Dans un retournement aussi spectaculaire qu'inattendu, Benny Gantz a été élu président du Parlement israélien dans le cadre d'un potentiel accord de partage du pouvoir avec son rival Benjamin Netanyahu pour mettre fin à la pire crise politique de l'histoire d'Israël. Après trois élections en moins d'un an, M. Gantz, ancien chef d'état-major de l'armée, a dit justifier cette volte-face par la nécessité, selon lui, d'agir de manière "responsable" et "patriotique" pour doter Israël d'un gouvernement stable, "d'union et d'urgence", afin d'affronter la pandémie de nouveau coronavirus dans le pays. Jeudi après-midi à Jérusalem, le petit monde politique attendait l'élection d'un nouveau président du Parlement, au lendemain de la démission de Yuli Edelstein, un proche du Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu, chef du parti de droite Likoud. Benny Gantz, N.1 du parti centriste "Bleu-Blanc" qui a été désigné le 16 mars pour former le nouveau gouvernement après les élections du 2 mars, devait présenter la candidature d'un de ses députés pour diriger le Parlement. Mais dans un coup de théâtre, il a présenté sa propre candidature, la seule d'ailleurs pour ce poste. Il a été aussitôt élu par 74 voix contre 18, obtenant notamment les voix des députés du Likoud, mais perdant des appuis dans son propre camp, des membres de "Bleu-Blanc" ayant refusé de cautionner ce rapprochement avec le parti de M. Netanyahu. Depuis un an, M. Gantz ne lorgnait pas le poste de président du Parlement mais celui de Premier ministre. Et il ne cessait de dire qu'il refusait de faire partie d'un gouvernement dirigé M. Netanyahu car ce dernier est inculpé pour corruption. M. Gantz a même été chargé par le président Reuven Rivlin de former le gouvernement mais est resté incapable à ce stade de rallier une majorité d'appuis. Son élection comme chef du Parlement est un "arrangement temporaire" et consacre l'abandon de son projet de diriger le pays, explique Udi Sommer, qui enseigne les sciences politiques à l'université de Tel-Aviv. Le mandat de former le gouvernement devrait revenir à M. Netanyahu qui y "nommera Gantz à un poste clé". Mais déjà, des partisans de M. Gantz se "sentent trahis", souligne M. Sommer. Et en première ligne, les désormais ex-associés du général qui avaient ensemble formé il y a plus d'un an "Bleu-Blanc" avec pour objectif avoué de chasser du pouvoir Benjamin Netanyahu. Les ténors du parti, Yaïr Lapid et Moshe Yaalon, qui revendiquent avec leurs soutiens 18 des 33 sièges de "Bleu-Blanc", ont indiqué ne pas suivre le général Gantz dans cette manoeuvre. "Benny Gantz a décidé de quitter Bleu-Blanc (...) Ce qui prend forme aujourd'hui n'est pas un gouvernement d'union ou d'urgence mais un autre gouvernement Netanyahu", a fustigé Yaïr Lapid. "Benny Gantz s'est rendu sans se battre et a rampé vers un gouvernement Netanyahu." Moshe Yaalon a déploré une décision "incompréhensible et décevante". Pendant ce temps, les équipes de MM. Gantz et Netanyahu mènent des pourparlers dans l'espoir d'accoucher d'un gouvernement "d'union et d'urgence", pour faire face surtout au nouveau coronavirus. Mais déjà des alliés de M. Netanyahu ont salué la décision de M. Gantz. "Je félicite Benny Gantz pour sa décision courageuse d'intégrer un gouvernement d'unité mené par Benjamin Netanyahu. Il s'agit de la bonne décision à prendre pour Israël en cette période d'urgence" sanitaire, a commenté le ministre de la Défense Naftali Bennett. L'un des effets secondaires de la pandémie a été le report sine die du procès de Benjamin Netanyahu, inculpé pour corruption, malversations et abus de confiance dans trois affaires. Jusqu'à présent plus de 2.693 cas, dont huit morts, ont été confirmés officiellement en Israël. Les autorités ont renforcé les restrictions en interdisant aux citoyens de sortir de chez eux hormis pour des raisons essentielles comme acheter des vivres, des médicaments, recevoir des soins de santé, ou dans certains cas travailler. "De nouvelles mesures d'urgence ont été mises en place limitant nos déplacements et notre liberté, comme jamais auparavant, mais pour notre bien-être à tous", a souligné M. Rivlin, Benjamin Netanyahu prévenant que la crise pourrait perdurer en Israël car "le nombre de patients double tous les trois jours". L'armée déployée pour faire respecter le confinement L'armée israélienne va se déployer pour aider la police à faire respecter les mesures de confinement partiel prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de coronavirus, a annoncé vendredi l'état-major. Quelque 500 soldats des Forces de défense israéliennes renforceront à compter de dimanche les patrouilles de police et les barrages mis en place pour réduire les déplacements et éviter les rassemblements. Les soldats ne seront pas armés et agiront "en auxiliaire" des forces de police. Israël compte plus de 3.000 cas de contamination au coronavirus, dont 10 mortels. Dans le cadre du confinement partiel, les écoles et de nombreuses entreprises ont été fermées. Les Israéliens doivent rester dans un rayon de 100 mètres autour de leurs habitations.