«Je pardonne... mon esprit s'égare, mais je n'oublie jamais... tout est enfui en moi... je ne veux pas et je ne dois pas oublier, il me faut un aveu... un aveu à la hauteur des souffrances que j'ai endurées... je ne me permets plus de subir davantage...je ne me permets plus de tolérer encore... je ne veux plus des larmes... d'un monstre qui regrette, qui implore ma pitié...» Sabah Bouzouita «Mémoire» traite du problème de la justice transitionnelle et d'une institution censée rendre justice aux victimes de la dictature et de réparer les atteintes aux droits de l'Homme commises pendant des temps qu'on croit révolus... « Mémoire » raconte la souffrance d'une victime de la dictature « Kenza » personnage campé par Sabah Bouzouita. Elle se partage la scène avec Ridha Boukaddida (le médecin Mortadha son ancien tortionnaire) et Alaeddine Ayoub (son mari avocat). Nous avons collecté des témoignages d'artistes et de professionnels du théâtre qui nous ont éclairés de leurs avis respectifs. Noureddine Ouergui artiste, dramaturge et metteur en scène «L'art de faire parler la mémoire» «Quand la mémoire déraille et ne reste qu'une fêlure qui laisse passer un rayon opaque de souvenirs amers, les personnages reprennent la route à l'envers pour essayer péniblement de reconstituer, reconstruire un passé aux images morbides ... Impossible de décrire les événements convenablement quand la mémoire flanche et que les mots sortent en pointillé !! Ce passé sombre hésite à sortir de la bouche meurtrie de la dame torturée par un être ( médecin de surcroît ) sadique, dont la voix seule évoque des moments d'une douleur indélébile. Quand le silence règne, la pièce explose et le silence devient un art d'une grande éloquence traduit par un jeu sobre qui met le récepteur devant une vérité horrible !! À ce moment fatal une question surgit : COMMENT PEUT-ON REGARDER L›HISTOIRE DANS LE BLANC DE L›OEIL ?? disait Heiner Muller ».. Un véritable carrefour La pièce est un véritable carrefour où les vivants, les morts-vivants se rencontrent pour former une constellation étincelante et aveuglante. L'espace nu, vide, vidé comme la mémoire trouée est une page blanche où le spectateur peut écrire ses mémoires dans le noir sans avoir peur des spectres qui dorment et de la bête qui attend une nouvelle occasion pour bondir !! « Mémoire « est un miroir qui réfléchit, Nous « réfléchit «... Un miroir « Mouroir « !! » Anouar Chaafi, dramaturge et critique de théâtre «Un minutieux travail d'écriture dramatique et scénique» «Cette pièce de théâtre s'inscrit dans le répertoire de la troupe ARTIS créée par le duo Sabah Bouzouita et Slim Sanhaji et use donc des mêmes outils esthétiques: lenteur, économie du gestuel, travail minutieux sur le texte. «Mémoire» se distingue par la force d'interprétation des comédiens : la sublime Sabah, l'excellent Alaa et l'exceptionnel Ridha. Slim a bien maitrisé les outils de la mise en scène : l'espace et les déplacements et surtout la conception de la lumière qui était fidèle aux atmosphères psychologiques des comédiens et des situations. C'est une rencontre nostalgique: Sabah et Alaa ressortissants de la première promotion de l'Institut supérieur d'art dramatique avec leur professeur de mise en scène : Ridha. Chapeau bas... » Témoignages recueillis par L.C.