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« Au vu des résultats de certains partis de l'opposition, on est encore loin de cette « maturité » à même d'assurer un jour, l'alternance pacifique » ! - Les choix stratégiques pour 2008 -
Où sont les espaces de dialogue dans les canaux de télévisions ? Notre invité, aujourd'hui, est Me Abderrahmane Kraïem, membre du Conseil Supérieur de la Communication et ex-vice-président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH). Il nous parle, ici, du bilan de l'année 2007 et des attentes, pour celle de 2008. Il évoque ainsi les réformes à entreprendre dans tous les domaines notamment sur les plans politique, économique, éducationnel et social. Il nous parle aussi de la situation du secteur de l'informatique et de la crise de la Ligue. Interview.
• Le Temps : Pouvez-vous nous dresser un bilan de 2007 ? -Me Abderrahmane Kraiem : Sur le plan international, le bilan est plutôt négatif. Il s'avère que la communauté internationale est loin de réaliser les objectifs de la paix et consolider les valeurs humaines de la liberté, de la solidarité et de la tolérance. Le monde continue à souffrir de tant de douleurs et de folies. Il serait trop long de dresser la liste des injustices et des conflits armés et leurs origines. Les principales causes relèvent de l'intolérance, de la montée du fanatisme, de l'adoption de certaines idéologies impérialistes rénovées, du sectarisme social ou religieux, des replis ethniques, des ambitions des seigneurs de guerre, souvent manipulés de l'extérieur, etc... Les conflits armées et les actes terroristes n'épargnent personne, leurs principales victimes sont souvent des civils (femmes, enfants, journalistes, politiciens, universitaires...). Par ailleurs, la mondialisation sans conscience, a conduit à une fracture économique et technologique. Le fossé entre Etats riches et pays pauvres se creuse de plus en plus, et on assiste à un véritable apartheid qui frappe les pays faibles économiquement. Sur le plan des libertés, on constate une sérieuse et réelle régression. Dans certains pays, les droits humains sont constamment bafoués, les détentions arbitraires et prolongées se multiplient et les exécutions sommaires, sont prononcées suite à des jugements non équitables. La tragédie des prisonniers du camp X-Ray de la base de Guantanamo reste entière malgré les appels pour sa fermeture. Dans le monde arabe, la situation n'a pas beaucoup changé. Gaza souffre toujours de l'embargo, les Palestiniens sont souvent victimes du terrorisme de l'Etat raciste et colonisateur d'Israël, le quart des pays arabes est touché par la colonisation totale ou partielle, la Ligue Arabe s'avère incapable de réaliser les attentes de la réforme. Malgré ce constat d'inquiétude, les lueurs de l'espoir persistent ; l'appel lancé par le Président Zine El Abidine Ben Ali pour la création d'un Fonds de solidarité international et mettre en place un code international de conduite pour la lutte contre le terrorisme, ainsi que l'appel du Président Nicolas Sarkozy, à la création d'une union méditerranéenne, trouvent des échos favorables auprès des pays et organisations aspirant à un avenir meilleur pour l'humanité.
• Et sur le plan national ? - L'année 2007 a coïncidé avec trois événements importants, la célébration du 50ème anniversaire de la République, le 20ème anniversaire du Changement et le démarrage du 11ème Plan de développement. Une série de mesures a été prise afin d'accéder à un rythme de croissance supérieur à 6% et ce malgré la constatation d'une flambée continue des prix des hydrocarbures. Ces mesures tendent, en effet, à assurer un équilibre entre les différents secteurs, assurer une économie nationale solide, garantir un développement régional généralisé, améliorer la qualité de vie du citoyen, accorder aux jeunes une place centrale dans les choix politiques et généraliser la couverture de la sécurité sociale. Sur le plan politique, la scène est restée inchangée, aucun nouveau parti n'a été légalement reconnu. Mais les partis existant et toutes les sensibilités ont été invités à réfléchir sur le présent et sur l'avenir du pays. Dans le domaine associatif, la crise de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme continue. Dans le secteur de l'information, la situation n'a pas beaucoup évolué, le Président de la République continue à renouveler son appel en faveur « de la multiplication des espaces de dialogue dans les canaux de télévisions et renforcer la présence des partis d'opposition dans les dossiers et débats portant sur les problèmes nationaux et internationaux ». En conclusion, l'année 2008 s'annonce l'année du tournant décisif dans le processus démocratique, une année de défi, notre vœu et de le relever. • Et sur le plan économique. Quelles sont les priorités ? -Nous joignons tous ceux qui croient que le développement du pays ne peut qu'être intégral, la croissance sectorielle isolée est vouée à l'échec tant qu'elle n'est pas associée aux autres facteurs de développement majeur et d'assurer l'intégration de l'économie nationale dans l'économie mondialisée. Les entreprises, qui bénéficient de plusieurs mesures encourageantes, se doivent d'améliorer leur compétitivité, renforcer leur capacité de gestion, associer les salariés et leurs représentants au maintien de cette entité dans sa gestion et son développement étant donné que l'entreprise doit être conçue non seulement comme un bien personnel mais un acquis général qu'il faut protéger. La croissance durable implique aussi une garantie de l'emploi, le budget économique de 2008 trace un ensemble de programmes qui placent en priorité l'emploi en relation avec le système éducatif dans le but de réaliser une meilleure employabilité. Malgré la complexité du plein emploi et l'impossibilité d'atteindre un taux de chômage zéro, notre souhait est que tous les jeunes tunisiens diplômés s'intègrent dans le circuit économique, à titre de salariés, de fonctionnaires de l'Etat ou dans le cadre d'une installation à leur compte et bénéficier des mécanismes et mesures de financement mis à leur disposition. Notre pays a connu quelques mouvements contestataires de jeunes diplômés non encore recrutés ou licenciés. Le droit au travail, bien que pris en considération politiquement, n'est pas encore reconnu légalement ; aucune indemnité de chômage ne peut donc être allouée. Seulement, des mesures ont été prises en vue d'assurer le recrutement d'un membre des familles nécessiteuses, et un programme triennal (2007-2009) a été élaboré en vue d'offrir une opportunité d'emploi aux jeunes dans différents secteurs. L'emploi des jeunes tunisiens est conçu comme la première priorité et un moyen efficace de les mettre à l'abri de « l'ennui, du vice et du besoin ». • Et les priorités dans les autres domaines ? -La Tunisie a misé dès son indépendance sur l'enseignement qui est un moyen d'accès à la modernité, à l'épanouissement culturel et au renforcement des attributs de l'identité. Malheureusement, les nouvelles orientations économiques mondiales ont canalisé l'enseignement dans l'objectif essentiel de l'emploi au détriment de toute finalité culturelle. Les jeunes élèves s'intéressent de moins en moins à l'histoire du pays, à sa géographie ou au développement de leur sens civique. Notre système scolaire qui assure un enseignement scientifique, technique ou linguistique, certes, de qualité, se doit aussi d'encadrer les jeunes, leur enseigner encore plus la culture des valeurs humaines, les éduquer aux droits de l'Homme et à la démocratie, afin d'accentuer leur sentiment d'appartenance à la patrie et au monde universel. En ce faisant, l'établissement éducatif empêche les jeunes de basculer dans l'un des extrêmes, « le fanatisme religieux » ou « la banalité et la délinquance ». Il est aussi primordial de renforcer l'encadrement des jeunes, multiplier les espaces de dialogue et d'écoute, consolider les programmes d'animation culturelle et sportive et mettre en place d'autres clubs culturels et artistiques. Il est aussi important d'éliminer au sein des lycées toute forme de discrimination vestimentaire entre garçons et filles et redonner à la présence des élèves à l'hymne national sa réelle signification patriotique. L'année 2008 sera l'année du dialogue avec les jeunes, l'occasion de débattre de toutes leurs préoccupations et de leurs ambitions. Il est de notre devoir de leur expliquer le sens et les objectifs de la décision courageuse et audacieuse de leur participation aux élections de 2009. La troisième consultation des jeunes, réalisée par l'Observatoire de la jeunesse, a fait apparaître la participation limitée des jeunes à la vie publique, le taux de leur adhésion aux partis politiques et aux associations est insignifiant. Etant donné le nombre important de jeunes touchés par cette participation effective aux choix politiques dans le pays, il est donc, nécessaire d'engager une action de responsabilisation auprès des jeunes tout en empêchant leur tiraillement. Un plan d'action éducatif spécialisé, orienté aux jeunes s'impose afin de leur clarifier l'étendue et le contenu de cette expression citoyenne. Il est nécessaire d'impliquer les parents et d'envisager la participation des compétences académiques et des associations crédibles. • Les partis politiques peuvent-ils avoir un rôle dans cette démarche ? -Le parti qui se respecte ne doit pas chercher à collecter l'adhésion, ce sont les intéressés qui la demande. De toute façon, je suis contre la politisation de l'école. S'il est du droit des jeunes de 18 ans d'adhérer librement au parti de leur choix (article 4 de la loi du 3/5/88 organisant les partis politiques), il est recommandé de laisser l'école loin de toute propagande politique ou partisane. • Comment concevoir l'avenir d'après vous ? -Si l'année 2007 a été l'année de la réflexion sur l'avenir politique du pays, notre vœu et que l'année en cours marquera le tournant du processus démocratique pour une meilleure consolidation des choix stratégiques : Une démocratie à la fois compétitive et participative. Les dernières mesures annoncées par le Président de la République concernant à la fois la consolidation des partis politiques représentés à la Chambre des Députés et le renforcement de la composition des listes nationales dans la Chambre des Conseillers, dans le Conseil économique et social et dans l'Observatoire National des élections, témoignent de la ferme volonté d'accéder au stade de l'éveil démocratique et promouvoir la vie politique afin d'instaurer un climat consensuel, stable invulnérable et prospère. Nous évoquons à ce sujet, quelques réflexions : la volonté politique consciente des difficultés matérielles et fonctionnelles des partis de l'opposition a conduit au financement des partis représentés à la Chambre des Députés, nous réitérons notre vœu que le financement public soit étendu à tous les partis, légalement constitués et que leur représentation parlementaire, soit assurée quel que soit le nombre de suffrages capitalisé dans l'élection générale à laquelle ils ont participé. De telles mesures sont de nature à consolider le rôle national des partis politiques, légalement reconnus et confortent le processus pluraliste garanti dans l'article 5 de la Constitution. On remarque avec regret que les résultats réalisés par certains partis ne sont pas à la hauteur des attentes et qu'on est encore loin de la maturité capable d'assurer un jour l'alternance pacifique. Malgré ces constations, il ne faut pas désespérer. Un redressement de la situation est toujours possible si on arrive à créer autour du citoyen l'atmosphère de confiance et de sécurité, en lui expliquant que l'action militante au sein des partis légalement reconnus n'a rien d'illégal, que l'adhérent au parti politique légal ne s'oppose pas à son pays, que bien au contraire, il œuvre pour son bien dans un esprit de civisme et de responsabilité. L'important c'est d'aimer le pays, lui rester éternellement fidèle et loyal. • Comment jugez-vous la situation du secteur de l'information ? -Le problème de l'information continue à être au cœur des débats, des revendications et des critiques. La critique audacieuse du Président de la République de la presse écrite formulée depuis quelques années reste toujours d'actualité. Le secteur est constamment appelé à franchir les lignes rouges virtuelles des temps révolus et prendre d'avantage d'initiatives pour traiter des sujets de proximité et être plus proche des aspirations du citoyen qui est toujours à la recherche des espaces de dialogue contradictoire et du ton de liberté. Je crains que, malgré les mesures prises en faveur de la promotion des structures de l'information, l'évolution de ce secteur risque d'être trop lente et très limitée. • Un mot sur la crise de la LTDH. -La Ligue vit sa deuxième crise depuis déjà 8 ans. Tout le monde en souffre. J'ai de la peine d'en parler une fois de plus. Je me contente de dire qu'une crise qui dure risque d'être chronique et que tout ce qui est chronique devient incurable. Nous avons, certes, émis des réserves quand à l'opportunité des poursuites judiciaires mais il faut absolument cerner le conflit et dépasser la crise et s'en tenir à la décision que doit rendre une comité de liaison et d'arbitrage composé d'anciens dirigeants de la Ligue. Je m'adresse à tous ceux qui voient en elle un acquis national, d'œuvrer pour faciliter la solution. Interview réalisée par Néjib SASSI
Pavées Je crains que la crise de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme ne soit devenue incurable. Le Président de la République continue à renouveler son appel en faveur « de la multiplication des espaces de dialogue ». La croissance sectorielle isolée est vouée à l'échec tant qu'elle n'est pas associée aux autres facteurs de développement. Etant donné le nombre important de jeunes touchés par cette participation effective aux choix politiques dans le pays, il est donc nécessaire d'engager une action de responsabilisation auprès des jeunes tout en empêchant leur tiraillement. Le parti qui se respecte ne doit pas chercher à collecter l'adhésion, ce sont les intéressés qui la demande. Nous réitérons notre vœu que le financement public soit étendu à tous les partis, légalement constitués.