Parallèlement à son attachement à la majoration des salaires de l'ensemble des fonctionnaires, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) va réclamer l'ouverture de négociations spécifiques sur la majoration des salaires des médecins et des enseignants du supérieur, en vue de réduire l'exode de ces compétences, a-t-on appris de sources syndicales. La centrale syndicale cautionne en effet les revendications exprimées ces dernières semaines par la fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGERS) et le syndicat général des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes de la santé publique relatives à des augmentations «conséquentes» des salaires des enseignants-chercheurs et des praticiens. Le syndicat général des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes de la santé publique a réclamé récemment des augmentations salariales de 100% au moins au profit des médecins exerçant dans les établissements publics afin de limiter les «écarts énormes» avec le secteur privé ainsi que la revalorisation des émoluments des heures de garde et de travail de nuit. La majoration des salaires est destinée à limiter l'exode massif des médecins exerçant dans le secteur public vers le secteur privé ainsi que l'émigration des blouses blanches vers d'autres pays, où les rémunérations sont sans commune mesure avec celles pratiquées en Tunisie. Selon les calculs du syndicat, quelque 630 médecins ont quitté la Tunisie au cours du premier semestre 2018, en signe de protestation contre la détérioration de leur situation morale et matérielle. Le syndicat impute cette hémorragie à plusieurs facteurs, dont les salaires bas, la multiplication des agressions ciblant le corps médical et la détérioration des infrastructures et des équipements médicaux dans les hôpitaux. Un médecin exerçant dans le secteur public touche en effet entre 1600 et 3000 dinars en fonction de son grade et de sa spécialité. La rémunération de l'heure de garde d'un médecin résident varie, quant à elle entre 440 millimes et cinq dinars selon les spécialités ! De son côté, la Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique réclame, de son côté, des majorations salariales spécifiques de 150% au profit des universitaires, afin de compenser la forte détérioration du pouvoir d'achat des enseignants. Selon un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 95 000 diplômés de haut niveau tunisiens ont choisi, depuis la chute du régime de Ben Ali, en 2011, de partir s'installer sous d'autres cieux plus rémunérateurs, dont 84 % en Europe. Après les ingénieurs, les enseignants-chercheurs, les médecins constituent le plus gros des contingents de ces nouveaux migrants tentés par des perspectives d'avenir plus prometteuses que celles que leur offre la mère-patrie. Conséquence : les universités et les hôpitaux se vident des meilleures compétences et la qualité des soins de santé et de l'enseignement ne cesse de se détériorer. A noter que l'UGTT a déposé un préavis de grève dans la fonction publique pour le 22 novembre, en signe de refus du gouvernement d'accorder des augmentations salariales aux fonctionnaires. Mais les observateurs s'attendent aussi à ce que cette grève soit annulée, après la signature d'un accord sur la majoration des salaires des 650 000 employés de l'Etat dans les jours à venir en dépit de l'engagement pris par le gouvernement avec les bailleurs de fonds internationaux, Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale en tête, à réduire la masse salariale dans le secteur public. Lundi dernier, le FMI avait de nouveau appelé le gouvernement tunisien à maîtriser la masse salariale dans le secteur public afin d'éviter de graves problèmes d'endettement «Le gouvernement tunisien doit garder le contrôle des dépenses actuelles et de la masse salariale. Cela leur permettra d'atteindre les objectifs budgétaires qu'ils se sont fixés pour 2019, tout en réduisant les pressions supplémentaires que l'augmentation des dépenses exercera sur les contribuables », a déclaré le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds, Azour, rappelant que la masse salariale dans le secteur public tunisien était déjà parmi les plus élevées au monde, par rapport à la taille de l'économie du pays.