Ils sont américains, australiens, jamaïcains, français, allemands, belges… Nés de parents chrétiens, juifs ou athées… Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice. Dans ce neuvième article de la série, nous présentons Richard Colvin Reid, britannique converti à l'islam qui a tenté de faire exploser en plein vol un avion de la compagnie American Airlines reliant Paris à Miami, avant d'être maîtrisé par des passagers.
Le 22 décembre 2001, Richard Colvin Reid, citoyen britannique converti à l'islam et se décrivant lui-même aux enquêteurs comme un terroriste lié au mouvement Al-Qaïda, a pu être maîtrisé par les passagers du vol 63 d'American Airlines, reliant l'aéroport Roissy-Charles-De-Gaule, à Paris, en France, à Miami International Airport, aux Etats-Unis, alors qu'il s'apprêtait à faire exploser l'avion. Il avait eu des difficultés à allumer la mèche des explosifs dissimulés dans ses chaussures. C'est son attitude bizarre, selon l'expression des passagers, qui l'a trahi. Né le 12 août 1973 à Bromley au sud de Londres d'une mère anglaise et d'un père jamaïcain, Richard Colvin Reid a fait ses études secondaires à Thomas Tallis School à Kidbrooke, une banlieue de Londres. Après une enfance et une adolescence difficiles durant lesquelles il a fait plusieurs années de prison pour divers délits, notamment à la prison Feltham Young Offender's Institution, où il s'est converti à l'islam –, Reid a été recruté par les membres du réseau d'Oussama Ben Laden à la mosquée de Brixton, au sud de Londres qu'il fréquentait de manière assidue. L'un des membres de ce réseau, Mohammed Mansour Jabarah, qui a été arrêté et interrogé à Oman en 2003, a affirmé que Reid était lui-même membre de l'organisation et qu'il avait été chargé de l'attentat à la bombe contre l'avion de l'American Airlines par Khaled Shaikh Mohammed, l'un des planificateurs des attentats du 11 septembre 2001 qui a été arrêté par la suite au Pakistan. Avant de prendre l'avion, Reid, qui utilisait deux autres noms à connotation arabe (Tariq Raja et Abdel Rahim), avait résidé à Paris, entre le 16 et le 20 décembre. Pourtant, les enquêteurs de la section antiterroriste de la brigade criminelle de Paris n'ont pas pu déterminer où il a trouvé refuge. Ils ont enquêté auprès des hôtels de la capitale française, notamment dans le quartier de la gare du Nord, mais personne n'a reconnu la photo du jeune homme. Conclusion logique: ce dernier aurait logé chez un particulier. Cela signifie qu'il n'a pas agi seul et qu'il a peut-être bénéficié du soutien d'un réseau implanté en France. Et probablement aussi aux Pays-Bas, où il a séjourné avant de débarquer à Paris. Sinon comment expliquer que cet homme, apparemment sans ressources, a-t-il pu débourser, en liquide, les 1 981,80 euros du prix de son billet d'avion acheté dans une agence de voyages du XVIIIe arrondissement parisien ? Il lui en restait d'ailleurs autant dans les poches au moment de son arrestation, alors qu'il n'a pas cessé de voyager durant les mois précédant son passage à l'acte. Sa trace a ainsi été retrouvée en Egypte, en Israël, en Turquie, au Pakistan, en Belgique, aux Pays-Bas, en France bien sûr, et probablement aussi en Afghanistan. Comment expliquer aussi que Reed ait pu se procurer les produits explosifs retrouvés dans ses souliers ? Des produits assez rares et qui ne sont pas vendus dans les quincailleries. Il faut aussi posséder une certaine expertise pour les manipuler. Richard Reid a expliqué aux enquêteurs du FBI, le service de renseignement américain, qu'il a pu se les procurer en prenant contact avec un fournisseur grâce à Internet. Mais cela n'a pas convaincu les enquêteurs. D'autant que l'explosif en question s'est révélé être un mélange de plusieurs composants, parmi lesquels du plastic et de la penthrite, qui aurait pu exploser sans détonateur. C'est, en tout cas, la conclusion des analyses effectuées par le laboratoire du FBI à Washington. Les services de renseignements occidentaux qui se sont penchés sur le cas Reid sont unanimes : s'il avait utilisé un briquet plutôt qu'une allumette, ce dernier ne se serait pas fait repérer et se serait fait exploser à coup sûr. La bombe qu'il portait sur lui était suffisamment sophistiquée pour faire un trou dans la carlingue de l'avion et provoquer une catastrophe que l'on imagine : il y avait 197 voyageurs à bord. Si les enquêteurs n'ont pas eu de mal à confirmer les accusations contre Reid et le faire condamner, le 30 janvier 2003, par la Cour fédérale de Boston, Massachusetts, à cent vingt ans de prison, les motivations et les complicités du terroriste leurs sont restées ambiguës. Il est incarcéré depuis dans une prison du Colorado. L'affaire Reid a permis aux responsables de la sécurité aérienne de prendre de nouvelles mesures comme celle d'interdire les briquets à essence sur les vols vers les Etats-Unis, tout comme ceux en partance de ce pays.
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