Le Temps-Agences - Malgré le refus de six pays, dont l'Espagne, une majorité d'Etats de l'Union européenne se préparaient hier à reconnaître l'indépendance du Kosovo comme le leur demandent les Kosovars, tout en tendant la main à la Serbie en colère. "Ce que je comprends, c'est que beaucoup d'Etats membres vont reconnaître" la naissance de ce nouvel Etat des Balkans, a déclaré le ministre slovène des Affaires étrangères Dimitrij Rupel, dont le pays préside actuellement l'UE, en arrivant à une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles. Ce choix, au lendemain de la proclamation historique d'indépendance, sera laissé à chacun des 27 pays membres, l'UE n'ayant pas compétence à reconnaître au nom du bloc. Alors que le Premier ministre kosovar Hashim Thaçi appelait les gouvernements du monde entier à "reconnaître le Kosovo souverain et indépendant", les quatre "grands" pays européens - France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie - qui ont été en pointe des efforts pour régler le statut du territoire devaient les premiers, en principe dès hier après-midi, annoncer leur intention de reconnaître ce nouvel Etat issu de l'ex-Yougoslavie, selon des diplomates. Ils espèrent entraîner le plus grand nombre d'Etats dans leur sillage. La reconnaissance à proprement parler pourrait prendre plus de temps. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré hier que pour l'Allemagne, où une telle décision nécessite une réunion du gouvernement, elle n'interviendrait "certainement pas aujourd'hui". Malgré la prudence observée par les ministres en attendant leur discussion à Bruxelles, le Français Bernard Kouchner a laissé peu de doutes sur les intentions de Paris, soulignant qu'"il n'y avait pas d'autre solution sinon l'affrontement perpétuel". Le chef du gouvernement italien Romano Prodi a estimé que la Serbie "ne devait pas se sentir abandonnée par l'Europe". Depuis Londres, le Premier ministre britannique Gordon Brown a aussi souligné que l'attitude de la Serbie, qui a toujours refusé de perdre le Kosovo et a annulé hier la proclamation d'indépendance kosovare, "devait être prise en compte". Les pays de l'UE veulent être "à la fois les amis de Belgrade et les amis de Pristina", a résumé la ministre autrichienne Ursula Plassnik. Dans une déclaration commune, les ministres devraient insister sur le fait que les portes de l'UE sont ouvertes à la Serbie comme au Kosovo, alors qu'à Belgrade les plus nationalistes prônent un rapprochement avec Moscou. Avec cette déclaration qui laissera les pays libres de reconnaître ou non, les ministres espèrent démontrer que l'UE reste unie malgré l'hostilité de six Etats membres à la reconnaissance. Chypre, confrontée à la sécession de Chypre Nord, a répété hier son opposition, en soulignant qu'une reconnaissance de l'indépendance de la province serbe peuplée en majorité d'Albanais "créera un précédent et provoquera des problèmes à l'avenir" Madrid, à la souveraineté contestée au Pays Basque et en Catalogne, l'a réaffirmé également. "L'Espagne ne va pas reconnaître" l'indépendance du Kosovo, a dit dès son arrivée à Bruxelles le ministre espagnol Miguel-Angel Moratinos. La Grèce, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie ont aussi indiqué qu'elles ne reconnaîtraient pas cette indépendance dans l'immédiat. Outre l'opposition serbe, l'Union européenne et les Etats-Unis, principaux soutiens de l'indépendance du Kosovo, font face au refus de cette indépendance par la Russie. Après avoir demandé en vain l'annulation de l'indépendance au Conseil de sécurité avant-hier, Moscou, visiblement mécontente de la neutralité du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, lui a demandé de "définir clairement sa position" sur le Kosovo. La Chine, pour sa part, s'est dite "profondément préoccupée" et a lancé "un appel à la Serbie et au Kosovo pour qu'ils continuent à négocier" un compromis.