C'est maintenant au tour des suds africains de mener la chasse à l'intrus. Les citoyens de Johannesburg se sont en effet mis en tête que les affamés du Zimbabwe venus chez eux leur disputent leur travail, sinon leur maigre pitance. La chasse à l'homme qui en a résulté a fait de nombreuses victimes. Les rescapés ne doivent leur salut qu'à la fuite vers les commissariats de police. Solution bien entendu précaire, en attendant le renvoi au pays d'origine, qui ne saurait tarder. Il n'y a rien à attendre en effet du gouvernement de Harare, occupé à plein temps par le ravalement des résultats des dernières élections présidentielles passablement truquées. Mugabe, soutenu en la circonstance par son ami Mbeke d'Afrique du Sud justement, n'a pas de solution à proposer ; D'ailleurs, il ne donne pas l'air d'être préoccupé par la question. A plus de 7000% d'inflation, il ne maîtrise pas vraiment la chose publique, l'Etat étant depuis 28 ans sa chose privée. Il envoie bien de temps à autre des hommes à lui déloger les blancs des terres qu'ils occupent. Cela lui permet de jouer de la fibre nationaliste, sinon noire africaine, ressort ambigu d'un pouvoir équivoque. Ses concitoyens, eux, ne semblent pas en avoir tiré grand profit. Du coup, ils sont allés chercher ailleurs les moyens de continuer à survivre. A chacun son Eldorado. Pour les démunis du Zimbabwe, c'est le voisin d'Afrique du Sud, là où les petits boulots attirent ceux qui manquent de tout. Attirer est en vérité un bien grand mot, et c'est sans compter sur les risques qu'enfantent les crises et qui se traduisent par des accès de xénophobie. Il en est partout ainsi, et il n'y a pas si longtemps les ghanéens présents au Nigeria avaient fait les frais de pareille montée de fièvre à tendance purificatrice. Beaucoup sont morts sur la route de la fuite désespérée devant les escadrons des vengeances aveugles. L'Afrique n'offre pas l'hospitalité quand les déplacés bien malgré eux cherchent à se caser chez moins pauvre que soi, ou réputé tel.
Dérives politiques Et puis, n'importe comment, les équipées xénophobes ne sont jamais très éloignées des errements politiques. Au Rwanda, une lutte qu'on disait ethnique pour le pouvoir a entraîné un génocide. En côte d'Ivoire interface Burkina Faso, les versions sur les tueries diffèrent mais n'en mènent pas moins aux mêmes conclusions. Au Nigeria, on ne sait plus vraiment qui pille qui, et au nom de quelle légitimité. L'impression est que des décennies de ratés économiques catalysent les haines que l'on a toujours la facilité de reporter sur les autres. Ces autres qui continuent à croire que le droit à une vie décente passe avant les inepties de dirigeants en quête de ristournes sur les richesses nationales décrétées biens personnels. Par temps de crise surtout, l'étranger est le premier cité dans l'ordre de ceux qui mangent le pain des autres. Dans la crise actuelle, le mot pain ne fait pas seulement image. L'Europe en donne un exemple tout à fait significatif. Ses dirigeants redoublent d'ingéniosité pour barrer la route aux affamés désespérés. Ces derniers sont quasiment devenus une maladie honteuse pour des dirigeants à court d'arguments et de vertus républicaines. Dans l'attente de sacs de riz distribués par des humanitaires comme un viatique pour l'urgence qui n'en finit pas de perdurer. N'importe comment, les migrants du Zimbabwe finiront par être chassés d'Afrique du Sud. Ca sera même assez simple puisqu'ils se sont réfugiés dans des commissariats de police. Et puis, la crise du pain et des autres nourritures ne va pas se régler de sitôt. Encore moins les crises des régimes politiques enlisés dans leur propre déconfiture.