Depuis 2011, le mois de janvier a toujours été un mois chaud, très chaud : mouvements sociaux, concerts de protestations, manifestations de rue, contestations parfois violentes, soulèvements dans les quartiers populaires et dans les régions « intérieures », ayant principalement pour enjeu, chaque année, d'exprimer le ras-le-bol général de la population, de manifester contre l'échec du « système » et contre les déboires du régime politique en place, et de rappeler les promesses non tenues de la Révolution. Comme « simple » réaction, les pouvoirs publics ont toujours eu recours à la violence policière et à la propagande médiatique, en vue d'étouffer, à chaque fois, l'insurrection dans l'œuf... Depuis quelques jours, la grogne populaire s'est développée au rythme d'une série de manifestations nocturnes qui ont déferlé aux quatre coins du pays, en plein milieu d'un mini-confinement de quatre jours doublé d'un couvre-feu à partir de 16h, décrété pile au poil au moment où les Tunisiennes et les Tunisiens s'apprêtaient à « célébrer » le 14 janvier. Un mini-confinement qui a été improvisé, ex abrupto, et dont on ne sait vraiment s'il a été mis en place pour protéger réellement le peuple du coronavirus ou plutôt pour protéger le Régime actuel de la colère du peuple. Propagande médiatique Durant la nuit et en dépit du couvre-feu imposé à partir de 16h, bon nombre de régions et de quartiers tout au long de ces quatre jours. Après une accalmie de quelques heures dimanche, les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont repris lundi, dans les quatre coins du pays, notamment à Ettadhamen, Sidi Hassine, la Manouba, la cité Ezzouhour de Kasserine, Menzel Bourguiba, Bizerte, Nabeul, Béja, Siliana, Sousse, Monastir, Mahdia, Kébili, Kairouan et Kasserine. «Actes de vandalisme », « brigandages », « barbarie », « troubles gratuits », « saccages et atteinte aux biens d'autrui », etcetera, etcetera : voilà comment les autorités et les politiques s'évertuent à présenter les choses. Version officielle présentée par le ministère de l'intérieur et défendue à cor et à cri par les politiciens et les dirigeants : « La Tunisie vit depuis des jours sur le rythme d'émeutes nocturnes dont les motifs restent inconnus ». Dans une déclaration accordée, dimanche, à la Watania 1, le porte-parole de la direction générale de la sécurité nationale, Walid Hakima, a donné effectivement le « la » pour le coup d'envoi de toute une campagne de décrédibilisassions des manifestants et de « propagande anti-émeute ». « Ce ne sont pas des protestations ou de manifestations. Il s'agit d'une atteinte aux biens d'autrui », d'après le responsable, qui a déploré, par la même occasion, la blessure de 10 policiers et le saccage d'un bon nombre d'espaces publics et privés, annonçant l'arrestation de 247 personnes lors des émeutes et des troubles nocturnes enregistrées dans plusieurs régions de la République. « Ceux qui ont des revendications peuvent sortir le matin et sont les bienvenus dans la Rue », conclut-il. Traitement sécuritaire Bien entendu, bon nombre de manifestants ont été accueilli « chaleureusement », par les forces de l'ordre, pas plus tard que le lendemain, et ce, même en plein centre-ville de Tunis. Comme dans les régions, matraques, gaz lacrymogène, vague d'arrestations et divers abus ont été signalés lundi matin à Bab Souika. Sur le terrain, bon nombre d'activistes, syndicalistes, avocats et acteurs de la société civile, et à leurs têtes la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l'homme), ont dénoncé de multiples abus et une grande vague d'arrestations de manifestants, dont les chiffres dépassent largement celui annoncé par le ministère de l'intérieur. Dans un communiqué publié lundi, le FTDES (Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux), a rappelé, à son tour, les aspirations des jeunes manifestants pour un changement réel et pour la rupture avec les politiques économiques et sociales qui ont échouées. Le forum a renouvelé son soutien aux manifestations sociales, appelant les manifestants à respecter la propriété publique et privée. Le FTDES a blâmé, par ailleurs, blâmant par la même occasion, les élites politiques qui ont toléré la corruption, et a fustigé « le silence suspect » du gouvernement qui s'est contenté du traitement sécuritaire de ces manifestations, confirmant ainsi sa faiblesse dans la gestion de crise et l'absence de toute vision sociale, économique et politique, pour un véritable changement conforme aux aspirations populaires. S.B.Y.