« Les Califes maudits » paru aux éditions Albin Michel, est un cycle de cinq récits historiques qui reconstituent le règne des quatre successeurs du Prophète Mohammed. Le premier volume, « La Déchirure », publié au printemps dernier, et Le livre « A l'ombre des sabres » paru en 2019 est le deuxième tome de la série qui raconte la succession du Prophète et fait revivre la confrontation entre musulmans dans les jours qui ont suivi sa mort. Ecrit par Héla Ouardi, Professeure de littérature et de civilisation française à l'université de Tunis, chercheure associée au Laboratoire d'études du monothéisme au CNRS, le présent ouvrage s'avère être intéressant à plus d'un titre. Dans une rencontre modérée par un journaliste de la radio française RFI, Héla Ouardi a d'abord tenu à rappeler les événements de son récit précisant que le Calife Abou Bakr voulait se conformer à l'expédition vers Byzance qui a été ordonnée par le Prophète Mohammed durant les derniers jours de sa vie. Abou Bakr Essidik comme étant le calife et le successeur, devait achever ou prolonger l'action de son prédécesseur Mohammed et la volonté du Prophète par un scrupule de régularité. Or une décision d'envoyer une armée en direction de Byzance a été confrontée à un refus de la part des compagnons du Prophète et notamment Omar Ibn Khattab, qui avait peur de cette entreprise militaire, risquée, pour deux raisons. D'abord et toujours selon Ouardi, la confrontation avec l'armée byzantine effrayait les Musulmans. Le deuxième motif qui est derrière la contestation de Omar est que la situation de Médine au lendemain de la mort du Prophète était extrêmement critique ; non seulement parce qu'il y avait ces luttes internes dans la communauté musulmane à cause du manque de légitimité d'Abou Bakr mais aussi face aux menaces extérieures de la part de tribus qui vivaient aux alentours de Médine et qui attendaient la mort du Prophète pour lancer un assaut sur Médine. Le livre, à notre sens, ne relate pas les événements historiques d'une manière objective, mais au prisme des idées de l'écrivaine qui a voulu pointer du doigt, à sa manière, « une violence sanguine de l'islam qui alimente les esprits des djihadistes » Elle ajoute aussi « En fait, tout cela n'est qu'une couverture religieuse théologique pour justifier l'attaque contre tous ceux qui en réalité ont refusé de payer la taxe, « Diya » après la mort du Prophète, et ont refusé en fait de se résigner à ce nouveau pouvoir installé à Médine ». Abou Bakr avait un double chantier à gérer au moment de son arrivée au pouvoir. Réussir à pacifier cette communauté qui s'agitait (chacun avait ses ambitions) et un autre chantier qui est, lui, de nature religieuse : c'est de maintenir l'Islam en vie malgré la mort du Prophète. Le bras armé du Calife Khaled le personnage qui force à la fois l'admiration et aussi la terreur, appelé dans le récit «Khaled le terrible» est le bras armé du Calife, parce qu'il est d'une redoutable efficacité militaire. Courageux, intelligent, fin stratège, mais en même temps pouvant accomplir des actes absolument atroces qui lui ont valu de sérieuses représailles du calife lui-même. La dernière bataille qu'il a mené au nom du premier Calife c'est Al Yamama contre Mousaylima « l'imposteur » et quand il a gagné la bataille qui était très douloureuse puisqu'il a fait beaucoup de victimes dans le rang des Musulmans, il fait une autre bavure. Le soir même de la bataille d'Al Yamama, il prend pour épouse l'une des filles des chefs vaincus, et là Abou Bakr lui envoie une lettre très violente, et lui dit : «Tu n'as pas de cœur, tu te maries alors que le sang des dizaines de Musulmans n'a pas encore séché devant ta tente ». A un moment donné il y avait une grande tension et Khaled a compris avec cette lettre pleine de remontrance, qu'il est devenu une personne non-grata à Médine. Il va être sommé par le Calife de quitter la province de Yamama sur le champ pour se diriger vers l'Iraq et y mener une guerre contre l'empire Sunnite. A la fin du récit, Héla Ouardi ajoute qu'Abou Bakr a réussi à instaurer le califat comme institution politico-religieuse puissante qui va avoir une répercussion régionale, inouïe, avec son successeur Omar. Et il a réussi à trouver une vraie vocation : sauver l'islam de la disparition.