Avec l'affaiblissement du tapage médiatique autour du nouveau coronavirus et le refus catégorique du gouvernement de reconfiner la population, nos concitoyens ont majoritairement repris leurs aises et baissé la vigilance face à la pandémie. Les gestes barrières ont été quasiment oubliés. Le port du masque à l'extérieur ou dans les lieux clos n'est plus respecté. Le respect des autres mesures comme le fait de ne pas se serrer la main, ne pas se faire la bise ou encore la distanciation sociale a également énormément baissé. Conséquence : après une stabilisation de quelques semaines, la courbe des contaminations est repartie à la hausse à telle enseigne qu'on a franchi la barre de 1500 cas confirmés, par jour. Dans un communiqué publié dimanche soir, le ministère de la Santé a annoncé que 1536 nouveaux cas ont été dépistés positifs au coronavirus à la date du 19 décembre 2020, après la parution des résultats de 5088 analyses. Le bilan total des contaminations s'élève désormais à 120 687, et celui des décès à 4158. Au total, quelque 6101 malades ont été hospitalisés depuis l'avènement de la pandémie en Tunisie. 1355 patients sont actuellement alités dans les hôpitaux et les cliniques privées. Quelque 293 malades sont placés en soins intensifs, et 95 sont sous respiration artificielle. Le président de l'Office national de la famille et de la population (ONFP) et membre du comité scientifique de lutte contre le Coronavirus, Habib Ghédira, a estimé que la Tunisie sera confrontée à une troisième vague du coronavirus à la lumière de l'augmentation croissante du nombre des contaminations. «La recrudescence significative de la fréquence des contaminations serait due essentiellement au retour des rassemblements publics et à l'abandon par les citoyens des gestes barrières et du comportement préventif dont ils ont fait preuve lors de la propagation de la première vague de la Covid-19 début mars 2020 », a-t-il souligné. Pour limiter la casse, le président de l'ONFP appelé à assurer un travail de sensibilisation et d'éducation vis à vis des jeunes pour qu'ils respectent strictement les gestes barrière et adoptent les règles hygiéniques dans leur environnement familial. «Pour faire face à la situation épidémiologique actuelle, il faut s'adresser aux catégories qui sont les plus susceptibles de transmettre le virus, à savoir les jeunes et les enfants, afin de les sensibiliser aux mesures préventives », a-t-il suggéré. Une 3è vague plus mortelle ? De son côté, le médecin urgentiste très impliqué dans la gestion de l'épidémie de la Covid-19, Samir Abdelmoumen a estimé que la Tunisie est confrontée à une troisième vague qui risque d'être plus virulente que les deux précédentes. «Depuis le début de cette semaine, on voit une montée exponentielle après une accalmie de 10 jours, à cause du relâchement total et de l'impunité. Les clusters sont partout et on risque d'avoir une troisième vague extrêmement contagieuse et mortelle beaucoup plus tôt que prévu», a-t-il pronostiqué. Et d'ajouter : «Les deux gros problèmes sont l'apparition de décontaminations après 60 jours. Dans ce cadre, des papiers scientifiques Allemands, français et anglais sont apparus et c'est probablement dû a un virus mutant, et en Tunisie on a détecté plusieurs dizaines de cas ces derniers jours. Le second problème c'est l'épuisement général des équipes soignantes et cette fois on risque un éclatement qui ne sera pas facile à gérer. Le problème devient plus politique que médical et le gouvernement doit assumer ses responsabilités ». Même son de cloche chez le cardiologue Faouzi Addad : «Alors que les reconfinements se multiplient en Europe avec un troisième confinement déjà entamé en Autriche, nous constatons sur le terrain une augmentation soudaine de nouveaux cas. C'est un mélange de cas récents qui traînent, de cas anciens non dépistés. C'est une maladie qui peut prendre tous les aspects (...) La troisième vague va commencer plus tôt que prévu. J'espère me tromper dans mon analyse, mais elle sera particulièrement sévère, car associée à une vague de froid qui risque de faire prolonger et accélérer les contaminations ». Le Dr. Addad a estimé que les tests salivaires antigéniques rapides devraient aussi être fournis à toutes les urgences pour distinguer les syndromes grippaux (qui semblent avoir disparu) et les cas de Covid-19. «Nous sommes loin d'être tirés d'affaire et les vacances de fin d'année seront particulièrement des situations à risques d'explosions de l'épidémie. Les messages de prévention doivent être multipliés sur le terrain pour faire respecter l'isolement. L'année 2021 semble être déjà une année Covid-19 par excellence du moins dans ces 6 prochains mois », a-t-il prévenu. Les craintes des professionnels de la santé sont d'autant plus sérieuses qu'une nouvelle variante du nouveau coronavirus, détectée au Royaume-Uni, serait 70% plus contagieuse que la première. Outre la Grande Bretagne, cette nouvelle souche a été déjà détectée en Italie, en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas et en Australie. Décidément, ceux qui pensent que la page des malheurs sera tournée avec la fin de l'année 2020 risquent d'être rapidement déçus.