On y est : la Tunisie entamera à partir de demain une nouvelle étape cruciale dans sa gestion de la corona-crise, à savoir le déconfinement progressif et «ciblé», programmé par le gouvernement, et qui s'étalera sur trois cycles, avec comme objectif d'aboutir à un déconfinement total, tenu en ligne de mire, et qui sera envisageable, seulement si tout va bien, à partir de la mi-juin. Cependant, et à l'heure où les Tunisiennes et les Tunisiens s'apprêtent à attaquer cette nouvelle phase, le brusque accès d'alarmisme, pour ne pas dire d'anxiété, émis par le ministère de la Santé, ces derniers jours, fait poser plus d'une question. En premier lieu, c'est surtout cette histoire de « deuxième vague de contaminations », d'abord évoquée par Abdellatif Mekki, le ministre de la Santé, puis confirmée par l'Organisation mondiale de la Santé, -rien que ça !- qui est, depuis quelques jours, sur toutes lèvres et qui tracasse, de facto, les Tunisiennes et les Tunisiens. Autrement dit, est-il aujourd'hui si sage d'entamer ledit déconfinement, aussi progressif qu'il soit, à l'heure où l'on craint, sur le terrain, une probable « rechute » qui saperait, mine de rien, tout le parcours estimable et satisfaisant, mené jusque-là ? Plus intriguant encore, il parait même, à en croire Abdellatif Mekki, que la Tunisie n'a pas encore atteint son pic de l'épidémie, et ce, malgré la baisse notable, remarquée récemment, du nombre des cas positifs détectés, comme celui des personnes décédées, et en dépit du constat de stabilité évidente au niveau de la situation épidémique du pays. Des déclarations qui laissent donc présager une hausse prochaine dans les compteurs et une détérioration de la situation épidémiologique, et qui tomberait pile, s'il en est, avec la phase du déconfinement progressif programmé par le gouvernement. Sur quel pied danser ? Pourtant, le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, avait bel bien déclaré, lors de sa dernière sortie médiatique, que la Tunisie a effectivement entamé sa courbe descendante, ce qui implique nécessairement l'achèvement de la phase critique, appelée couramment « pic » de la pandémie, justifiant par là même la décision de préparer progressivement le terrain pour le déconfinement total, tant attendu et espéré par les Tunisiennes et les Tunisiens. Lesquels ne savent plus, du coup et désormais, sur quel pied danser, devant cette contradiction flagrante au niveau du discours officiel de l'Etat tunisien. Il faut considérer, certes, que le scénario d'un deuxième pic, dans le cas où le premier aurait été atteint, serait vraisemblablement envisageable, surtout que plusieurs pays dans le monde ont dû malheureusement l'éprouver, mais ce qui poserait vraiment problème c'est qu'il risquerait de coïncider dangereusement avec une éventuelle baisse de garde provoquée justement par le déconfinement programmé. De là, les Tunisiennes et les Tunisiens, naturellement soucieux de leur santé en pleine corona-crise et pas vraiment crédules vis-à-vis des politiciens et de leurs discours, ont toutes les raisons du monde de demander, aujourd'hui plus de clarté et surtout plus de cohérence aux dirigeants de ce pays. Comble de l'embrouillement à la veille du déconfinement, le syndicat national des propriétaires des pharmacies privées en rajoute une couche en mettant vivement les Citoyennes et les Citoyens en garde contre les bavettes lavables commercialisés actuellement sur le marché tunisien. Selon le vice-président dudit syndicat, 90% de ces masques ne seraient pas conformes aux normes sanitaires et seraient donc inutiles et inefficaces pour faire face au coronavirus. En face, aucune réaction à signaler jusque-là de la part du gouvernement. Ce qui est éminemment grave surtout que l'on sait que ces bavettes sont décidément indispensables pour attaquer cette phase du déconfinement. Et ce n'est pas demain la veille !