L'espace Kalimet à Nabeul accueille une exposition de photos de Marianne Catzaras. Intitulée "Fragments de routes", cette collection est une échappée belle vers les horizons d'ici et d'ailleurs ainsi que le prétexte à une rencontre artistique entre photo, musique et poésie. Inlassablement, Marianne Catzaras remet l'ouvrage sur le métier et multiplie les aventures photographiques et les rencontres culturelles. En ce moment, cette photographe iconoclaste travaille sur un livre dans lequel elle restitue un subtil jeu entre la lumière et la pierre dans un Colisée de Rome qu'elle transfigure par son art. L'insularité est en chaque route Catzaras est ainsi: toujours d'aplomb lorsqu'il s'agit de photos qu'elle ose parfois en très grand format et avec des montages et des angles d'approche surprenants. Pour sa dernière exposition, elle s'installe pour un mois à la galerie Kalimet à Nabeul. Depuis le 25 juin, à la confluence des photos, des livres et de la convivialité, Catzaras donne à voir des fragments de routes et ouvre ainsi les portes de l'horizon. De formats classiques, ces photos prises sur la route sont un éloge du voyage et aussi un inventaire de ces détails qui accrochent le regard, s'incrustent dans les mémoires puis par la magie de la photo, rejaillissent intacts. Ce peut être un monument antique, sublime dans sa solitude, un bout de chemin au milieu de nulle part, des personnages qui semblent comme égarés sur le bord d'une route. Car ces fragments ont pour eux leur singularité et aussi leur insularité. Pris chacun à son tour, ils constituent des îlots de sens; appréhendés dans leur ensemble, ils forment une fresque des errances choisis sur les routes des bourlingueurs éternels. Chemineaux et vagabonds célestes Comment ne pas songer en regardant ces photos, aux vagabonds célestes invoqués par Jack Kerouac ou aux chemineaux qui hantaient les routes des siècles antérieurs? Un corpus entier de textes, de mots et de chansons renaît à la simple évocation d'une route: mot magique qui est la clé de bornes, balises, départs volontaires et retours des enfants prodigues. On prend la route pour se ressourcer et souvent, c'est aussi pour se fondre dans le paysage. À ce titre, Catzaras tout en cherchant le détail qui fait hiatus ou bien le contrepoint dans une scène fugace, n'en reste pas moins captivée par les paysages et leur diversité. De ces émotions, elle restitue des fragments de routes. Marquantes par leur sobriété et leur dépouillement, les routes de Marianne Catzaras installent une sorte de dialectique entre l'immensité et le grain de sable, l'immuable et le fugace, la route qui est dans le cadre et tous les désirs et interrogations qui restent hors cadre. Car l'idéal est toujours ailleurs et justement, au bout d'une route. Fragments d'horizons et voix d'artistes Moment fort, l'inauguration de l'exposition à l'espace Kalimet a été l'occasion d'une rencontre artistique à plusieurs mains. Ainsi, avec la participation de Fatma Cherif et Nabil Abdelmoula, les photos de Marianne Catzaras ont rencontré les mots de Adam Fathi et la musique de Mohamed Ali Kammoun. Cette fusion des arts a été le meilleur des départs pour une route symbolique de trente jours d'exposition. Chemin faisant, les artistes ont retrouvé le public, souligné le caractère miraculeux de certaines des photos de Catzaras et partagé ces fragments d'horizons. Encore une semaine pour les amateurs qui pourront retrouver les œuvres de la photographe gréco-tunisienne dans leur écrin nabeulien jusqu'au 25 juillet. H.B