Dans la ville traditionnelle de Tunis, le bonheur n'est pas un idéal à atteindre, on le confectionne au quotidien avec les ingrédients les plus naturels, les plus frais, les plus bon marchais. Il est à la portée de tout le monde ! Oui Grand Brel ! Chez ces gens là, on ne pense pas, on vit et on adore la vie ! Là-bas, on peut refuser Prométhée, héros de la culture occidentale soumise à la raison et lui préférer d'autres mythes plus dionysiaques tels qu'Orphée image de la création lyrique, (Marc Jimmenez) car en effet c'est l'essentiel de la culture populaire ! Dans les quartiers populaires, l'exaltation, la délectation, les plaisirs, sont la source de vie de beaucoup de gens afin de sublimer les souffrances, l'injustice, les fardeaux et les frustrations. Nouba, 3ochek eddenia ! Un titre euphorique célébrant le dyonysisme par excellence ! Il s'agit d'une classe sociale qui cultive le bonheur, avant tout et au détriment de tout! L'histoire du feuilleton est simple. En vérité, il n y a pas d'histoire selon la rhétorique classique du récit, mais plutôt des historiettes débouchant l'une dans l'autre, déclenchant des complications, des péripéties, des rebondissements. Avec leurs mondes éclatés, les personnages évoluent dans un espace presque clos, protégés par les portes de la médina, ses murailles, ses voûtes, ses arcades et ses ruelles à cul de sac ou labyrinthiques. L'espace est révélateur de l'intimité, de la familiarité, de la solidarité, et même de cette « solidarité errante » « dans les moments éphémères du jeu ou de la fête, niches de libertinage et convivialité de plaisir » (Jean Duvignaud les solidarités p 232, E. Fayard) Le réalisateur a choisi de récupérer Naima el kahla du feuilleton « Khotab al beb », qui est un personnage pauvre, méprisé et marginalisé. Cette mise en abyme (palimpseste, intertextualité dans la littérature) n'est pas arbitraire ou insensée ! En fait, les habitants de la médina qui intéressent Bouchnak, sont ceux qui ressemblent à Naima el kahla à Hbiba, à Wassila, à Bringa, à Baba el Hedi… L'approche du feuilleton épargne les baldiyas et vise les immigrés qui étaient installés dans la capitale après l'exode rurale. Contrairement aux anciens feuilletons qui collaient l'espace de la médina à l'étiquette des Baldiyas, Abedelhamid Bouchenak, à travers Nouba, a braqué la lumière sur cette autre catégorie tunisienne qui peuplait les faubourgs, débarquée avec sa grossièreté, son gougeât qui dérangeait tant Si Ridha dandy ! Certes, elle ne possédait pas les bonnes manières des baldiyas mais elle savait bien vivre au rythme jovial et chaleureux de son âme fraîche et sensible. Nouba est un feuilleton réussit. Il a captivé l'attention des téléspectateurs grâce à l'ingéniosité du réalisateur qui a su avec brio réaliser son œuvre. Le jeu des comédiens était impressionnant, excepté le rôle de la policière un peu poussé dans la démesure, et ceci revient à une bonne direction des acteurs. Aussi, les actions coulaient aisément comme une rivière fluide et limpide. Dans ce papier, j'ai focalisé sur l'aspect de la festivité et le goût du bonheur chez ces gens simples. Cependant, le feuilleton nécessite une réflexion plus détaillée sur les différents sujets abordés par le réalisateur, à savoir la drogue, la pauvreté, le banditisme, les crimes… également sur l'approche esthétique, l'écriture, l'idée de l'hommage rendu aux artistes tunisiens… Bravo à Abdelhamid Bouchenak et à son équipe!