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15 - Willie Virgile Brigitte ou le périple Paris-Kaboul-Sydney
Notre feuilleton - Le jihad des convertis
Publié dans Le Temps le 28 - 01 - 2007

Arrêté, le 9 octobre 2003, à Sydney, en Australie, où il avait débarqué cinq mois auparavant sans motif apparent, ce Français originaire de Guadeloupe, a été expulsé en France, huit jours après, avant d'être mis en examen, le 22 octobre de la même année, dans le cadre de l'enquête sur un réseau de soutien aux assassins du commandant afghan Ahmed Shah Massoud.
Willie Virgile Brigitte fait partie de ces dizaines de convertis à l'islam qui ont succombé aux sirènes du jihad international. Américains, australiens, jamaïcains, français, allemands, belges... Nés de parents chrétiens, juifs ou athées... Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice.

Guadeloupéen, aujourd'hui âgé de 38 ans, Brigitte a donc été mis en examen, le 22 octobre 2003, dans le cadre de l'enquête sur un réseau de soutien aux assassins du commandant afghan Ahmed Shah Massoud, surnommé le «Lion du Panchir», chef de l'Alliance du Nord et héros en Afghanistan de la lutte contre les Taliban, tué dans un attentat le 9 septembre 2001 en Afghanistan, soit deux jours avant les attaques terroristes qui ont frappé les Etats-Unis.
Après s'être converti à l'islam et pris pour nom Abdel-Rahman, Brigitte est entré en contact avec des islamistes radicaux en banlieue parisienne. Il a ensuite séjourné au Yémen, en 1998, avant de rentrer en France puis de repartir au Pakistan.
A son retour en France, après avoir passé plusieurs mois dans un camp d'entraînement dans la vallée du Punjab, Brigitte a supervisé jusqu'en 2001 des entraînements destinés à des volontaires en partance pour l'Afghanistan en forêt de Fontainebleau, aux environs de Paris. Le Guadeloupéen a rejoint ensuite l'Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001 et y a combattu les forces armées américaines, avant d'être envoyé en Australie, «pour une entreprise liée au terrorisme». Poursuivi en France dans le cadre de l'enquête sur le réseau de fourniture de faux papiers dont auraient pu bénéficier les assassins du commandant Massoud, Brigitte est qualifié par les spécialistes français du contre-terrorisme d'«agent important d'Al-Qaïda».

Projet d'attaque contre le réacteur nucléaire de Lucas Heights

Arrivé en Australie en mai 2003 muni d'un visa de touriste, le Français a été arrêté à Sydney le 9 octobre, soit 18 jours après que les services français eurent informé leurs homologues australiens (Australian Security Intelligence Organisation, ASIO) de sa présence dans leur pays. Après un court séjour à la prison de Villawood, où il a subi plusieurs interrogatoires sur les raisons de sa présence en Australie et ses éventuelles liaisons avec des groupes terroristes opérant dans la grande île, Brigitte a été expulsé vers la France, le 17 du même mois, au motif officiel de «séjour irrégulier». Il avait eu le temps cependant de convoler en troisième noces avec une Australienne d'origine étrangère, Mélanie Brown, traductrice de langue arabe au ministère de la Défense australien.
A son arrivée dans la capitale française, Brigitte a été entendu quatre jours durant par le juge antiterroriste, Bruguière, qui l'a finalement inculpé pour «appartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Au cours de l'audition, Brigitte a déclaré que des membres du mouvement terroriste pakistanais Lashkar-e-Tayyaba lui ont demandé d'héberger en Australie un spécialiste des explosifs d'origine tchétchène rencontré dans des camps d'entraînement au Pakistan, tout en précisant qu'il n'avait jamais souhaité participer lui-même à un projet criminel. Le Tchétchène en question devait pénétrer en Australie déguisé en supporter de l'équipe de rugby de Géorgie pendant la coupe du monde devant être organisée en octobre 2003. Toujours selon Brigitte, Lashkar-e-Tayyaba voulait créer une cellule à Sydney chargée d'acquérir des produits chimiques pouvant être utilisés pour fabriquer des explosifs. Le mouvement extrémiste pakistanais cherchait aussi à rassembler des plans de bases militaires à Sydney.
Tout en admettant avoir connu Djamel Loiseau, un Français retrouvé mort dans les montagnes afghanes de Tora Bora pendant l'hiver 2001, ainsi que plusieurs autres Français, aujourd'hui détenus sur la base américaine de Guantanamo, parmi lesquels Brahim Yadel, Brigitte a avoué également avoir participé, avant son départ en Afghanistan, à des entraînements en forêt de Fontainebleau d'un groupe d'islamistes radicaux surnommés les «campeurs» par les enquêteurs. Dans ce groupe des «campeurs» figure un autre suspect arrêté en France et dont le passeport falsifié a servi aux assassins du commandant Massoud.
Les services de sécurité australiens ont réussi, pour leur part, grâce à des informations venant de Paris, à démanteler la cellule dénoncée - ou balancée - par Brigitte et qui envisageait une action contre l'Australie. Ils estiment que Brigitte, compte tenu de son entraînement et de sa connaissance des explosifs, formait des opérateurs locaux en vue d'attentats. Ils ont redouté, dans un premier temps, que Brigitte envisage une attaque contre la Coupe du monde de rugby, qui se déroulait alors dans leur pays. Des éléments ultérieurs laissent penser que le Français préparait en fait une attaque contre le réacteur nucléaire de Lucas Heights, qui alimente l'industrie médicale et de recherche, ou des sites militaires de la région de Sydney. Des photos de la centrale nucléaire et une liste de composants permettant de fabriquer un explosif ont même été retrouvées dans son appartement au moment de son arrestation.

Les aveux troublants de Mélanie Brown

Mélanie Brown, l'épouse de Brigitte, a débarqué en France le 16 janvier 2004. Cette australienne aujourd'hui âgée de 29 ans a été arrêtée aussitôt débarquée de son avion et placée en garde à vue pendant 96 heures avant d'être relâchée, le 24 janvier, sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre elle.
L'audition de Mme Brown, qui était venue en France pour rendre visite à son mari en prison, a laissé entrevoir des éléments troublants. Selon une source proche du dossier, citée par ''Le Parisien'' du 4 février, la jeune femme, elle aussi convertie à l'islam, soldate des forces armées australiennes jusqu'en septembre 2002, a indiqué que son mari l'avait fréquemment sollicitée pour obtenir des descriptions précises du «matériel et des activités» de l'armée australienne. Devant ses hésitations, Brigitte aurait soutenu qu'il avait besoin de ces informations «au nom de Dieu et des musulmans».
«Le couple s'était rencontré en Australie par l'intermédiaire d'un ami sénégalais. Willy Brigitte avait soudainement quitté la France en mai 2003 avant de fréquenter une mosquée salafiste de Sydney. Les jeunes convertis à l'islam se sont mariés religieusement puis civilement le 13 septembre, mais n'ont vécu ensemble que six semaines. Selon Mélanie Brown, son mari a commencé à lui poser des questions au bout d'une quinzaine de jours. Il lui a demandé d'écrire des notes sur certains matériels de transmission ultrasensibles, mais aussi de lui confier ses chaussures militaires qu'elle avait gardées depuis son passage dans l'armée, ainsi qu'un chargeur de fusil Uzi F88. Selon son épouse, Willy Brigitte brûlait régulièrement des papiers, une fois par semaine, mais elle n'a pas pu préciser ce dont il s'agissait. Mélanie Brown a travaillé dans le domaine des transmissions et de la ''guerre électronique''», rapporte aussi ''Le Parisien''.
Toujours selon le quotidien français, Brigitte aurait aussi posé à son épouse de nombreuses questions sur un cliché de la base américaine de Pine Gap, située près d'Alice Springs, en Australie. Une base ultra-secrète, qui emploie 1 000 personnes, essentiellement de la CIA et de la ''National Security Agency'' (NSA), équipée de 26 antennes, dont l'activité principale est l'interception des communications à travers le monde. Pendant la guerre en Irak, cette station a été également utilisée pour la transmission d'informations aux militaires américains, le guidage des missiles et la détection de l'éventuel envoi de Scud depuis l'Irak vers des pays voisins, comme Israël. La jeune femme - dont la méfiance a été éveillée - se serait contentée d'en dire le minimum à son mari
Le 29 janvier 2004, Melanie Brown, était encore en France, où elle espérait toujours rendre visite à Brigitte en prison, lorsqu'elle a annoncé, par la voix de son avocat australien, Me Stephen Hopper, qu'elle demandait le divorce. «Les raisons de Melanie Brown pour demander le divorce sont tout à fait personnelles et elles n'ont rien à voir avec le fait de savoir si M. Brigitte est coupable ou non», avait souligné Me Hopper devant les journalistes.

Ibrahim Keïta passe à table

«Je ne suis pas un terroriste, je ne suis pas un criminel (...) Je suis innocent.» Du fond de sa cellule de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), Willy Brigitte a écrit ces quelques mots, le 5 janvier 2004, à son avocat, Me Hopper, apportant ainsi pour la première fois publiquement un démenti formel aux accusations portées contre lui (''leparisien.com'' du 17 janvier).
Quoi qu'il en soit, un élément laisse les enquêteurs songeurs: Brigitte semble être parti en Australie en mai 2003, soudainement et sans raison apparente. Si les raisons de ce départ précipité comportent toujours des zones d'ombre, l'enquête australienne a fait apparaître d'autres indices tout aussi troublants.
Ainsi, le 26 octobre 2003, deux hommes en contact avec Brigitte ont été interpellés par les policiers australiens, qui ont perquisitionné sept ''objectifs''. Au domicile de l'un d'entre eux, les enquêteurs ont relevé des traces d'explosif. Il s'agissait notamment de nitroglycérine et de HMX, un puissant explosif militaire.
Autre indice: la patronne de l'un des deux hommes arrêtés a déclaré aux enquêteurs que son employé avait reçu sur son lieu de travail une liste de produits chimiques, mentionnant notamment de l'acide nitrique et acétique. Des éléments qui peuvent entrer dans la composition d'un engin explosif.
Enfin, les policiers australiens ont assisté à une scène étrange au cours de leurs surveillances de la mouvance islamiste à Sydney. L'un des hommes qui était en relation avec Brigitte aurait jeté dans une poubelle des photos aériennes copiées sur Internet représentant des sites militaires australiens. Autant d'éléments qui pourraient accréditer l'hypothèse de la préparation d'une action en Australie.
Les enquêteurs français, pour leur part, ont accumulé, au fil de l'enquête, d'autres éléments qui peuvent être versés dans le dossier d'accusation de Brigitte. Ainsi, le projet d'attentat en Australie a été confirmé par un certain Ibrahim Keïta, l'un des proches du terroriste français, qui a déclaré, au cours de sa garde-à-vue à la DST, en novembre 2003, que Brigitte lui avait fait part au téléphone de ce projet d'attentat.
Keïta, un Français converti à l'islam, aujourd'hui âgé de 40 ans, a été mis en examen, lui aussi, pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», et écroué.
Ce chauffeur de car interpellé en région parisienne a par ailleurs reconnu avoir participé à des entraînements dans la forêt de Fontainebleau à la fin des années 1990. Ces camps étaient notamment animés par Brigitte avant le départ de ce dernier au Yémen en 1998.
La justice reproche également à Keïta d'avoir hébergé le Guadeloupéen en 1997 et 1998, un fait qu'il a admis au cours de sa garde-à-vue. Les deux hommes sont toujours restés en contact. C'est au cours d'une conversation téléphonique, entre Brigitte, qui se trouvait en Australie, et Keïta, resté en France, que les deux hommes auraient évoqué, à demi-mot, le projet d'attentat dans le premier pays. La police française, qui les surveillait, n'a pas tardé à réagir en alertant son homologue australienne. La suite on la connaît...

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