Accompagné par une importante « délégation » d'hommes d'affaires, le Président du gouvernement, Hichem Méchichi, effectue, du 12 au 16 décembre, une visite en France et en Italie, à l'invitation du Premier ministre français, Jean Castex, et du Président du Conseil des ministres italien, Giuseppe Conte. Mission officielle : approfondir l'amitié, élargir la coopération, renforcer les relations bilatérales, et cætera. Véritable mission : négocier une « compensation » avantageuse, voire « juteuse » pour la Tunisie, en contrepartie des importantes « concessions » envisagées dans le dossier de la migration. Un dossier qui se trouve au cœur des préoccupations « tripartites », et qui représente, depuis plusieurs mois, un vrai casse-tête diplomatique pour la Tunisie. Après une visite officielle de trois jours en France, qui a commencé samedi, Méchichi enchainera avec une visite officielle en Italie le mardi 15 décembre. Au programme –du moins celui révélé-, Méchichi aura, durant son séjour à Paris, une série de rencontres avec son homologue français Jean Castex et inaugurera, dimanche, la nouvelle Maison de Tunisie. A son retour de Paris, Hichem Méchichi fera une escale à Rome où il rencontrera le président du conseil Giuseppe Conte. Pour son premier voyage à l'étranger depuis son intronisation à la Kasbah, Méchichi sera accompagné « par une délégation d'hommes d'affaires à sa tête le président de l'Utica et d'une importante délégation médiatique », avait annoncé un communiqué de la Présidence du gouvernement. Accords « sous la table » ? Très vague, la communication de la Kasbah s'est montrée éminemment avare en détails. En balayant d'un revers de main les enjeux véritables de ces deux voyages officiels, pourtant de très grande envergure, l'impression est que l'ordre du jour, effectif, de la « mission », semble embarrasser, en réalité, la Présidence du gouvernement, vis-à-vis de l'opinion publique nationale, et à sa tête la société civile qui reste extrêmement vigilante et, surtout, plus que jamais réticente sur la question migratoire, et le respect des droits universels humains, notamment dans le dossier des expulsions abusives et forcées des migrants tunisiens de l'Europe. Au cœur de toutes les craintes : et la France, et l'Italie affichent, depuis quelques mois, une volonté méthodique, et à peine voilée, d'utiliser les attentats terroristes pour exercer des pressions sur le gouvernement tunisien afin qu'il accepte une augmentation conséquente des expulsions « massives » et des retours collectifs forcés, déjà fixés aux termes d'accords passés. Secret de polichinelle : plusieurs opérations d'expulsions massives ont été effectué, durant ces dernières années, grâce à des accords signés, plutôt... « sous la table », notamment et surtout avec l'Italie. En ce qui concerne la France, on tend plutôt vers une approche plus « pragmatique », entendez moyennant des accords « gagnant-gagnant » avec la Tunisie, mais aussi avec l'Algérie et le Maroc. Ces accords « gagnants-gagnants » ont été au centre de la tournée méditerranéenne effectuée début novembre dernier par le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Sous couvert de la montée de la « radicalisation » et du « séparatisme islamiste », deux thématiques brillamment développées par le « macronisme », la France se propose, tout bonnement et en termes simples, d'« acheter » les expulsions massives des Tunisiens, Algériens et Marocains, et invite l'Italie à faire pareil. Migrants... à acheter ou à vendre ?! C'est justement dans ce contexte que l'on pourrait appréhender, mieux s'il en, le voyage de Méchichi, qui aura pour principale mission de « vendre », voire de « bien vendre » lesdites expulsions. On comprend mieux, d'ailleurs, la présence de cette « importante délégation d'hommes d'affaires » qui accompagne le chef du gouvernement durant son « périple ». Durant cette visite, le chef du gouvernement aura des entretiens avec des hauts responsables politiques français et italiens ainsi qu'avec des investisseurs et des acteurs économiques, a fait savoir la Kasbah. Un conseil ministériel restreint a été tenu, d'ailleurs, le 8 décembre dernier à la Kasbah pour préparer ces deux visites. Hichem Mechichi avait noté, dès lors, « la nécessité de promouvoir les projets et investissements français et italiens en Tunisie d'autant plus que la situation économique et sociale passe actuellement par une mauvaise période ». Traduction : La France et l'Italie doivent payer cher l'expulsion des migrants. Sinon, le « Deal », on l'avait bien compris, consiste en un échange « migrants contre investissements ». Droits universels de l'Homme et droits des migrants, évidemment bafoués, reste à savoir, bien entendu, si ces espèces d'investissements « compensatoires », pourrait vraiment « réparer » les dégâts attendus et les contrecoups sociaux d'un éventuel retour massif, et non moins abusif, de migrants tunisiens, dans un pays qui est déjà au bord de l'explosion. S.B.Y.