L'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), l'organisation patronale historique fondée en 1947, a été prise à contre-pied par sa compétitrice la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) au sujet de l'accord relatif au versement des salaires du mois d'avril dans le secteur privé. Soufflant sur les braises d'un conflit ouvert, la Fédération tunisienne du textile-habillement (FTTH) a désavoué le syndicat patronal auquel elle est rattachée. Ambiance. La rivalité entre les deux principales organisations patronales tunisiennes était larvée. La CONECT n'osait pas jusque-là attaquer frontalement son rival. Mais la crise économique consécutive au coronavirus a poussé le syndicat créé en 2011 par le remuant patron du groupe Alliance Industry, Tarek Chérif, à rejeter avec véhémence l'accord relatif au versement des salaires du mois d'avril signé le 14 avril entre l'UTICA et l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). «La majorité du tissu économique tunisien est formé de PME et de TPE employant plus de deux millions de personnes. La plupart des entreprises, qui sont à l'arrêt depuis le 20 mars 2020, soit depuis 26 jours compte tenu du confinement sanitaire total décrété par les pouvoirs publics, ne disposent pas de ce fait de capacités financières suffisantes pour supporter les frais fixes tels que loyer, charges sociales et fiscales, ainsi que les salaires », a martelé l'organisation patronale dans un communiqué rendu public le 15 avril. Exprimant son « profond regret du fait que cet accord ait été signé sans concertation suffisante avec les différentes organisations représentatives des employeurs », la CONECT a appelé à suspendre d'urgence l'accord du 14 avril relatif le versement des salaires du mois d'avril, qui prévoit le versement d'une une aide exceptionnelle occasionnelle de 200 dinars par l'Etat et la prise en charge du reste de la rémunération par l'entreprise. Elle a également recommandé d'autoriser, à titre exceptionnel, les entreprises à imposer la prise de congés payés pendant la période de confinement et de donner une base légale à l'indemnisation au titre du chômage technique , permettant aux travailleurs concernés de recevoir une allocation chômage technique financée au moyen de la création d'un Fonds de solidarité emploi financé par une dotation spéciale de l'Etat et ouvert à des contributions exceptionnelles des entreprises. La fédération du textile se rebiffe Mise dans de mauvais draps par la position intransigeante de la CONECT, qui a été salué par de nombreux patrons, l'UTICA a tenté de se racheter. Elle précisé dans un communiqué publié dans la soirée du 15 avril, que « les salaires versés pendant le confinement seront comptabilisés sur le solde des congés payés, ou considérés comme une avance sur les congés payés au titre de 2020, ou encore comme des prêts qui seront remboursés à travers les heures supplémentaires où à travers les primes de fin d'année, aussitôt la situation rétablie». Le syndicat patronal historique a aussi pressé le gouvernement d' «assurer les facilités nécessaires permettant aux entreprises en difficulté, d'avoir la liquidité pour verser les salaires d'avril » et appelé à «reporter le paiement de la cotisation sociale au titre du premier trimestre et à ne pas alourdir les charges de l'entreprise par toute nouvelle mesure fiscale ». Mais cela n'a pas suffi pour dissiper la colère des patrons, el l'UTICA a été même désavouée dans son propre camp. La Fédération tunisienne du textile-habillement (FTTH) rattachée à l'organisation patronale historique a en effet qualifié, dans un communiqué publié le 16 avril, l'accord conclu entre l'UTICA et l'UGTT au sujet des salaires du mois d'avril de «convention surprenante et non déclarée» ! «L'accord ne ferait qu'aggraver la crise que vit le secteur du textile-habillement depuis fin 2019», a souligné la fédération rebelle. Fait remarquant dans cette guerre entre les organisations patronales : l'UGTT a volé au secours de son partenaire social de longue date en dénonçant vertement l'attitude de la CONECT. Dans une déclaration à l'agence TAP, en marge de l'inauguration d'une unité hospitalière d'urgences pour les patients infectés par le coronavirus à l'hôpital universitaire Sahloul à Sousse, le secrétaire général de l'organisation ouvrière, Noureddine Taboubi, a lancé une pique acérée au président de la CONECT. « Il aurait été plus opportun que la CONECT rembourse l'Etat et que son président rembourse la Société Tunisienne de Banque (STB)», a-t-il lancé, affirmant que l'UTICA reste l'unique et le principal partenaire social de l'UGTT.