Vu la conjoncture dans laquelle elles s'étaient déroulées, les élections israéliennes promettaient des mutations de taille dans la composition du paysage politique interne. Ces attentes se sont avérées bien fondées, avec l'arrivée au pouvoir d'une droite nettement penchée vers l'extrême. Bien que sa formation ne soit pas encore entièrement établie, le prochain gouvernement israélien fait déjà peur. Evènement marquant des dernières élections, l'actif politique d'Avigdor Liebermann, figure emblématique de la nouvelle extrême-droite israélienne, s'est spectaculairement consolidé. Combinée à la majorité obtenue par le Likoud de Netanyahu dans le Knesset, cette victoire impose certainement des nouvelles lois de pesanteur politique à l'intérieur de l'Etat hébreu. Le prix d'entrée de Liebermann dans le gouvernement Partisan d'un gouvernement de large coalition, qui ne l'enfermerait pas définitivement dans la case extrême-droite, « Israël Beitenu » de Liebermann s'est réservé une position lui permettant de dicter ses propres conditions d'entrée au gouvernement. Elles ne sont pas anodines et rencontrent un écho au-delà de son parti, contribuant ainsi à la dégradation du débat politique interne et faisant peser un risque sérieux sur la cohésion, de plus en plus fragile, de la société israélienne. La première condition touche à la citoyenneté. Dans la foulée du slogan de campagne de Liebermann, « pas de citoyenneté sans loyauté », le Likoud a déjà admis plancher sur des modifications à la Loi sur la citoyenneté, dont on peut voir clairement la cible : la population arabe d'Israël. A son tour, le Kadima de Tzipi Livni n'a pas été en reste. En demandant « un service militaire, national ou civique » qui s'étende à tous, ce parti du centre-droit a osé briser des véritables tabous : celui qui permet aux Arabes de ne pas effectuer une telle période; celui qui permet aux étudiants du milieu ultra-orthodoxe de n'effectuer aucune de ces obligations; et celui qui en dispense également les jeunes filles religieuses. C'est par ce biais, d'ailleurs, qu'on en arrive à la seconde revendication de Lieberman, celle du mariage civil et d'une législation sur le statut personnel, et qui pose un problème de fond à Israël, étant nettement débarrassée des exigences religieuses juives. Reste qu'en l'espèce, il existe un paradoxe énorme à vouloir débarrasser l'Etat israélien et ses citoyens de tout ancrage dans la tradition juive, tout en voulant expulser les Arabes de 1948 pour ne garder ainsi dans les frontières d'Israël, que des citoyens dont la judéité se résumerait à une ethnicité voire, dans le cas d'un tiers environ des citoyens d'origine russe, à rien du tout, puisqu'ils ne sont absolument pas juifs, même culturellement. Selon certains observateurs ironiques et sérieux à la fois, le pire dans cette position d'arbitre que détient désormais Liebermann, c'est qu'elle « tétanise toute opposition résolue à ce qu'un politicien raciste et corrompu détermine l'agenda politique du prochain gouvernement (israélien) ». Les candidats de Netanyahu Dirigeant du Likoud, Benyamin Netanyahu prenait la tête, en décembre 2008, d'une liste de candidats qui, tout en étant fermement ancrée à droite, essayait de donner une image plutôt centriste du parti. Il s'agit certes d'une « couche » de modération très superficielle. L'argument : la majorité des candidats qui ont eu à se prononcer sur le plan de désengagement de Gaza, en 2005, avaient voté contre. Netanyahu a également voulu doter ses candidats d'une fausse identité politique à travers un programme électoral qui, tout en mettant en avant la question d'une « nécessaire fermeté envers les Palestiniens » et d'un refus de toute concession territoriale, a tenté de se diversifier en intégrant d'autres sujets attractifs aux yeux des électeurs israéliens, comme la montée de la criminalité, la lutte contre la corruption, la libéralisation de l'économie (Netanyahu a promis une baisse uniforme de 20% de l'impôt sur le revenu), les mesures en faveur de l'environnement, la réforme du système éducatif, la lutte contre la pauvreté, etc. En l'apparence, la liste Netanyahu a été ainsi un patchwork bâti en fonction de la nécessité de s‘adresser à des fractions particulières de l'électorat et de mettre en avant tel ou tel thème de campagne. Ainsi le numéro trois de la liste, l'avocat Gilad Erdan, est connu pour son implication dans la lutte contre le trafic de drogue et les infractions routières. Le 6e de liste est Moshé Kahlon, qui en tant que député s'est beaucoup intéressé au sort des familles les plus démunies, une partie de l'électorat qui est l'objet de toute l'attention du Likoud comme celle des orthodoxes du Shass. Leah Nass, l'expert du parti sur les questions d'environnement, a occupé la 10e place. La question du droit des femmes est portée par l'ancien ministre de l'Education Limor Livnat (13e) et l'électorat féminin religieux a été séduit par « une étoile montante » du parti, Tzipi Hotobeli, qui à 29 ans, s'est présentée en 18e position. Rien n'est enfin possible sans la prise en compte des communautés d'originaires : c'est l'ancien refuznik Yuli Edelstein (12e place), qui a disputé l'électorat des immigrants d'ex-URSS à « Israël Betainou », alors qu'Alali Adamso (30e) a courtisé le vote des Falashas. Dans la composition de la liste des candidats, cela donne un mélange théorique et superficiel de sensibilités et de personnalités. Mais, en fait, Netanyahu a placé aux positions les mieux éligibles un nombre important d'idéologues ultra-nationalistes. Parmi ces idéologues, et à la quatrième place, se trouve Reuven Rivlin, un des principaux opposants de Sharon au moment du désengagement de Gaza. En cinquième position figure Benny Begin, ancien député du parti Hérout et qui bénéficie de l'aura de son père, l'ancien Premier Ministre Menahem Begin. En huitième position se trouve Moshé Yaâlon, l'ancien chef d'état-major de l'armée qui est aujourd'hui un candidat sérieux au poste de la Défense, « faucon » avoué, mais personnalité plus complexe qu'il y paraît, puisqu'il est issu du « kibboutz Grofit » et représente, sur les sujets économiques et sociaux, l'aile du Likoud opposée à l'ultra-libéralisme de Netanyahu. Derrière lui figure Yuval Steinitz, un philosophe drôlement venu du mouvement pacifiste de gauche « La Paix Maintenant » et qui est devenu un expert militaire réputé. Il brigue lui-aussi le poste de ministre de la Défense. Par contre, Netanyahu a fait reléguer à une place subalterne l'ancien co-fondateur du parti Hérout, Michael Kleiner, qui est ainsi 48e. Quant au député Eiffie Eitam, un « héros » de Tashal devenu leader de la fraction « Ahi » du parti « Union Nationale », il n'a finalement pas rejoint la liste, alors qu'il aurait pu, par son « prestige » personnel, apporter nombre de voix venant des habitants les plus idéologues des implantations. Pour faire semblant de contrebalancer un peu, la « bête noire » de l'aile droite, le diplomate Dan Meridor, a été éligible en 17e position. Michael Eitan, qui a soutenu le plan de désengagement de Gaza est 16e. Finalement, d'autres représentants de l'aile soi-disant modérée ont eu beaucoup de mal à se faire élire. Cela étant, le profil standard des candidats de Netanyahu ménage tout commentaire. Tels sont les prochains dirigeants d'Israël. L'extrémisme y sera, plus que jamais, institutionnel.