Sous la menace d'une fermeture, l'Acropolium de Carthage subit de fortes pressions exercées par le ministère des Affaires culturelles qui veut à tout prix déloger les animateurs de l'ancienne basilique. Quel sera le sort de ce fleuron de la vie culturelle? La colline de Byrsa à Carthage baigne en plein surréalisme, avec un forcing léonin du ministère des Affaires culturelles contre l'équipe de l'Acropolium de Carthage. Alors que le musée voisin est techniquement fermé depuis des années, la tutelle voudrait-elle transformer la colline en désert culturel en obligeant l'Acropolium à fermer ses portes ? Pourtant, cet espace est le seul à maintenir le lien culturel malgré la pandémie et des difficultés de tous ordres. Un empressement énigmatique Or, le ministère des Affaires culturelles voit les choses autrement et a choisi ce contexte difficile pour déloger les animateurs de l'Acropolium au prétexte ingrat de mettre fin à la concession qui le lie à Mustapha El Okby, directeur de l'Acropolium et promoteur de ce projet depuis trois décennies. Cette précipitation de la tutelle est énigmatique car elle vise à faire le vide sans donner aucune explication à propos de cette diligence subite. Elle met sans autre forme de procès dix familles dos au mur en exigeant une restitution immédiate de la basilique de Carthage que Mustapha El Okby a restaurée et entretenue selon la convention entre les deux parties. Cet empressement n'en est que plus suspect dans la mesure où la transparence est loin de prévaloir, acculant un promoteur méritant à une faillite provoquée par l'institution pourtant chargée de soutenir la culture. Alors que les habitants de Carthage parlent de règlement de compte et de bénéficiaires occultes cachés derrière le ministère de tutelle, Mustapha El Okby ne demande qu'un minimum de reconnaissance et d'égards pour un projet qu'il a porté à bout de bras et qu'on cherche à couler vaille que vaille. C'est dans ce contexte opaque que la société civile est venue à la rescousse de l'Acropolium avec la constitution d'un collectif de soutien et la mise en circulation de plusieurs pétitions dont notamment l'initiative de l'association des Amis de Carthage. Les amis de Carthage en quête d'un consensus Cette association qui comprend des archéologues émérites et des personnalités politiques et culturelles, souligne dans sa pétition adressée aux autorités plusieurs vérités indiscutables. On peut ainsi lire plusieurs interrogations qui sont émises par les signataires et qui résument les enjeux actuels pour la survie de l'Acropolium. Cette pétition mentionne ainsi: "Il n y a pas de doute que l'Acropolium s'est imposé comme une institution culturelle au rayonnement incontestable. D'autant qu'elle a gardé son autonomie financière, ne recevant aucune subvention de l'Etat. Bien au contraire, une redevance annuelle est versée au ministère des Affaires culturelles. Ce monument, l'ancienne cathédrale de Carthage, est restauré, mis en valeur et entretenu d'une façon permanente. Qu'adviendra-t-il lorsque cette institution aura quitté les lieux? Pourquoi arrêter cette dynamique culturelle de partenariat public-privé si rare actuellement? Pourquoi une expulsion aussi brutale qu'imméritée, que rien ne justifie et particulièrement en cette période de crise sociale, économique et sanitaire? Qu'adviendra-t-il des emplois, du monument et de ses activités? Pourquoi le ministre des Affaires culturelles, protecteur des arts et des artistes, n'intervient-il pas pour une solution juste et transparente?" Que de questions! Les signataires de la pétition concluent en souhaitant que les deux parties "dans un esprit de conciliation et d'intérêt général" trouvent un terrain d'entente pour que l'Acropolium continue d'exister. Dans ce combat inégal, Mustapha El Okby ne demande pas la lune mais simplement un délai raisonnable et de la transparence alors que le ministère des Affaires culturelles tente d'emballer les chevaux. Brutalité et fait du prince en guise de culture Quant aux observateurs, ils en sont réduits à constater que le ministère des Affaires culturelles préfère exécuter des promoteurs méritants plutôt que soutenir les artistes et la vie culturelle. À elle seule, cette affaire qui ne fait que commencer résume la manière dont est gérée une vie culturelle en miettes. Brutalité et fait du prince sont à l'ordre du jour alors que la culture continue à subir les assauts conjugués des islamistes et de leurs affidés. Et pendant ce temps, la culture se meurt victime de ceux qui en ont la charge morale et qui préfèrent tirer sur les ambulances plutôt que s'investir dans l'éducation populaire et l'action culturelle. Triste réalité qui risque d'être fatale à l'Acropolium. Mais la société civile et les artistes n'ont pas encore dit leur dernier mot. H.B