Le prix du baril de Brent a connu hier une autre baisseau-dessous de 21 dollars contre 27 dollars à la fin de la semaine dernière. Cette nouvelle donne énergétique vient s'ajouter à la maldonne sanitaire et basculer les prévisions de croissance mondiale et nationale, voire bouleverser les schémas de développement quinquennaux pour toutes les économies. Dans ce contexte, l'économiste et l'universitaire FethiNouri aaccordéau Temps Business & Finances un entretien, dans lequel il a parlé de la situation actuelle et son impact sur l'économie nationale. Sur le plan mondial, l'économiste indique que la menace de la saturation des stocks persiste encore. « D'ici le mois de mai, s'il n'y a pas de reprise, la demande restera faible et les stocks actuels continueront d'être saturés. Il y a un risque majeur que la demande pour le mois de mai ne va pas augmenter et les prix poursuivront leur baisse à l'échelle internationale », ajoutera-t-il. A l'échelle nationale, M.Nouri a fait savoir que la chute du prix du baril de Brent à l'international aura des répercussions positives sur l'économie tunisienne, dans la mesure où il y aura une baisse de la facture commerciale, et on va la voir d'ici 15 jours. « D'ici 4 jours, on connaîtradéjà la facture commerciale énergétique. C'est sûr, qu'il y aura une forte baisse. Un soulagement énorme dans la balance courante de l'Etat (compte courant de l'Etat). Autre chose, les subventions directes et indirectes vont baisser », a-t-il souligné. Par ailleurs, la baisse des prix du pétrole allégera l'enveloppe réservée à la subvention directe des produits pétroliers et du gaz (destinés à la consommation), et la subvention indirecte, puisque la trésorerie de la STEG et celle de la STIR seront soulagées par la chute du prix du pétrole à l'importation. Il est à rappeler que la Loi de Finances 2020 prévoit une enveloppe à hauteur de près de 1,9 milliard de dinars qui sera allouée à la subvention des hydrocarbures et de l'électricité. Dans le même ordre d'idées, l'économiste a souligné qu'une fois le déficit commercial, maîtrisé, cela donnera une bouffée d'oxygène à la balance courante, ce qui se traduira par l'amélioration de nos réserves en devises. En revanche, M.Nouri a fait savoir que cette situation aura également des répercussions négatives, dont essentiellement, la baisse des recettes fiscales provenant des compagnies pétrolières exerçant en Tunisie, en raison de la chute de leurs ventes. Et d'ajouter : « Par ailleurs, si le prix du baril persiste à un niveau inférieur à 30 dollars, certains gisements en Tunisie ne seront plus rentables ». Théoriquement, une nouvelle baisse des prix des hydrocarbures en Tunisie, incessamment, sous peu En ce qui concerne la légère baisse des prix de certains hydrocarbures à partir du 7 avril 2020 en Tunisie (ajustement), M.Nouri a indiqué que le tout dépend du système de la tarification. La Tunisie a son propre système de tarification, comme partout dans le monde. Et de préciser encore : « En Tunisie, la politique de tarification énergétique, c'est une politique qui consiste à se rapprocherle maximum de la vérité des prix. Lorsque le prix baisse, le consommateur tunisien profite et lorsque le prix augmente, le consommateur paye la facture. En principe, selon l'ajustement mensuel qui évolue dans un couloir de +/- 1,5 % alors qu'il était de l'ordre de 5% trimestriellement, le consommateur va profiter. Théoriquement, avec la baisse actuelle des prix de pétrole à l'échelle internationale et les tensions sur le marché du pétrole brut, on s'attend normalement à une nouvelle baisse des prix des hydrocarbures en Tunisie, sous peu. Est-ce qu'elle aura lieu ou pas. On ne sait pas. Le pays actuellement est face à une crise. On ne sait pas comment l'Etat va faire l'arbitrage. Parce qu'il y aura un arbitrage, cela est indéniable. Deux scénarios sont à envisager: faire profiter les ménages de cette baisse ou bien l'argent qu'on va gagner sur la facture commerciale sera injecté dans le budget de l'Etat pour faire face à cette pandémie.C'est aux politiciens d'assurer l'arbitrage ». Un déconfinement doit être progressif, prudent et intelligent Sur le volet des priorités économiques urgentes, M. Nouri estime que le déconfinement doit être progressif, prudent et intelligent. Il faut donner le feu vert aux fonctions libérales, qui ont une relation directe avec les citoyens. Non à l'annulation ou le report du paiement des dettes extérieures, oui au profilage En ce qui concerne l'enveloppe de crédits et des dons accordée à la Tunisie par lesinstitutionsinternationales dans cette période de crise, est-ce qu'elle suffira ou pas ? Selon M. Nouri, la Tunisie a pris sa part comme tous les autres pays. Il a souligné que c'est une dette « facile » proposée dans des circonstances douloureuses et non pas une dette sur le marché international. « Ce sont des moyens de sauvetage proposés par les institutions monétaires internationales. Pourquoi ne pas en profiter! », a-t-il relevé. En ce qui concerne la proposition du report ou l'annulation des dettes extérieures ou le profilage, l'économiste estime que l'annulation des dettes est une proposition qui touche l'image de la Tunisie auprès des institutions financières internationales et même auprès des investisseurs : « Je suis contre le principe d'annulation du paiement de la dette, ni son rééchelonnement, et encore moins son atermoiement. Je suis d'accord avec le profilage pour en découdre avec la situation actuelle. En cas d'annulation ou de report du paiement des dettes extérieures, le titre tunisien perdra sa crédibilité. Et c'est l'image et la solvabilité du pays qui sont en jeu ».