Inciter les firmes pharmaceutiques internationales à venir s'installer en Tunisie, en mettant en relief les atouts dont se prévaut la Tunisie dans ce domaine, est sûrement une bonne chose à l'heure de la mondialisation ; mais inclure ouvertement, parmi ces atouts, les maladies de toutes espèces qui prolifèrent dans le pays et la grande masse de données offerte par les patients de la CNAM et des structures hospitalières et sanitaires locales est un peu incongru, quoique ce soit véridique. Donnant, hier, le coup d'envoi des travaux d'un séminaire sur la promotion de la recherche médicale et plus spécialement la recherche clinique, en Tunisie, le ministre de la santé publique, Abderraouf Chérif, a abondé dans ce sens, allant même jusqu'à dire que la Tunisie dont la population actuelle s'élève à 10 millions d'habitants, peut abriter 500 millions. Ibidem pour le Dr Chokri Jribi, expert en recherche clinique et figure connue du secteur pharmaceutique en Tunisie, qui, dans une communication sur « le contexte de la recherche clinique à l'échelle nationale et internationale », a fait miroiter les milliards de dollars que la Tunisie pourrait mobiliser et collecter en encourageant la recherche clinique et son ouverture aux laboratoires de recherche médicale et pharmaceutique internationaux. La mise au point d'un nouveau médicament, ou plus exactement de la molécule à base de ce médicament, revient, selon lui, à des milliers de milliards de dollars tandis que les activités de sous-traitance dans ce domaine pourraient fournir des milliers d'emploi aux diplômés et spécialistes tunisiens en la matière. D'après le directeur général du pôle de biotechnologie de Sidi Thabet, Dr Hammadi Ayadi, il existe déjà en Tunisie, quelques 600 docteurs en biologie et biotechnologie en chômage, alors que la tendance actuelle dans le monde est à la production et l'utilisation des médicaments biologiques au lieu des médicaments chimiques, a-t-il dit. Le grand hic Cependant, dans tout ce vaste domaine où les frontières entre la science et le profit commercial sont très floues, le grand hic est que la recherche clinique, par définition, implique et couvre en particulier les essais cliniques effectués sur les volontaires, qu'ils soient sains ou malades, pour tester l'efficacité d'un nouveau médicament et sa conformité aux normes scientifiques et éthiques. Avec les réglementations devenues très exigeantes dans les pays occidentaux qui mettent au point la quasi-totalité des médicaments, dans le monde, notamment en ce qui concerne la pratique des essais cliniques sur les hommes, les firmes pharmaceutiques internationales installées dans ces pays délocalisent et émigrent vers les pays en développement encore moins exigeants et moins au fait de tous les dessous de ces activités. Selon les intervenants précités et autres au cours du séminaire dont le secrétaire d'Etat à la recherche scientifique Khalil Amiri, outre les données cliniques et sa position géographique, la Tunisie possède d'autres atouts notamment des ressources humaines qualifiées. Il faudra cependant assurer la crédibilité de telles activités en Tunisie. Il existe déjà 14 entreprises opérant dans le domaine, parallèlement à quelques 270 études médicales de type clinique. A cet égard, le ministre de la santé publique a fait état de la constitution d'une commission en vue de l'élaboration d'un projet de loi organisant les activités de recherche clinique. Toutefois, les philosophes arabes de l'âge classique estimaient, depuis, avec raison, que la Cité idéale n'a pas besoin, ni de gouvernants, ni de médecins, compte tenu de l'attachement de ses habitants à se comporter de manière rationnelle.