Il devient inutile, voire superflu de se demander, le 11 janvier de chaque année, si cette date correspond à une révolution ou à un simple soulèvement. On n'en est plus là et, cela ne sert à rien de tergiverser à chaque fois et de se perdre en supputations et en conjectures. Le fait est là: il y a eu un changement de régime, par le déboulonnement de la dictature qui a sévi plus d'un demi-siècle. Qu'il s'agisse de complicités de certaines régions, au niveau national ou international, et quelles que soient les circonstances qui ont abouti à ce changement, il y a eu un mouvement populaire massif, à travers toute la République, par ceux qui n'ont pas hésité à sortir pour clamer leur ras-le bol contre les exactions les injustices et les violations des droits et des libertés de l'ancien régime. Dans le lot, il y a eu certes ceux qui ont profité de la situation de troubles et de dérapage sécuritaire durant cette période pour s'adonner à des actes de violence, de casse et de pillages multiples. Cependant ceux qui ont été emportés par un élan certain de patriotisme et qui était marginalisés et affectés par les injustices et les pratiques des deux poids deux mesures, ont agi d'une manière spontanée et avec tout le courage et la témérité de ceux qui étaient résolus à y mettre fin par tous les moyens. Ceux-là, ils ont payé de leur sang et de leur vie. Alors que certains s'occupaient à piller dans les grands magasins et les boutiques, des manifestants succombaient sous les tirs de ce qu'on a appelé les snipers, et qu'on n'a jamais pu identifier. Aux martyrs, la patrie reconnaissante L'ambiance de dérapage sécuritaire a gagné toutes les régions du pays et a fait des victimes dans les rangs des civils et de la police. Les évènements qui se sont succédés jusqu'à l'installation de la deuxième République, ont été marqués par des étapes de troubles et de tensions, surtout avec l'existence de partis et de mouvements extrémistes et la recrudescence du terrorisme sous couvert de la protection de la révolution et de la défense de l'identité arabo-musulmane. Ce qui a fait des victimes parmi ceux qui agissaient dans l'intérêt du pays et militaient pour les droits humains, à l'instar de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi qui étaient abattus par ce qu'ils avaient dénoncé tous ceux qui s'étaient incrustés au nom de la révolution, dans le but prendre le pouvoir par la violence et nuire aux acquis de la démocratie. En effet ceux qui avaient agi sincèrement sans aucune arrière-pensée ou aucun d'intérêt personnels, ceux-là y croyaient dur comme fer et à ceux-là il faut être reconnaissant. C'est par gratitude à ces martyrs qu'on peut parler d'une révolution et parmi lesquels il y a aussi bien les blessés suite aux évènements du bassin minier, le 17 décembre 2010 c'est-à-dire la veille de 2011, que ceux qui ont été abattus par les détracteurs agissant pour des régions déterminées et des lobbys avec des intentions autres que celle de la libération du pays du joug de la dictature. Il y a également toutes les victimes d'attentats terroristes, parmi les agents de sécurité ainsi que parmi les civils. Pouvoir judiciaire déprécié par les tiraillements Cependant malgré la constitution de certaines instances dans le but de défendre les droits de ces victimes, les gouvernements qui se sont relayés, antérieurement ou au cours de la deuxième République, n'ont rien fait de positif dans ce sens. Alors que certaines familles de martyrs et blessés de la révolution observent de sit-in telles que l'Instance générale des résistants, martyrs et blessés de la révolution et des opérations terroristes (IGRMBROT), les députés ont d'autres chats à fouetter, et ne font que se chamailler pour des intérêts partisans. Sans parler de la corruption des malversations et de la contrebande, pour lesquelles les martyrs se sont sacrifiés et qui ont repris de plus belle. D'un autre côté et concernant le pouvoir judiciaire, qui est la pierre angulaire de l'Etat de droit, il a pris un sale coup avec son implication dans les tiraillements politiques. Dès lors on a assisté depuis quelque temps à des tensions entre les magistrats qui s'accusaient mutuellement d'abus et de dépassement. C'est là la pire des situations, car lorsque la justice est affectée rien ne va plus. Depuis, les dossiers de corruption trainent en longueur, par le fait de ce fâcheux bouleversement au sein du pouvoir judicaire. Le comble est que le pourvoir législatif comporte en son sein, des membres impliqués dans des affaires de malversation et de blanchiment d'argent, qui sont doublement couverts par le pouvoir judiciaire. Pour cause : ils se retranchent derrière l'immunité parlementaire et les magistrats compétents en la matière ne font rien pour activer la levée de cette immunité. Il y a, en apparence comme une certaine complicité entre les deux pouvoirs. Les deux chefs de l'exécutif se tournent le dos Quant au pouvoir exécutif, et bien que la Constitution ait défini les domaines de chacun de ses deux chefs, à savoir le président de la République et le chef du gouvernement, il semble qu'il n'y ait pas beaucoup d'entente entre eux, chacun d'eux réagissant à sa manière. Pour le président de la République, c'est le peuple qui compte. Cependant il n'a jusqu'à présent aucun programme concret ou du moins il n'en fait pas part au peuple, qu'il semble considérer tant. Quant au chef du gouvernement il a été jusque-là, plus en complicité avec le parlement, qu'avec le président de la République, voire avec certains des ministres qu'il a choisis qu'il a jusque-là limogés, trois d'entre eux. Bien plus, il compte, procéder bientôt à remaniement ministériel. Le président de la République, tout en restant mystérieux et laconique dans ses discours, il prouve de plus en plus qu'il n'est pas d'accord avec le chef du gouvernement sur sa façon d'agir, et donc sur sa politique en général. Il l'a même sermonné plus d'une fois en le recevant au palais de Carthage. Ce qui semble ne pas du tout plaire au chef du gouvernement, qui agit parfois par dépit, en ne l'informant pas forcément, de toutes les décisions qu'il entreprend. Dernièrement, en effet, le président de la République, a confié à la députée Samia Abbou, en la recevant, qu'il n'était pas au courant du remaniement ministériel qui serait imminent. En attendant, et face à ce manque de communication pour ne pas dire, une absence d'entente entre les deux chefs de l'exécutif, on se demande si cela aide à la lutte contre la corruption est les malversations surtout au sein des organes de l'Etat. D'autant que cela fait le bonheur des détracteurs et des ennemis de la révolution, dont certains leaders de mouvements de partis, qui se targuent de faire la pluie et le beau temps, sur l'échiquier politique. Le chemin est long, mais l'espoir est permis En fait, malgré les déboires par lesquelles on est passé depuis 2011, que ce soit sur le plan politique, ou socio-économique et même sanitaire avec la pandémie du Corona, il y a quand même des acquis sur le plan des lois et des libertés, telles que les lois concernant la liberté d'opinion et du culte et le droit d'accès à l'information. Durant l'ancien régime on ne pouvait même pas rêver de pouvoir s'exprimer ouvertement et exiger l'accès à toute information utile. Bien sûr il y a eu des abus et des dérapages au nom de la liberté d'expression et d'information. Mais cela fait partie des inconvénients qu'on rencontre dans tous les domaines. Sinon, comment pourrait-on apprécier le bien sans le mal, et le beau sans le laid, bien qu'il s'agisse de notions très relatives. C'est pareil en ce qui concerne la révolution. Mais en tout état de cause, et même si le chemin de la réussite est plein d'embûches, tels ceux que nous rencontrons présentement, il est permis , non seulement de rêver mais d'espérer. Il faut imaginer Sisyphe heureux. A.N.