* Le fait est là : pas de statistiques réelles ! La Tunisie consacre la date du 11 janvier à l'enfance. Un rendez-vous annuel, au cours duquel plusieurs institutions et organismes qui œuvrent dans le domaine organisent des manifestations et célèbrent la sacralité de l'enfance. Ils sont plusieurs à saisir cette occasion pour parler des enfants aux besoins spécifiques, ceux qui sont menacés ou même délinquants. Dans ce cadre, la Direction Générale des Services Pénitentiaires a organisé hier, à la Cité des Sciences de Tunis une journée d'études sur la réinsertion des enfants délinquants ; la réalité actuelle et les perspectives. Le thème est d'une importance majeure, mais les données présentées en cette journée ne reflètent pas réellement l'état des lieux. Indéniablement, la délinquance des enfants est un problème qui se pose dans notre société à l'instar des autres populations. Toutefois, avons-nous identifié ses principales causes pour en identifier les solutions adéquates et radicales ? C'est à ces questions ainsi que d'autres, qu'a répondu le Pr Belaïd Ouled Abdallah, chercheur en sociologie.
A l'instar des autres populations, la société tunisienne subit l'impact de la mondialisation et des mutations économiques. La structure sociale a changé de profil. Nous constatons de plus en plus des familles désengagées qui ne trouvent pas assez de temps pour prendre soin de leurs enfants, les encadrer et les éduquer convenablement. De même, les spécialistes parlent de la dissolution de cette structure à cause de plusieurs éléments, notamment « le changement du comportement des individus », d'après M. Ouled Abdallah. En effet, la famille a été remplacée par les garderies scolaires, les crèches... d'où la multiplication des facteurs de la mauvaise intégration sociale et de la marginalisation des individus », explique le sociologue. Le spécialiste évoque également, l'émergence d'une nouvelle frange qui se compose de chômeurs, d'enfants aux besoins spécifiques ainsi que d'autres « profils ». Cette population rencontre de vrais problèmes d'intégration dans la société par rapport à d'autres individus qui bénéficient des commodités et du confort. Ces citoyens écartés et marginalisés ce qui les pousse à vouloir s'imposer mais à leur façon, toujours d'après le spécialiste.
L'échec scolaire et ce qui s'en suit... Il a par ailleurs, cité d'autres origines de la délinquance des enfants dont, l'échec scolaire. Une étude réalisée sur la question à la Cité Etthadhamen, a démontré que cet élément est le déclencheur d'une forme de la délinquance. « Très souvent, ces enfants sont des resquilleurs. C'est une introduction aux problèmes sociologiques qui dégénèrent dans le crime organisé et qui mènent même au terrorisme », d'après le sociologue. Mais comment se développe ce problème pour atteindre ses niveaux extrêmes ? « Les enfants délinquants se sentent marginalisés et écartés toutefois ils sont solidaires et forment des groupes qui répondent à des normes particulières », rétorque le spécialiste. Il s'agit là d'une plate-forme adéquate à la délinquance. Toujours dans le même contexte, le sociologue a cité d'autres causes, telles que la pauvreté et le chômage, sans oublier les nouvelles technologies de l'information et de la communication qui sont utilisées de manière abusive et par contre non contrôlées de la part des parents. M. Ouled Abdallah a appelé à l'importance de réaliser des études dans le domaine pour identifier l'impact des TIC sur le comportement des enfants et ses risques. Il a, tout de même, invité à faire des études sur les structures sociales et les besoins des enfants menacées qui sont les plus susceptibles à basculer dans la dérive. Puisque les statistiques en ce domaine et les données sur le problème restent insuffisantes et ne reflètent pas l'état des lieux.
La prise en charge De son côté, M. Sami Belghith, Directeur de la Défense Sociale a présenté les mesures prises par l'Etat pour prendre en charge cette frange de la population. La Tunisie dispose d'une stratégie de défense et d'intégration sociale qui cible, notamment, les enfants sans soutien, les enfants qui ont abandonné leurs études, les délinquants lors du procès et les familles monoparentales. Il a aussi rappelé les efforts déployés au niveau des centres spécialisés dont celui de La Manouba qui a pris en charge 266 enfants en 2007 dont 85 à 90 % ont été réintégrés dans leurs familles. De même, le ministère des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'Etranger qui a pris en charge 4069 enfants délinquants avant le procès judiciaire. Si l'Etat prend en charge cette frange de la société, cela n'occulte pas le rôle des associations et des ONG qui est d'une importance majeure. Ces structures doivent assister davantage ces enfants et les soutenir en les formant, ou en leur offrant des opportunités pour créer des micro-projets. C'est ainsi qu'ils seront réintégrés dans la société. D'ailleurs, M. Bechir Tekkari a insisté sur cet élément dans son discours d'ouverture de la journée d'étude tout en rappelant les décisions prises en leur faveur.