Le comité directeur du Festival de la Médina est passé par l'une de ses années les plus difficiles. La 30e édition a fait face à pas mal de défis. ça devait être un jubilé, une année où le festival brillerait de tous ses feux sur la Médina. Mais, d'emblée, la manifestation s'est retrouvée avec le Théâtre municipal comme seul espace pour ses spectacles. Malgré l'attractivité de la Bonbonnière, nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur ce choix. En fait, il ne s'agit pas d'une option, mais d'une circonstance qui s'est imposée au comité d'organisation. Les raisons en sont multiples, nous explique le directeur du festival, Zoubeïr Lasram. Le festival a, en effet, perdu son principal sponsor —un opérateur téléphonique— qui s'est retiré à la dernière minute, sans donner d'explication. «Cela a engendré un trou énorme dans le budget», affirme le directeur de la manifestation. Et d'ajouter : «Nous avons été contraints à retirer 8 à 9 spectacles du programme, entre tunisiens et étrangers». Par ailleurs, le ministère de la Culture, qui fournit depuis 30 ans le matériel de sono et de transport au Festival de la Médina, ne l'a pas fait cette année, et les organisateurs ont dû se tourner vers la municipalité de Tunis. Un autre élément a beaucoup joué, il s'agit de l'indisponibilité des jardins du palais Kheïreddine, espace squatté par des familles qui s'y éternisent, refusant de le quitter, au vue et au su des autorités. Au-delà des répercussions qu'engendre la perte de cet espace de1.500 places, le plus grand qui était à sa disponibilité, Zoubeïr Lasram appelle à sauver ce monument spolié et de plus en plus délabré. Par ailleurs, les jardins du palais Kheïreddine sont loin d'être le seul espace de la Médina qui n'a pu être exploité pour le festival. Medressat Bir Lahjar était en restauration, Dar Lasram, qui abrite les locaux de l'Association de sauvegarde de la Médina, n'est plus cédée, le soir, au festival par les responsables de l'ASM arguant, désormais, qu'ils ne veulent plus entraver le fonctionnement de leur administration. De plus, la plupart des espaces disponibles à l'intérieur des remparts, dont Dar Hassine, local de l'Institut national du patrimoine, comptent 200 à 250 places au maximum. «Trop peu pour le public du festival qui ne cesse d'augmenter», explique le directeur. Aussi le Théâtre municipal s'est-il de facto imposé en tant qu'endroit prestigieux, que les gens aiment fréquenter, et où les artistes se sentent bien servis. De plus, il présente des avantages sur le volet technique : la sono est installée une seule fois pour toute la durée du festival et il est possible d'adapter la scène et la lumière aux différents spectacles. Quant à son emplacement (en dehors de la Médina), ce n'est plus un détail important, selon Zoubeïr Lasram, puisque les quartiers du centre-ville communiquent de plus en plus, au point de ne plus distinguer entre la Médina et «la ville européenne». Des choix, une ligne directrice Le programme est élaboré par le comité du festival, formé de son directeur et de membres de différentes disciplines, tous des mélomanes avertis. «Nous comptons parmi nous deux archéologues, des personnes venant du monde de l'information, des hommes de culture, des professeurs de musique et deux juristes. C'est ensemble que nous élaborons le programme», assure notre interlocuteur. L'absence du poste de directeur artistique ne semble pas être un pépin. Le comité a misé sur la découverte et la redécouverte comme principaux choix et comme ligne directrice. C'est après tout la vocation du festival, selon le directeur. Il y a dans ce sens des noms qui reviennent, tels Lotfi Bouchnaq ou Zied Gharsa. Zoubeïr Lasram se défend contre le reproche de l'absence de musique spirituelle dans le programme, en évoquant la première partie du concert de Leïla Hjaïej, ainsi que les prestations de Lotfi Bolat et de Ahmed Jelman, sans oublier les spectacles de «soulamiya» de Nahj El Bacha et de Zaouiet Sidi Mehrez, qui sont des classiques du festival. Côté découvertes, Zoubeïr Lasram affiche sa fierté à propos des choix du programme. En témoigne, en effet, la réussite des soirées de Mambomania et de Vanny Jordan, deux groupes qui viennent d'Amérique Latine. Il y a eu également Abir Nasraoui, qui a exploré, dans son spectacle, l'influence du tango sur la musique arabe. Zoubeïr Lasram ajoute que le Festival de la Médina s'est toujours attaché à sa spécificité et s'est distingué des autres festivals, même si cette année, ils se sont chevauchés pendant la saison estivale. «Nous avons eu six spectacles à guichets fermés, ce qui prouve que le festival a son public», révèle-t-il. La billetterie à prix unique, 10 dinars par spectacle —avec possibilité de gratuité pour les enfants— rapproche, à son tour, le festival de son public. Inutile de programmer autre chose que la chanson, selon Zoubeïr Lasram, qui précise que des tentatives ont été faites dans les sessions précédentes, sans grand résultat. Concernant la clôture du festival, qui a fait couler beaucoup d'encre, devant être assurée par Sofia Sadok avant qu'elle n'annule son spectacle pour des raisons de santé, Zoubeïr Lasram dit que malgré les appels de boycott lancés sur les réseaux sociaux, le comité est resté sur son choix, par souci d'indépendance et parce que Sofia Sadok était invitée en tant que cantatrice. «Nous sommes contre l'exclusion», répond-il. La 30e édition a été pour le comité directeur, celle de tous les défis, mais le festival a bien eu lieu, en présence de son public. Des solutions doivent être trouvées pour que le comité du Festival de la Médina obtienne ce qui lui est promis et puisse travailler à l'aise. Les difficultés rencontrées ne sont pas toutes endogènes, mais il est certain qu'un plan d'action doit être élaboré, ne serait-ce que pour aller vers les sponsors, les varier et ne pas être à la merci d'un seul d'entre eux. Le comité a le temps de respirer avant de passer à une nouvelle bataille. La période précédant le prochain mois de Ramadan nous en diront plus.