Sa décision, en mars, de ne pas se présenter à l'élection avait été unanimement saluée. Il assurait vouloir « laisser la place à une nouvelle génération ». Mais à 78 ans, Alassane Ouattara, président de la Côte d'Ivoire depuis 2010, repart en campagne suite au décès de son dauphin, son « fils », Amadou Gon Coulibaly. Sa candidature cristallise désormais toutes les tensions et elle semble fédérer l'opposition contre elle. Trente ans après le début de sa carrière politique, « ADO » se lance dans son dernier combat. Ce 6 août à 20h, veille de la fête nationale, la place de la mairie d'Abobo, bastion électoral abidjanais du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a des allures de cinéma en plein air. Des dizaines de militants installés sur des chaises en plastique ne perdent pas une miette du traditionnel discours du président Alassane Dramane Ouattara, projeté sur l'écran géant dressé pour l'occasion. Le suspense est à son comble. Puis : « Face à ce cas de force majeure et par devoir citoyen,j'ai décidé de répondre favorablement à l'appel de mes concitoyens me demandant d'être candidat à l'élection présidentielle du 31 octobre 2020. »Les spectateurs explosent de joie, tirent des feux d'artifices, soufflent dans leurs trompettes en plastique, les acclamations fusent : « ADO ! ADO ! » Le « cas de force majeure » ? La mort brutale le 8 juillet, à moins de 4 mois de l'élection, du Premier ministre et candidat désigné à la succession, Amadou Gon Coulibaly. « L'appel des concitoyens » ? Il s'agit surtout d'un appel de détresse des militants et caciques du parti au pouvoir, égarés depuis la disparition de l'héritier et affolés à l'idée de lâcher les commandes du pays en cas de victoire du candidat Henri Konan Bédié, 86 ans, ex-chef de l'Etat et président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), formation politique historique et première force d'opposition. Face au « Sphinx de Daoukro », le natif de Dimbokro se dit prêt, à 78 ans, à un dernier combat, après trois décennies de lutte acharnée pour le contrôle du pays. Un technocrate en politique Le parcours académique et professionnel d'Alassane Ouattara est celui du parfait technocrate : un baccalauréat à 20 ans à Ouagadougou, capitale de la Haute-Volta rebaptisée plus tard Burkina Faso, et un doctorat en sciences économiques à l'université de Pennsylvanie à Philadelphie, lui ouvrent les portes du Fonds monétaire international (FMI) à Washington, en 1968. Cinq ans plus tard, il intègre la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) en tant que chargé de mission, puis conseiller du gouverneur, directeur des études et enfin vice-gouverneur.