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La loi anti-tabac est-elle partie en fumée ?
Dossier : Santé : Les Tunisiens grillent 400 millions de paquets de cigarettes par an ...
Publié dans Le Temps le 04 - 02 - 2008

Dr Mohamed Kamel Abdennebi : « Les non-fumeurs se doivent de faire valoir davantage leur droit à ne pas être enfumés. »
Près de 400 millions de paquets de cigarettes sont consommés, chaque année, en Tunisie. Donc, près de huit milliards de cigarettes « sont grillées » sous nos cieux et polluent, annuellement, nos airs. Ceci équivaut à la triste moyenne annuelle d'environ 800 cigarettes par citoyen !!!
C'est dire l'impact important de cette « fumée » sur la pollution. Et, par conséquent, sur la santé publique. Certes, les statistiques budgétaires montrent que ce secteur contribue avec plus de 500 millions de dinars au Budget de l'Etat. Mais, ces statistiques ne sont pas disponibles pour montrer son impact sur l'hygiène et l'environnement, ni pour différencier le coût (moral et matériel) d'un cancer du poumon. C'est dire le déficit chronique en matière de lutte contre le tabac. Car cette lutte passe inéluctablement par la mise à nu des atrocités provenant de ce fléau.
Ainsi, au moment même où la plupart des pays européens ont adopté, et appliqué, des législations rigoureuses en matière de lutte contre le tabac, la Tunisie est encore au stade d'hôpital sans tabac. Pis encore, ce slogan n'est applicable que pour célébrer la Journée Mondiale de lutte contre le tabac et se limite aux pavillons des malades résidents. D'ailleurs, les médecins n'ont jamais été une référence pratique en matière de lutte contre le tabac. C'est tout juste qu'ils évitent de s'adonner à la cigarette devant leurs patients et dans leurs cabinets. Le comble du paradoxe, c'est que la législation tunisienne en la matière existe. Elle pénalise lourdement les réfractaires. Mais, personne ne bouge le petit doigt pour l'appliquer et beaucoup de laxisme entoure le traitement de cette problématique. Pourtant, l'interdiction de la cigarette dans les lieux publics a été bien perçue en France, en Italie et dans d'autres pays qui les ont précédé. L'effet de cette interdiction est très sensible sur le recul du cancer du poumon dans ces contrées. D'autres mesures ont été adoptées, et surtout appliquées, pour encourager l'arrêt de fumer. Le tabac a été surtaxé. Le prix d'un paquet dépasse les huit dinars tunisiens. Sa publicité a été interdite. La vente est interdite pour les jeunes de moins de 18 ans. C'est dire la variété des mesures entreprises pour lutter contre la cigarette. En plus, des campagnes de sensibilisation ont été entreprises à l'intention des adolescents, des jeunes et des moins-jeunes pour leur éviter de tomber sous la coupe de ce fléau, ou de couper court avec. Suite à cette offensive tous azimut, le tabac marque le pas dans les pays du Nord. Mais, il subsiste dans les pays du Sud. Sa consommation croît même. Notamment, chez les adolescents et les jeunes. D'où la nécessité de remettre en question les procédés actuels de lutte contre ce fléau. C'est dans cet esprit que le Temps a ouvert le dossier de la législation anti-tabac en Tunisie. Laquelle loi a été promulguée depuis février 1998. Elle a pour objet la prévention des méfaits du tabagisme. D'ailleurs, nous nous sommes adressés au Docteur Mohamed Kamel Abdennebi pour mieux connaître cette loi. C'est un pneumologue de formation. Il est détenteur d'un diplôme de tabacologie et il est connu pour son engagement dans la lutte contre le tabagisme. A cet effet, Dr Abdennebi a animé plusieurs conférences et il a été l'auteur de plusieurs articles dont notamment une vaste étude parue en septembre 2003 sur le tabagisme en Tunisie. Sur cette même lancée, Dr Mohamed Kamel Abdennebi nous accorde cette interview :

Dr Mohamed Kamel Abdennebi : « Les non-fumeurs se doivent de faire valoir davantage leur droit à ne pas être enfumés. »

• Le Temps : Pourriez-vous, pour commencer, nous faire l'historique de la loi anti-tabac ?
-Dr. Mohamed Kamel Abdennebi : Partout dans le monde et au fur et à mesure de l'évolution des connaissances des effets néfastes du tabac sur la santé (cancer et maladies cardio-respiratoires), les gouvernements de différents pays ont pris des mesures pour endiguer l'épidémie tabagique. En Egypte, en 1904, il a été interdit de fumer au théâtre et dans les salles de spectacles. En Italie, a été interdite, en 1930, la vente de tabac aux mineurs. En 1985, l'Algérie et le Sénégal dressent une liste des lieux où il est interdit de fumer. En 1986, l'Arabie Saoudite interdit la publicité pour le tabac et le fait de fumer dans certains lieux publics. En 1988, le Brésil a limité la publicité pour le tabac. En 1986, douze pays ont imposé des restrictions à l'usage du tabac et vingt autres pays ont totalement interdit la publicité en faveur du tabac. Le Royaume-Uni et l'Australie ont démarré le programme contre le tabagisme depuis les années 60. Les Américains du Nord ont entrepris depuis plus de quarante ans une lutte contre le tabac, surprenante par son intransigeance et son efficacité. De nombreux pays dont la France, se sont d'ailleurs inspirés de la législation américaine.
En Tunisie, devant l'ampleur et la réalité des dégâts engendrés par le tabac, le corps médical et notamment la Ligue Nationale de lutte contre la tuberculose et les maladies respiratoires , la Société Tunisienne de Pneumologie et le Département de la Médecine Préventive ont beaucoup fait pour convaincre les autorités pour l'adoption de cette loi.

• Quelle sont les principales dispositions de cette loi ?
-La loi n°98 du 23 février 1998, après avoir défini les produits du tabac, fait obligation aux fabriquants de mentionner la teneur en goudron et en nicotine et d'inscrire l'avertissement sanitaire « Fumer nuit à la santé », sur les paquets de cigarettes. Elle interdit la publicité sous toutes ses formes. Elle interdit de fumer dans les espaces réservés aux jeunes. Elle interdit au personnel exerçant dans le secteur de l'alimentation de fumer pendant la préparation, la transformation ou l'emballage des produits alimentaires destinés à la consommation humaine. De même, qu'il est interdit de fumer au personnel employé dans les restaurants et les cafés au moment de servir la clientèle.

• Quels sont les lieux où il est interdit de fumer ?
-Le décret du 16 novembre 1998 a fixé les lieux où il est interdit de fumer. Ce sont des lieux affectés à l'usage collectif tels que les écoles, les crèches, les lieux du culte, les moyens de transport, les établissements sanitaires, les salles de spectacles, les salles de sport, les administrations, etc.
La loi prévoit l'aménagement d'espaces réservés aux fumeurs, espaces devant être déterminés par l'administration. Ces espaces doivent disposer de moyens d'aération et de ventilation et être isolés du reste des locaux collectifs pour protéger les non-fumeurs de la fumée.

• Quelles sont les sanctions prévues par la loi en cas d'infractions ?
-L'infraction aux dispositions des articles interdisant la publicité est punie d'une amende de 500 à 3000 dinars. La peine est portée au double en cas de récidive (article 15).
Le fait de fumer dans les lieux à usage collectif est puni d'une amende de 25 dinars (article 16).
Fumer pendant la préparation ou l'emballage des produits alimentaires est passible d'une amende de 50 dinars (article 16).

• Qui est chargé de constater les infractions ?
-De par la loi, ce sont les agents de police judiciaire, ainsi que les agents assermentés de l'administration qui sont habilités à constater les infractions et à dresser les procès verbaux.
A mon sens, cette disposition est difficilement applicable vu que les agents de police et les agents d'administration ne peuvent pas s'introduire aisément dans les enceintes administratives et les entreprises.
Il serait plus judicieux de modifier la loi et de confier cette mission aux inspecteurs du travail.

• Comment la loi a-t-elle été acceptée par les fumeurs ?
- Elle a été d'autant bien acceptée qu'elle est mal appliquée. Si la publicité directe a disparu du paysage médiatique, et il faut s'en féliciter, les autres articles de lois ne sont, à l'évidence, pas du tout respectés, on remarque que les gens continuent à fumer un peu partout dans les lieux où il est interdit de fumer : transports publics, hôpitaux, lieux de travail, administrations, salles de classe, etc... Certains fument même sous l'affiche portant l'inscription : Défense de fumer.
Comme la loi n'est pas appliquée et que les non-fumeurs n'osent pas protester, il s'est établi une sorte de consensus : quand la fumée devient insupportable, ce sont les non-fumeurs qui s'en vont, quand ils le peuvent ! Les non-fumeurs se doivent de faire valoir davantage leur droit à ne pas être enfumés !
Une autre manière de contourner la loi consiste à transcrire sur le paquet de cigarettes, l'avertissement sanitaire « Fumer nuit à la santé » que la loi rend obligatoire, en caractères minuscules, qui le rend illisible.

• Quelles sont les raisons qui font que la loi n'est pas correctement appliquée ?
- Il faut dire qu'en Tunisie, la volonté de lutter contre le tabagisme a pris corps tardivement et difficilement. La puissance de l'addiction, les hésitations et les résistances de l'administration, le manque de fermeté des non-fumeurs, l'indifférence d'une partie du corps médical et du corps social tout entier ont laissé le champ libre à ce laxisme responsable de la propagation de ce fléau sanitaire.

• Que faut-il, donc, faire, selon vous, pour que la loi s'applique correctement ?
-Pour que la loi ne reste pas lettre morte, les médias, le corps médical, la puissance publique doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour la faire respecter et empêcher la diffusion du tabagisme. Si on ne le fait pas, ne pourrait-on pas un jour nous le reprocher ?
Il va de soi que l'application de cette loi doit être progressive et précédée de campagne d'explication et de sensibilisation. Elle doit se faire dans un esprit de compréhension. La réglementation a pour objectif, avant tout, de faire prendre conscience du problème posé par le tabac. Une politique d'information sanitaire active est indispensable. Certes, une loi ne suffit pas à faire une politique de santé, mais elle peut y contribuer largement. Il n'en demeure pas moins qu'appliquer efficacement la loi exprimera la volonté politique des pouvoirs publics et apportera le soutien nécessaire au programme de lutte contre le tabagisme.
Quand la loi est strictement appliquée, comme aux Etats-Unis, pays particulièrement procédurier, les études ont montré que la consommation de tabac par personne a diminué en 15 ans de 50%, que le taux de fumeurs est passé de 55% à 23%. 330.000 décès ont pu ainsi être évités.

• Avez-vous constaté des progrès en Tunisie, dans la lutte contre le tabagisme ?
-Oui, certainement, même s'il reste beaucoup à faire . Grâce aux différentes campagnes, menées, on assiste, en Tunisie, à une prise de conscience collective des dangers du tabac.
Le contexte de la lutte contre le tabagisme a considérablement évolué. Il y a, aujourd'hui, un consensus, y compris chez une majorité de fumeurs, pour reconnaître l'impact négatif du tabac sur la santé et la nécessité de son arrêt.
Après dix ans, le moment est venu d'appliquer, enfin, la loi avec rigueur et sérénité.

• Le fait d'interdire de fumer dans certains lieux ne constitue-t-il pas une atteinte aux libertés individuelles et ne risque-t-il pas de culpabiliser les fumeurs ?
-La liberté de fumer s'arrête là où commence la liberté des non-fumeurs qui ont droit à l'air pur, d'autant plus qu'il est incontestable que la fumée des autres provoque des maladies graves. Le fumeur peut librement fumer dans les espaces qui lui sont réservés.
Plutôt que de parler de liberté de fumer, il vaut mieux parler de la dépendance du fumeur qui a perdu toute liberté face à la nicotine. Le souhait de tout grand fumeur qui n'arrive pas à arrêter de fumer n'est-il pas de ne jamais voir ses enfants fumer ?


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