Le secteur touristique, durement touché par la pandémie du coronavirus, s'interroge sur son redémarrage, à la veille du nouvel an. L'ex ministre du tourisme, René Trabelsi, a bien voulu nous faire le point sur l'adaptation que devrait mener l'industrie touristique sous peine de ne pas être au rendez-vous des attentes des clients. Le Temps : Quel a été l'impact du coronavirus sur le tourisme tunisien en termes de trafic, de recettes ? René Trabelsi : Il est admis que, partout dans le monde, le tourisme a été parmi les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire de 2020. L'interruption brutale des circulations nationales et internationales s'est traduite par un arrêt de l'activité. Le manque à gagner est très important, surtout pour des pays comme La Tunisie où l'activité a un poids considérable dans l'économie et la société où on a enregistré une baisse d'arrivées aux frontières d'environ 75% durant les 9 premiers mois de 2020. Les recettes ont chuté d'environ 60% et les nuitées globales d'environ 80%. Le virus court toujours et le secteur du tourisme va devoir apprendre à vivre avec lui. L'ouverture des frontières est-elle à l'origine de la propagation du virus en Tunisie ? Non, je ne le pense pas. Les mesures adoptées, conditionnées par un protocole sanitaire rigoureux pour le tourisme tunisien, ont stimulé le démarrage des flux touristiques en provenance de l'Europe. Les mesures en question ont permis la programmation de vols charter au départ de la Pologne, la Tchéquie, la Biélorussie et le Luxembourg. Les hôtels ont commencé à recevoir les clients. Aucun cas de virus n'a été détecté dans les hôtels à Hammamet et à Djerba. Le tourisme n'a pas aidé à la propagation de la Covid-19. Les hébergements touristiques restent les lieux les mieux protégés et sécurisés vis-à-vis du virus grâce à la mise en place de protocoles sanitaires stricts. Toutefois le non-respect du protocole sanitaire par la population a provoqué une montée du virus surtout en été avec la multiplication des mariages, l'ouverture des restos et des boîtes de nuit, le transport collectif et le non-respect des règles d'hygiène et de sécurité sanitaire (port de masque, distanciation, gel désinfectant) Quel est l'impact de cette crise sanitaire sur la profession ? Les professionnels ont été très touchés. Plusieurs ont été contraints de fermer et n'ont pas pu résister. Ils attendent encore l'appui de l'Etat qui leur permettra de traverser la période de crise (subventions de salaires, exonération de l'impôt sur le revenu, report des paiements d'impôts, financement du fonds de roulement et rééchelonnement des crédits en cours). Le gouvernement devra accompagner le secteur et protéger les postes d'emplois qu'il génère. Comment s'annonce cette fin de saison ? À l'image de l'année écoulée, le passage à 2021 sera très différent des soirées de Nouvel an habituelles. Difficile de faire un prévisionnel. Les gens n'ont pas la tête au voyage. Faute de pronostics, il reste à se préparer aux différents scénarii. Il y aura des touristes qui vont passer leurs vacances de fin d'année en Tunisie. Mais ils ne seront pas nombreux. Pour la soirée de réveillon, j'appelle les hôteliers à respecter encore une fois le protocole sanitaire et accueillir la clientèle touristique dans de bonnes conditions garantissant sa sécurité sanitaire (30% de la capacité d'accueil). Pour les tunisiens, ils doivent faire des sacrifices, éviter les déplacements et rester dîner chez eux avec les membres de la famille. Il faudrait limiter au maximum les mouvements et les rencontres et rester le plus possible chez soi Est-ce que l'aérien suit ? En grandes difficultés financières, la compagnie nationale est incapable de répondre à la reprise touristique. Avec quatre avions, on ne peut pas drainer les touristes de l'étranger. Notre compagnie nationale se trouve actuellement en situation financière, logistique et administrative, le moins qu'on puisse dire peu confortable. Une aide de l'Etat est nécessaire comme l'a fait le gouvernement français avec Air France. Il faudrait un plan social urgent. Il faudrait renouveler la flotte de la compagnie par l'acquisition de nouveaux appareils .Et dans la situation actuelle, elle ne pourra en aucun cas entrer en concurrence avec les autres compagnies qui débarqueront en Tunisie comme Air France et Transavia Faut-il développer un autre modèle de tourisme ? Nous ne savons pas comment le tourisme va évoluer. Il faudrait accélérer le passage d'une forme dominante de tourisme, celle tourisme balnéaire et correspondant au tourisme de masse bien connu, vers un tourisme durable ou territorial et aujourd'hui encore plus souhaitable, après cette crise sanitaire. Ce nouveau tourisme devrait mobiliser des ressources spécifiques à un territoire, comme les paysages, les sites patrimoniaux, les gites ruraux, les maisons d'hôtes, les espaces naturels, auxquels il associe des ambiances, des pratiques culturelles, récréatives, culinaires. La reprise de l'activité touristique est-elle pour demain ? Il reste beaucoup d'incertitudes pour l'hiver. Les premiers signes de la reprise devraient venir du tourisme intérieur. Avec l'assouplissement des mesures de confinement et de distanciation sociale, le tourisme intérieur devrait jouer un rôle essentiel dans le redressement économique. Les voyages internationaux risquent de rester limités pendant un certain temps. Les hôtels devront faire preuve de créativité et de flexibilité dans leurs offres. Leur réussite pourrait dépendre de la façon dont ils proposent leur expérience à leurs clients. Nous espérons une légère reprise en été 2021 Il est toutefois évident que l'arrivée d'un vaccin contre la Covid sonnera, peut-être, le vrai retour des voyages Vous avez rencontré le chef du gouvernement lors de sa visite en France . De quoi vous avez parlé ? La Tunisie est un partenaire prioritaire pour la France et les relations franco-tunisiennes sont uniques. J'ai évoqué avec le chef du gouvernement la situation du tourisme en Tunisie, les mesures pour son redressement ainsi que la situation de Tunisair et la nécessité de sa restructuration K.B.