«Persistance» à la galerie Alexandre Roubtzoff de La Marsa : des peintres, toutes obédiences picturales confondues, nous offrent, à travers leurs œuvres, une balade évanescente, une aventure humaine puissante et subtile... Par un travail rigoureux et étudié, les exposants, citons : Mohamed Ben Soltane, Mariane Catzaras, Wissem El Abed et Walid Zouari, proposent des œuvres qui sont autant d'évocations de paysages réels ou imaginaires, où la couleur et la matière jouent un rôle essentiel. Dans le travail du peintre Mohamed Ben Soltane, on retrouve une étrange sédimentation d'une mémoire antique, de signes rupestres occupant la toile et évoluant vers de nouveaux horizons artistiques. Ses personnages, ses têtes cabossées ne sont, sans doute, que le reflet des individus qui ont stimulé son imaginaire lors de l'acte créatif ou alors, c'est son imaginaire qui a donné lieu à ces figurations surréalistes. Au travers des œuvres aussi attrayantes qu'intrigantes les unes que les autres, réalisées aux techniques mixtes (acrylique sur panneau de bois, sur toile et sur papier journal, pastel sur panneau de bois et collage sur bois), Ben Soltane raconte des histoires, présentes ou passées. Les figures et les champs colorés remplacent les mots et installent une réelle émotion entre la peinture et le spectateur. Quant à Walid Zouari, son univers artistique est coloré, ludique, et urbain. Il s'inspire de la figuration libre, de l'illustration et des techniques de représentation contemporaine pour créer une œuvre singulière. Il peint des fragments de son quotidien et du nôtre. Ses personnages nous racontent des histoires, des émotions ou des instants fugaces. Il profite de cette exposition pour rendre hommage à travers deux de ses œuvres (l'huile sur toile et à l'acrylique sur toile) à «Charlie Hebdo» et à son dessinateur Cabu. Au cœur même de l'actualité, l'artiste cherche à nous faire percevoir le monde actuel au travers de ces tableaux qui sont comme autant de prismes déformants d'une humanité qui l'interroge et qu'il interroge. Wissem El Abed, de son côté, et par le biais de ses dessins et l'ensemble de ses œuvres aux techniques mixtes, poursuit sa guerre contre l'ignorance et l'anti-art, construisant quelque chose de solide, sur le chemin de la création, il demeure fidèle à ce qu'il écrivait un jour : «Les soldats et les guérilleros et tous ceux qui portent des armes d'une façon ou d'une autre, pour une cause ou une autre, font leurs guerres, les artistes aussi. Ils creusent des tranchées, tirent à bout portant et préparent les guets-apens. Avec leur humour noir, arme de dérision massive, leur destruction des tables de vérités, ils gagnent des batailles avec beaucoup d'effusion, pas de sang, mais d'idées et d'images sur le monde. La guerre que livre l'art ne tue pas et ses couteaux ne blessent pas. Même si elle tue et même s'ils blessent, les «victimes» ne sont que les certitudes prétendument irrécusables. L'art les mitraille et les pend. Il y a les arts plastiques, beaux, dit-on et il y a l'art plastiqué qui explose au visage des croyances boulonnées. Cet art dérange, du moment qu'il transgresse le rôle qui lui est assigné, celui de faire du beau, celui de faire la mimesis au premier degré de sa définition. Et de continuer : «L'artiste est l'obligé du monde, si j'emprunte l'expression à Hannah Arendt, et cette obligation, l'artiste l'assume au prix d'être haï. «Qui haïssent-ils le plus?», «celui qui fait éclater leurs tables de valeurs, le briseur, le criminel : or c'est le créateur», répond Zarathoustra que fait parler Nietzsche au nom des «gens de bien et des justes». «Tout en étant tirées du réel, les photographies inventent leur propre réalité. Il y a différents types de photographies, il y a celles que nous prenons et celles qui nous surprennent. Celles que nous allons chercher et celles qui viennent jusqu'à nous. Celles qui en disent long et celles qui résument tout !» c'est le cas des photographies de Mariane Catzaras qui, de son côté, offre à voir une œuvre étrange et obscure, marquée par un travail fascinant de la lumière. Ses photographies se partagent entre des paysages incandescents, et d'autres plus obscurs. Objet simple ou intrigant, rien n'échappe à sa caméra numérique. Il s'agit surtout de saisir l'esprit et la nature profonde de tout ce qui nous entoure, tout ce qui est conséquence du temps ou travail de l'Homme. Une exposition à voir de près jusqu'au 28 janvier prochain.