. Au contraire, fortes de leur projet alternatif et de leur rayonnement international, les JCC continuent à progresser et contester leur centralité aux cinémas dominants Depuis que les Journées cinématographiques de Carthage sont passées à une périodicité annuelle, le festival des cinémas du Sud revient avec une régularité de métronome. Mieux, il se bonifie chaque année et cherche dans ses nouveaux rythmes de nouveaux horizons et les conditions d'un déploiement innovant. Un Tanit à Carthage vaut bien une Palme à Cannes ou un Lion à Venise Depuis l'arrivée de Néjib Ayed à la tête du festival, les JCC ont également trouvé une légitimité parfois oubliée. Comptant parmi les "historiques" de la Fédération tunisienne des ciné-clubs, Ayed nous rappelle en effet que les JCC sont également nées de l'initiative de la FTCC et des cinéphiles tunisiens, que les conditions de sa naissance sont liées à l'émergence d'un discours contestant la domination du cinéma hollywoodien et des clichés qu'il comporte. Créées pour promouvoir les cinémas de la périphérie, les JCC, par ricochet, sont un festival opposé aux images hégémoniques et aux circuits de la domination par le cinéma. Passé par plusieurs époques, enfin recentré sur ses objectifs fondamentaux, le plus ancien des festivals de cinéma du sud demeure une référence incontournable et parvient peu à peu à retrouver une place à sa mesure dans le concert des manifestations cinématographiques. Car un Tanit à Carthage doit valoir une Palme à Cannes ou un Lion à Venise au nom de l'équilibre des cinématographies, de la longue histoire militante des JCC et de la montée des novateurs du Sud. Un discours futile et imbécile tente des comparaisons entre les JCC et d'autres festivals nés ici et là dans le monde arabe, évalue les paillettes et les sommes dépensées puis conclut que les JCC ne sont plus rien. En effet, une certaine presse n'a d'yeux que pour le glamour, les tapis rouges et les grosses enveloppes et occulte la charge militante des JCC et leur centralité dans l'affirmation des cinémas du Sud, notamment en Afrique et dans le monde arabe. A ce que je sache, ce n'est ni à Marrkech ni à Dubai qu'ont été révélés Sembène Ousmane ou Mohamed Malass pour ne citer qu'eux. Ce ne sont pas des pétrodollars qui ôteront aux JCC leur aura de prestige et leur combat historique pour des cinémas alternatifs. Sans les JCC, Youssef Chahine, par exemple, aurait-il pu aller aussi loin dans son rêve de cinéma? Cessons de nous attaquer à un festival dont nous ne comprenons ni l'essence ni le projet. Et si cette presse qui cherche à ôter leur prestige aux JCC existe, c'est que certains journalistes ne connaissent du cinéma que les tapis rouges, les toilettes des stars et les cancans relayés par les antennes de la promotion de l'inculture. Ces hérauts de la culture de masses seraient bien avisés de regarder ailleurs et cesser de poser cette question stupide qui consiste à demander "Mais où sont les stars dans ce festival?" Un festival qui échappe à la gangue de la culture de masses Des stars, il y en aura d'ailleurs mais d'un autre calibre! Car ce sont ces réalisateurs, ces scénaristes, ces comédiens, ces techniciens et tous ceux qui rêvent de novation qui sont les stars des JCC. Par ailleurs, le festival aura de nombreux invités, la plupart inconnus du grand public mais qui comptent parmi les ténors du cinéma nouveau. Au fond, certains n'ont toujours pas accepté le fait qu'un festival puisse échapper à la culture de masses et se distinguer par un projet dont ils ne saisissent même pas les ressorts les plus évidents. Heureusement malgré les attaques (et elles furent nombreuses et de cet acabit niais et revanchard), les JCC ont su maintenir leur authenticité et leur indépendance. A leur tête désormais, Néjib Ayed souligne davantage encore la dimension militante en faveur des cinémas du sud et restitue peu à peu aux cinémas qui n'appartiennent pas à l'aire arabe et africaine la place qui fut la leur au début de l'aventure des JCC en 1966. Riche en promesses, la nouvelle édition des Journées cinématographiques de Carthage sera ouverte demain. Durant une semaine, l'image cinématographique sera à l'honneur à Tunis et dans plusieurs villes car désormais, le festival est véritablement décentralisé, mise sur sa dimension populaire et son rayonnement international, compte sur la jeunesse cultivée et cinéphile et consolide ses ancrages historiques. Il reste peut être un dernier enjeu de taille: celui qui consiste à renforcer l'attractivité du festival pour les cinéastes en revalorisant les prix décernés. C'est à ce prix que les JCC resteront une manifestation non seulement exceptionnelle car pionnière mais aussi parce qu'elle offre un tremplin, au fond comparable aux plus grands festivals cinématographiques de par le monde. Continuons tous ensemble à creuser les sillons de l'avenir et défricher les horizons toujours renouvelés du plus prestigieux de nos festivals.