* Etudiants, plutôt désabusés ; administration satisfaite A l'approche de l'heure du déjeuner, les termes tels que (jeton), (ticket), (plateau), (réfectoire) commencent dominer les discussions des étudiants. Chanceux ceux qui, aujourd'hui s'attableront au fast-food du coin ou auront les moyens de s'offrir une part de pizza, une grillade mixte ou, même un sandwich au thon. Les moins nantis doivent se rendre au restaurant universitaire et se contenter alors d'un apport calorique établi par des théories de nutrition permettant de remplacer la viande par des denrées moins coûteuses. Hormis le goût et la saveur, l'apport calorique sera le même. Des formules diététiques, un calcul nutritif pour assouvir des bouches affamées qui réclament une nourriture à 200 millimes. L'étudiant débourse 200 millimes par repas et l'Etat subventionne le reste des charges évaluées à plus de 7 milliards de dinars. Près d'un milliard de dinars sont alloués à l'achat de la viande pour l'ensemble des restaurants universitaires appartenant à la région du Nord, un chiffre qui constitue le un septième de tout ce budget. Pourtant, selon les étudiants une semaine peut s'achever sans qu'ils n'en mangent. Les étudiants, ceux, nombreux que nous avons contactés sont mécontents. On parle de carbonate et d'additifs chimiques dans les plats servis. L'administration réagit contre « ces rumeurs ». mais le fait est que la plupart des étudiants n'y vont pas de bon cœur ! Il est presque midi, l'heure où les intestins commencent à se faire entendre et l'estomac grisonner. La faim s'accapare de la concentration et on devient de moins en moins opérationnel et efficace. C'est à ce moment là, qu'on commence en général à rêver de mets et de plats succulents, de ce qui peut être appétissant et calmer le gazouillement d'un ventre vide... Ce simple souvenir fait donc couler la salive. Faute de temps ou de distance, les étudiants sont souvent obligés de déjeuner à la hâte. Ils se rendent au fast-food le plus proche ou se contentent d'un bout de casse-croûte. Mais en général, celui ou celle qui se permet le luxe de déjeuner une fois dans un restaurant aux environs du Campus, ne pourrait pas le faire les autres jours de la semaine. Le budget d'un étudiant boursier ou qui dépend financièrement de sa famille ne le permet pas. Et même si c'est possible, l'étudiant essaie de se priver afin de s'offrir un ticket de cinéma, de nouvelles paires de chaussures, un cadeau pour l'anniversaire d'un ami, quelques extras ... Loin d'avoir le même appétit que l'on éprouve pour les délicieux plats de leurs mères, et dépourvus d'enthousiasme et de motivation, plusieurs étudiants sont contraints quotidiennement d'emprunter le parcours qui mène au resto U. Ce fameux resto U, un passage obligé pour tous ceux qui ont fréquenté la faculté. Et même si ce n'est pas pour manger, nous avons tous un jour été tentés de jeter un œil sur cette institution qui assure presque gratuitement et quotidiennement le déjeuner à quelques milliers d'étudiants ? Mais qu'en est-il de la qualité de tout ce qui est servi? Et cette curiosité qui jadis nous a incités à pousser les portes de ce restaurant, continue à nous taquiner aujourd'hui sans cesse. Ourdis par cette curiosité, nous avons franchi le seuil du restaurant universitaire du Campus - Tunis Manar. Un vrai paradoxe revêt l'attitude des jeunes envers cette cuisine qui leur garantit un repas quasi gratuit. A 11h30, heure d'ouverture des portes, en les voyant affluer en groupe ou individuellement, on est presque certain que c'est un festin qui les attend d'où cette activation ! Mais en les abordant pour leur demander leurs avis, ils affichent à l'unanimité le même sourire sarcastique ! Il n'y a ni mystère ni secret. Tous nous ont affirmé que c'est le besoin qui les pousse à venir manger ici et non pas la qualité du menu du chef ! Pourtant,les responsables administratifs affirment que le chef cuisinier du restaurant universitaire Campus- Manar travaille l'été dans un hôtel étoilé à Hammamet. De plus, ils font remarquer qu'en dépit du budget financier très réduit et serré ils essaient souvent de varier le plateau. Ils peinent à trouver la résolution à une équation difficile.
Effort des ouvriers Et malgré l'effort des ouvriers à maintenir la propreté dans la cuisine, nous avons aperçu un chat se baladant entre les marmites et les appareils de cuisson. La présence de cet animal dans cet endroit censé être stérile et pur sème donc un brin de doute et jette une incertitude sur les propos des responsables interviewés. Certes, un déjeuner à 200 millimes est une offrande, et bien que les étudiants continuent à déjeuner au resto U, ils dénoncent aussi la médiocrité du service,la carence du plat offert, les conditions de cuisson et précisent que c'est le besoin qui les pousse à se rendre chaque midi à cet endroit. Entre ceux qui s'attablent pour manger et ceux qui font la queue uniquement pour se procurer le yaourt, le morceau de pain, ou une orange et désertent les lieux, il n'y a pas de doute, tous les témoignages recueillis convergent sur une réalité ; découvrons-la dans les interviews qui suivent.
Témoignage des étudiants Monia, « C'est toujours la misère » SVP, prenez encore des photos ! Immortalisez ce spectacle hallucinant et faites parvenir notre quotidien aux gens, c'est toujours la misère ici, la même scène désolante chaque jour. Le tort est partagé : Des étudiants bordéliques et analphabètes quant à la manière de manger, soupent comme des bestiaux, ils désertent les lieux en laissant des restes partout, ce qui donne un décor désagréable pour ceux qui débarquent après et les ouvriers observent inertes sans bouger d'une semelle, nous sommes souvent obligés de manger sur des tables non débarrasées, nous essayons donc de nettoyer les restes des autres avec du papier ou des mouchoirs.
Imen, « Je mange des plats typiquement resto U » Je ne discute pas la qualité de notre plateau, mais je m'arrête simplement sur la qualité de cette prestation. Pourquoi devrais-je retirer quotidiennement un mouchoir de mon sac pour essuyer l'orange avant de l'éplucher ? Pourquoi la sauce déborde toujours le compartiment qui lui est réservé pour arroser ma salade ? Du coup, je mange des plats typiquement resto U, une salade mélangée à la sauce rouge à l'haricot, ou des haricots à la sauce rouge mélangée à la salade.
Fatma, « Je suis obligée de manger ici » Quand je vois les ouvriers en train d'essuyer les tables avec des serpillières j'ai la chair de poule. Je doute fort qu'ils les utilisent exclusivement pour le nettoyage des tables. Et à chaque fois je jure de ne plus y revenir, mais je suis obligée de manger ici c'est presque gratuit même si j'exprime cette méfiance quant à la propreté de ce qui nous est servi.
Samah « On en a marre des œufs » Toujours des œufs, on en a marre des œufs ! Dès que j'emprunte le chemin du resto et avant même de franchir la porte principale, l'odeur des œufs bouchent mes narines. J'ai eu une overdose de cet ingrédient qui ne disparaît jamais de mon plateau.
M. Faiçal Sfar, Directeur du restaurant universitaire, Tunis. « J'ai la conscience tranquille » Je défis toute personne semant le doute quant à la propreté et l'hygiène de la nourriture préparée dans la cuisine du restaurant que je dirige. Tout est propre, et immaculé ! J'ai la conscience tranquille surtout quand je reçois constamment le verdict des analyses du laboratoire, j'en suis même fier. Nous assurons le déjeuner pour un nombre variant entre 3000 et 5000 étudiants. Un procès verbal sera établi pour les restes de la nourriture qui seront par la suite brûlées, nous n'avons pas le droit de les conserver ni de les transformer étant donné le caractère non commercial de l'établissement. *(Pourtant le restaurant compte 5 chambres froides ! Toutes en état de marche et une seulement contient des denrées : des tomates et des œufs...)
Mme. Sihem Kamoun, nutritionniste « Nous avons un menu préétabli qui assure une variété des plats » Nous avons un menu préétabli pour toute la semaine qui assure une variété des plats. Une nourriture qui garantit l'apport calorique essentiel pour les étudiants. Il est évident que sur le plan nutritionnel, une ration de viande possède le même apport calorique si on la remplace par des haricots, du riz ou des pâtes. Et vu que les viandes sont coûteuses, nous essayons de la convertir par d'autres ingrédients consistants et moins chers. Certes la saveur change mais les calories dans les deux plats avec ou sans viandes sont présentes. Depuis des années, on ne cesse de reprocher à la cuisine des restaurants universitaires l'utilisation du carbonate de sodium. L'ajout de ce produit chimique est strictement interdit par la loi. On ne s'en sert jamais ! Malheureusement, la rumeur persiste toujours et je tiens vivement à attirer l'attention sur un point : le sommeil qui s'empare des étudiants après qu'ils aient mangé n'est pas dû à l'ajout de ce produit chimique mais c'est un processus ordinaire semblable à cette sensation de répit ou de relâche que nous éprouvons juste après la rupture du jeûne pendant le mois de Ramadan. Cette hypoglycémie entraîne le relâchement du corps et une envie de sommeil accablant. Ce n'est ni le carbonate ni l'addition d'autre produit chimique qui sont responsables de ce phénomène. Les étudiants raffolent des viandes blanches, on en sert une fois dans la semaine. Et en dépit de cet effort, nous sommes parfois contraints à modifier le menu à la dernière minute. Faute de délai de livraison, nous sommes obligés de compenser l'absence de cette ration de viande par un morceau de tajine fait à base de pommes de terre et des oeufs ou autres. Les étudiants sont alors déçus.
M. Saïd Bhira, Directeur Général de l'OOUNO ; « 35000 repas sont servis par jour » La restauration universitaire pour la région du Nord coûte à l'Etat plus de 7 milliards de dinars annuellement. Cette même région dispose de 34 restaurants universitaires répartis sur 11 villes. 35000 repas sont servis par jour. Parmi ces restaurants, 18 sont considérés comme des restaurants indépendants des cités universitaires.