"Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre!" Fort connue, l'injonction de Platon trouve tout son sens du côté de l'Agora de la Marsa, un nouvel espace culturel, inauguré en septembre 2014 et qui commence à trouver et sa place dans le monde des arts et sa vitesse de croisière. Lorsqu'il parlait de géomètres, Platon avait à l'esprit la connaissance et exhortait les détenteurs du savoir à le rejoindre. L'Agora a choisi cette phrase emblématique pour bien souligner que la vocation des lieux était bien "de rendre géomètres tous ceux qui ne l'étaient pas encore". Le nouveau projet d'un cinéaste C'est à Mohamed Ali El Okby que nous devons l'idée qui a mené à la création de cet espace culturel. Cinéaste, El Okby a eu un long parcours entre l'Institut des hautes études cinématographiques de Paris et l'American Film Institute de Los Angeles. Le public retient de lui ses deux longs métrages, "Un ballon et des rêves" et "Les Zazous de la Vague". Toutefois, sa carrière dans le septième art a connu divers rebondissements. Avant de rouler sa bosse pendant quatorze ans dans le monde de la pub, El Okby a été le premier assistant de plusieurs cinéastes hollywoodiens, à l'image de Steven Spielberg dans "Les aventuriers de l'Arche perdue" ou Roman Polanski dans "Pirates". Toujours féru de cinéma, Mohamed Ali El Okby réalise avec la création de l'Agora un rêve qu'il a longtemps caressé. C'est en 2010 que l'idée de créer cet espace s'est imposée à lui. Mais il fallait trouver le bon espace pour y installer ce projet culturel qu'il aime définir entre proximité et convivialité. Finalement, c'est avec l'appui de quelques partenaires financiers, partants pour une aventure dans laquelle la rentabilité n'est pas une obsession, que les choses ont démarré en décembre 2011 avec les nécessaires études puis un chantier interminable. Il faudra trois ans pour que l'Agora prenne forme et, c'est tout un symbole, la pré-ouverture aura lieu le 21 juin 2014 à l'occasion de la très solaire fête de la musique. Quelques mois plus tard, en septembre, le nouvel espace essuiera les plâtres et se lancera dans le grand bain, fort d'un projet original et d'une démarche singulière. Entre proximité et convivialité L'Agora se définit comme un espace culturel de proximité. Avec une salle polyvalente de 101 places, le cinéma, la musique et les spectacles ont trouvé leur nouveau havre marsois. Le cinéma est d'ailleurs au coeur du projet d'El Okby qui prévoit de promouvoir le cinéma tunisien avec des rétrospectives ou des films récents sans perdre de vue les grandes oeuvres de répertoire et les cinémas du monde. Jazz et monodrames sont un autre volet du projet Agora qui cherche à cultiver le sillon des spectacles d'auteurs construits sur des concepts de représentation innovants. Une galerie d'art est aussi au coeur du dispositif de l'Agora. Elle accueillera peintres, photographes, designers et autres artistes conceptuels avec leurs installations et leurs performances. Pour compléter la trilogie initiée avec Agora-Ciné et Agora-Expo, l'autre pôle est nommé Agora-Café et prend déjà l'allure d'un café littéraire de premier plan. Sophie Bessis, Taoufik Ben Brik, Serge Moati, Azza Filali y présentaient il y a peu leurs livres. Plus largement, l'Agora poursuit l'objectif de rassembler les artistes, tous les créateurs, dans un espace convivial, un espace culturel mais aussi un espace de vie où il fait bon prendre un café, feuilleter un livre ou un journal et converser avec les géomètres du cercle retrouvé. Bonne nouvelle pour les artistes donc! Car voici un lieu alternatif aux allures de maison de la culture et dont la démarche tend à rassembler tout en constituant un creuset pour tous les créateurs. Pour l'instant, le cinéma a le vent en poupe au sein de la programmation avec deux oeuvres en première vision ("Timbuctu" et "Interstellar") et plusieurs films tunisiens comme "La mémoire noire" de Hichem Ben Ammar ou "Nés au printemps" de Yassine Redissi et Amel Guellaty. Bientôt, en février, "Gort" de Ahmed Ouni et "Ahna Houni" de Abdallah Yahia seront à l'honneur. Titillé dans sa fibre de cinéaste, El Okby ne tarit pas d'éloges sur ces deux oeuvres de jeunes Tunisiens de 27 ans qui sont en train de réinventer notre rapport au cinéma. Satisfait des cinq premiers mois de l'expérience Agora, le maître des céans se félicite de l'affluence importante et ciblée qui a élu les lieux et leur donne vie et animation. De plus, les rencontres impromptues entre politiques et artistes donnent un charme de plus à cette agora de sons et lumières. N y a-t-on pas vu, il y a peu Béji Caid Essebsi, Hamma Hammami ou encore Fouad Mbazaa? Quand une agora fait le printemps... Tout en ajustant son action aux critéres du réel, Mohamed Ali El Okby continue à rêver... A songer à des répliques de son agora dans toutes les régions, à des espaces de proximité culturelle partout dans le pays. Mais pour l'heure, il se consacre pleinement à l'Agora qui marque des points à la Marsa et constitue déjà une alternative pour le public. Entre Zéphir, Madart, Acropolium et Agora, la banlieue nord est incontestablement aux couleurs du printemps. Et c'est tant mieux, par ces temps de disette, d'atermoiements et de remises en question sur fond de désillusion... Qu'on se le dise, à elle seule, d'un simple battement du désir, une agora peut faire le printemps!