La première étincelle d'une organisation ouvrière purement tunisienne avait jailli en 1925 avec le pionnier du syndicalisme tunisien, Mohamed Ali qui incita les travailleurs à la création d'une institution par laquelle ils pourraient défendre leurs droits et sauvegarder leurs intérêts. Tahar Haddad, son compagnon et son bras droit l'avait soutenu et lui avait prêté main forte afin d'inciter une majorité de travailleurs tunisiens à se liguer pour mieux formuler leurs revendications et éveiller chez eux l'instinct de contester sans crainte les multiples exactions qu'ils subissaient à cette époque par le colonialisme où les ouvriers autochtones étaient relégués à l'état de serfs, voire d'esclaves, pour ceux d'entre eux, qui pouvaient, toutefois, accéder à un emploi. Leurs droits étaient, en effet, bafoués et le simulacre de syndicat français qui existait à l'époque en Tunisie à savoir la CGT, œuvrait essentiellement à défendre les droits des travailleurs français. Mohamed Ali appela à des manifestations des travailleurs dont en premier les dockers qui étaient dans une situation des plus déplorables et des plus précaires. Les autorités coloniales avaient répondu par la répression, donnant carte blanche à la police de tirer sans sommation sur les manifestants, faisant plusieurs morts. Plusieurs autres avec Mohamed Ali ont été arrêtés et jugés à des peines privatives de liberté pour atteinte à la sûreté de l'Etat. C'était la raison pour laquelle, l'idée de Mohamed Ali de créer une organisation syndicale baptisée CGTT (Confédération générale des travailleurs tunisiens), ne put prospérer. A la même période, des membres du parti du Destour créé en 1920, sont également arrêtés et exilés en 1925. Les syndicalistes de l'époque militaient sur un double front : la défense des droits des ouvriers, la libération du pays du joug du colonialisme. Après le départ contraint et forcé de Mohamed Ali, d'autres syndicalistes lui emboîtaient le pas, dont Gnaoui convaincu de l'utilité d'une organisation syndicale tunisienne, n'avait pas pu trouver les conditions favorables afin de venir à bout de son projet d'instituer l'UNTT (Union Nationale des Travailleurs Tunisiens). Elle sera reprise plus tard, et bien après la création de l'UGTT, lors de la scission au sein de celle-ci suite à un malentendu entre des syndicalistes qui s'était vite dissipé. Créée en janvier 1946, l'UGTT était ainsi née de cette idée d'instituer une organisation tunisienne à cent pour cent, ouvrière et militante. Lors du congrès qui eut à la Khaldounia, des militants issus du peuple et représentants de toutes les couches sociales et de toutes les tendances, se sont réunis à cet effet. La séance était présidée par le Cheikh Fadhel Ben Achour, élu, président de cette organisation, ce Cheïkh érudit, et fils d'érudit, issu d'une famille bourgeoise, était un militant de la première heure. Il n'hésitait pas à sortir dans la rue, avec son allure imposante et sa tenue de dignitaire religieux pour participer à toutes les manifestations qu'elles fussent à caractère syndical ou politique. Bien avant ce congrès, Fadhel Ben Achour, avait assisté à d'autres à caractère nationaliste, dont notamment celui de la culture islamique où il avait clamé haut et fort ses idées anticolonialistes, déclarant notamment que l'Islam est une religion de tolérance, qui incite au respect de l'être humain quelles que soient ses convictions, sa race ou son origine. C'était de sa part, une manière de contester les exactions perpétrées par les autorités coloniales à l'égard des nationaux, et leurs attitudes racistes. Cela lui avait valu d'être arrêté, ainsi que plusieurs parmi ceux qui avaient pris part à ce congrès. Plusieurs syndicalistes de renom, avaient participé au congrès de janvier 1946, dont le militant Farhat Hached, d'origine ouvrière, qui avait sacrifié sa vie, ayant été sauvagement abattu par la main rouge le 5 décembre 1952, et qui fut élu en 1946, secrétaire général de l'UGTT. Habib Achour était également du lot, et avait milité aux côtés de Farhat Hached et subi les affres de la prison où il fut maintes fois incarcéré, pour ses idées de soutien constant et inconditionnel aux travailleurs opprimés. Plusieurs autres militants avaient fait partie de cette organisation, qui dès sa création était de vocation populaire et unificatrice. Qu'ils fussent des intellectuels, tels que Mahmoud Messaâdi, Chedli Klibi, Farhat Dachraoui, Ahmed Ben Salah, Mustapha Filali, ou d'origine ouvrière tels que Gnaoui, Ahmed Tlili, Saïd Guagui, Habib Achour, et bien d'autres, ils avaient tous agi avec l'abnégation, la témérité et le courage de militants sincères et convaincus.