Confiné, le public ne goûtera pas cette année, aux saveurs subtiles du Festival de la médina. A Tunis comme ailleurs, les manifestations culturelles attendront des circonstances meilleures. Avec l'arrivée du mois de Ramadan, il est de coutume que la médina de Tunis se pare de ses habits de fête et vive au rythme des veillées nocturnes. Les cafés sont toujours bondés, les restaurants drainent une clientèle appréciable et les rues sont pleines à craquer de promeneurs et de badauds. Une médina silencieuse et si paradoxale Ces images qui ne se démentent quasiment jamais, devront attendre. Entre couvre-feu et confinement, la médina de Tunis est triste, vide mais garde son charme particulier, sa beauté plastique qui naît du jeu des vieilles pierres et du regard. Dans ce contexte où les horizons sont fermés, le Festival de la médina manque lui aussi à l'appel. Cette manifestation a toujours donné un tempo particulier au mois de Ramadan et depuis bientôt une quarantaine d'années, le festival est devenu inséparable de son écrin et de son public fidèle. La caractéristique par excellence du Festival de la médina, c'est la relation unique et privilégiée qu'il a su tisser avec son public. Fidèle, mélomane et friand de ces soirées musicales dédiées au "tarab", ce public est l'assise du festival dont le soutien essentiel provient de la Ville de Tunis. Là encore, la relation entre le festival et la municipalité est exemplaire, solidement ancrée. Elle constitue le socle sur lequel s'est développée cette manifestation qui, forte de cet appui, a su engranger d'autres soutiens de taille comme celui du ministère des Affaires culturelles. Autre atout du festival cher à Zoubeir Lasram, son infatigable directeur, l'équipe qui constitue le comité directeur est soudée et entièrement tournée vers le succès de la manifestation dont les grands équilibres ont toujours été préservés malgré des difficultés financières récurrentes. Le comité a ainsi eu la sagesse de centrer le festival sur l'essentiel et éviter que le gigantisme et l'éparpillement n'aient raison du projet fondamental. Resserrant les programmes, privilégiant la musique et les artistes tunisiens, le comité directeur du festival a su trouver un équilibre qui, sans être budgétivore, apporte au public ce qu'il attend. Aujourd'hui, le Festival de la médina manquera une session mais gardera ses fondamentaux. Musique traditionnelle et anciens palais Ces derniers sont aisément identifiables et reconnus de tous. En premier lieu, la musique qui constitue l'ADN de ce festival, est le signe de ralliement du public qui vient se ressourcer en retrouvant la tradition du malouf et aussi les différentes chorales qui existent à travers le pays. Cette identité musicale est toujours enrichie par une touche de modernité et aussi quelques artistes étrangers, en général venus de Syrie ou d'Egypte, pour répondre à la demande du public. De plus, plusieurs artistes tunisiens sont devenus des incontournables du festival et s'y produisent chaque année. A ces occasions, ce sont des retrouvailles toujours chaleureuses avec les Lotfi Bouchnak, Zied Gharsa et autres Fadhel Jaziri. Le Festival de la médina, c'st aussi l'opportunité annuelle qui est donné au public de découvrir des espaces historiques de la médina. Plusieurs soirées sont organisées dans des anciennes demeures comme Dar Lasram ou Dar Hussein. C'est d'ailleurs le Festival de la médina qui a été à l'origine de la redécouverte du patrimoine oublié des medersas et des places publiques. Que ce soit pour la traditionnelle "kharja" ou les soirées de musique spirituelle, le public répond toujours présent. Sauf ce Ramadan! Sur l'autre versant de la ville, le Théâtre municipal restera lui aussi portes closes. Epicentre du festival, ce théâtre centenaire accueille un grand nombre de soirées et contribue au prestige de la manifestation. En effet, si les concerts confidentiels se passent dans les anciens palais de la médina, les soirées grand public se déroulent au Théâtre de la ville et aussi à la Cité de la culture. C'est dire si le festival rayonne sur toute la ville! Des initiatives sur la Toile pour épancher les nostalgies Ne l'omettons pas: le Festival de la médina a aussi suscité une saine émulation dans plusieurs villes qui se sont dotées pour l'animation du mois de Ramadan, de manifestations similaires. De même, dans le sillage du festival de référence, plusieurs autres initiatives ont vu le jour à Tunis et, de la Rachidia à la plus petite des initiatives, proposent des programmes culturels et essentiellement musicaux. Dommage, ce fourmillement n'est pas de mise cette année alors même qu'il serait aussi question de moduler les festivals d'été en fonction du déconfinement progressif et ciblé. Pour de nombreux jeunes, c'est le premier Ramadan sans festival de la médina mais heureusement que la Toile fourmille d'initiatives pour signaler la vitalité du secteur culturel.