p class="p1" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 13px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Le Temps - Raouf KHALSI p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Bourguiba avait cru avoir construit une Nation avec des «poussières d'individus». La Nation a été bien construite, à son image bien sûr, mais les «poussières d'individus» n'ont jamais été réellement rassemblées. Voilà qu'en plus d'un demi-siècle d'indépendance, les certitudes du «Combattant suprême» sont mises à mal. C'est que les ferveurs induites par le Nouvel Etat de 1956, la prééminence de l'Etat et la force coercitive du Parti-Etat n'ont guère prêté l'oreille aux sourds grondements souterrains appelant à draper l'Etat-Nation des réquisits d'une démocratie redoutée comme la peste. Ben Ali aura été encore plus radical dans ce sens, non sans avoir essayé en 1988 d'insuffler un dialogue avec toutes les sensibilités politiques, y compris le Mouvement islamiste... Le pacte a tout bonnement échoué et l'Etat-Léviathan y a trouvé matière (et prétexte) à renforcer sa redoutable machine qui broyait tout sur son passage. Or, en dix ans de «libération», d'affranchissement politique, voilà que ré-émergent ces «poussières d'individus» confinés dans leurs régions et ignorés par les dynamiques de la croissance. C'est spécifique aux Etats fortement centralisateurs. Toutes les revendications sont noyées dans l'œuf, et l'on réalise d'ailleurs que si les évènements de Redeyef en 2008 avaient bénéficié d'un traitement autre que la répression de la part de l'Etat, on n'en serait pas là à devoir tout consentir et tout accepter pour racheter la paix sociale. «Le Bureau» et l'Etat profond Coupable le gouvernement Méchichi d'avoir pris sur lui de concrétiser rétroactivement les accords d'El Kamour ? Pouvait-il d'ailleurs en faire autrement ! On l'a déjà souligné : c'est l'inévitable boite de pandore qui s'ouvre. Le danger, cependant, c'est que le gouvernement n'y perde sa dimension, son catalyseur unificateur et qu'il ne se retrouve à s'accommoder de petits arrangements partisans, ces arrangements contrastant avec son socle formellement édificateur: le gouvernement de technocrates. Au vu des logomachies auxquelles nous assistons dans ces tumultueuses discussions du budget 2020, cette indépendance paraît aujourd'hui chimérique. Dissonances, accusations mutuelles de corruption ; personnages suspects et qui n'ont guère leur place dans celui qui est supposé être l'antre de la «seule démocratie dans le monde arabe» ; lignes qu'on transgresse allègrement et règlements de comptes qui n'ont rien de réellement idéologique, mais dangereusement motivés par la course vers le leadership. Car, finalement, ce marathon budgétaire n'en est pas un. Qui a propulsé certains individus au sein de l'ARP ? Le peuple ! Même pas les foules. Mais, malheureusement des «poussières (éparses) d'individus» que Bourguiba avait cru fédérer autour de la Nation. Où se trouve l'expression suprême de la Nation dans les véritables démocraties? Dans l'Assemblée du peuple et, en ce qui nous concerne, sur le plan sémantique, dans l'Assemblée des Représentants du Peuple. Une ARP où, justement, le peuple ne perçoit pas d'échos à ses doléances, à ses besoins existentiels. Une ARP dont «le Bureau» n'en finit pas de confectionner et de consolider cet «Etat profond», sans lequel Rached Ghannouchi ne tiendrait pas un seul jour. Les palabres, les interventions acérées, les réquisitoires, les accusations de corruption, tous en plénière, ne sont toujours que l'arbre qui cache la forêt. Ce n'est pas la plénière, faussement souveraine, qui décide : le laboratoire, la fabrique du consentement se trouvent plutôt au sein de ce mystérieux «Bureau» qui fonctionne au gré des intérêts du Cheikh suprême. Le «Bureau» infléchit aussi les options des commissions. Voilà que, miraculeusement, un très controversé article 4 est adjoint à la loi de finances corrective 2020, su proposition «officielle» du gouvernement. Le pot aux roses est découvert : cet article porte sur certains accommodements d'ordre fiscal et, selon toute vraisemblance, il a été taillé sur mesure pour l'une des composantes constituant «le coussin» de Méchichi. Dangereux précédent. Prémisses d'un alignement sur les désidératas de la Troika de fait. Préfiguration d'un remaniement et d'un gouvernement partisan ! «La Tour de Babel» Le Bloc démocrate déclare qu'il attaquera cet article concocté le nuit du vendredi et à la sauvette, pour inconstitutionnalité. Auprès de qui? Auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité de la loi. Or, le champ d'intervention de cette instance est trop réduit. Et, dès lors que personne ne veut d'une Cour constitutionnelle dans les règles, les mécanismes de recours contre certaines dispositions de la loi de finances ne sont pas suffisamment bien huilés. Que reste-t-il donc? Le seul outil est, dès lors, aux mains du Président. Il peut ne pas parapher la loi de finances complémentaire et la renvoyer pour nouveau examen à l'ARP. Le fera-t-il? Rien de moins sûr. Car, il avait bien invité Rached Ghannouchi et Hichem Méchichi à tout mettre en œuvre pour que la loi de finances soit adoptée, jugeant la situation socioéconomique très «périlleuse». Des analystes tout à fait crédibles accréditent la thèse selon laquelle Kaïs Saïed se réserve pour le projet dont il s'est prévalu pour réaliser sa razzia électorale. Il n'a guère l'intention, pour le moment, de démanteler les institutions, pas plus qu'il ne s'aventurera à renvoyer le gouvernement pour un vote de confiance devant le Parlement, comme début d'un processus pour enfin dissoudre l'ARP et décréter de nouvelles élections. Car, par les temps qui courent, et au vu de sa popularité déclinante, il risque gros lui-même. Le Président se raidit encore davantage, s'isolant dans cette Tour de Babel à laquelle seul Noureddine Taboubi peut accéder, toujours dans la logique de ce dialogue national de plus en plus improbable. Kaïs Saïed a tout sèchement réagi qu'il ne dialoguera pas avec les corrompus, et il entend par là, non seulement les éléments du régime déchu, mais aussi tous ceux qui ont été épinglés par le rapport de la Cour des comptes. Ennahdha et Qalb Tounes en premiers. Pour lui, héraut du puritanisme, cela représente une banale question de principe. Mais, par ailleurs, ses principes à lui ne tiennent pas uniquement au formalisme de ce dialogue national, ou plutôt à ce dialogue social et économique auquel tient l'UGTT, car elle seule sait que la Nation avec toutes ses composantes, est assise sur une poudrière. En fait, le Président a choisi la distanciation. Il a choisi de se placer au-dessus des institutions. Parce que, lorsque Nadia Akacha déclare à l'ARP que l'institution de la Présidence n'est pas soumise au contrôle du Parlement, tout en sachant que l'article 88 de la constitution peut lui jouer de sales tours, on en conclut logiquement que Kaïs Saïed a choisi « son » peuple, et pas ce peuple ayant élu les députés. Ceux-ci valent ce qu'ils valent. Ils nous présentent une parodie de démocratie. Sauf que Kaïs Saïed réinvente «ses poussières d'individus» à lui. p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"