Incompréhensible, l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de l'Acropolium de Carthage prône l'intransigeance au lieu de la reconnaissance. Le public culturel se mobilise pour trouver une solution médiane et éviter la fermeture sans autre forme de procès de l'Acropolium. Peut-on torpiller un projet culturel de trente ans en quelques semaines ? La question se pose devant le manque de considération absolu dont font preuve les pouvoirs publics à l'égard de Mustapha El Okby, le fondateur et principal animateur de l'Acropolium de Carthage. Il y a trente ans, El Okby obtenait la concession de l'ancienne église de Carthage. À l'époque, l'édifice menaçait ruine et pour y créer L'Acropolium, le promoteur culturel avait du engager une rénovation en profondeur selon un cahier des charges des plus rigoureux. Les travaux accomplis, ce fut alors la naissance du premier partenariat public-privé dans l'histoire culturelle tunisienne. Dans la foulée, l'Octobre musical de Carthage et plusieurs autres manifestations culturelles allaient voir le jour, contribuant à la création d'un nouveau pôle culturel qui allait devenir le diapason de toute la banlieue nord de la capitale. Des méthodes discutables Avons-nous oublié que lorsque naquit l'Acropolium, ce fut comme un aiguillon qui allait entraîner dans son sillage, toute la vie culturelle de la banlieue nord ? À ce titre et d'autres, El Okby est indéniablement un pionnier qui a énormément fait et donné. Pourtant, au lieu de la reconnaissance pour le parcours d'une vie, on ne prend plus ses appels téléphoniques du côté des autorités compétentes et on ignore sa détresse et celle de toute une équipe qu'un nouveau fait du prince veut déloger du lieu patiemment reconstruit et remis en valeur. Les autorités se comportent avec El Okby comme si l'Acropolium était un kiosque sur la voie publique, une concession comme toutes les autres. Bien au contraire, il s'agit d'un lieu culturel au rayonnement international et on ne peut pas l'écraser au bulldozer comme dans le drame de Sbeitla qui a pris la vie d'un pauvre homme qui dormait dans sa concession de peur qu'elle ne lui soit reprise. Sur le principe, il est logique et normal qu'une concession s'achève. Mais ce qui est inadmissible, ce sont certaines méthodes d'intimidation dont la brutalité fait songer à des temps de sinistre mémoire. Dans notre cas, ce qui choque l'opinion publique, c'est le fait que Mustapha El Okby a clairement accepté la fin de la concession. Au lieu d'en prendre acte et organiser une transition raisonnable, par exemple sur une année, les pouvoirs publics demandent au concessionnaire de partir immédiatement. Ce faisant, realise-t-on qu'on jette un promoteur méritant à la rue et dix familles sur le pavé du chômage ? Ce faisant, ne voit-on pas que c'est un projet culturel qu'on exécute en acculant son promoteur à l'humiliation? Un grave déni de reconnaissance À vrai dire, ces méthodes n'ont rien de culturel ni d'éthique et suscitent déjà une levée des boucliers dans la société civile. Alors que plusieurs pétitions adressées au président de la République, au chef du gouvernement et au ministre des Affaires culturelles, sont en préparation, un Collectif de soutien à l'Acropolium de Carthage vient de voir le jour et devrait tenir une conférence de presse la semaine prochaine. Toutes les initiatives en cours se veulent une réponse civique à ce qu'on fait subir à un homme qui a toujours servi la culture et qu'on cherche à punir dans un comble de l'injustice. Cette affaire de l'Acropolium ne fait que commencer alors que nous semblons baigner dans l'absurdité la plus dantesque. En effet, depuis le début du confinement, l'Acropolium n'a jamais fermé ses portes et, malgré les difficultés évidentes, tous les salariés sont payés et quelques événements organisés. Et voici que l'on cherche à jeter tout le monde à la rue ! C'est absolument surréaliste de tirer sur une ambulance en ces temps ardus où les artistes sont au chômage et leur ministère de tutelle en difficulté. Rien ne justifie la brutalité et cette diligence suspecte qui cherche à éliminer un projet culturel de valeur. Les prochaines semaines devront être porteuses d'une solution raisonnable et soucieuse de respecter la logique la plus élémentaire. En attendant cette issue, l'équipe de l'Acropolium est entrée dans la nouvelle année, la peur au ventre, redoutant une saisie de l'espace culturel et du gagne-pain de dix familles. Drôle de reconnaissance pour trois décennies de travail culturel. H.B