Le temps - Agences - Une guerre sans merci entre le chef de l'Etat zimbabwéen Robert Mugabe et son opposant Morgan Tsvangirai s'est ouverte dimanche avec la campagne pour le second tour de la présidentielle du 27 juin, aucun des deux camps n'entendant céder la victoire. Le plus âgé des présidents africains a appelé ses partisans à l'unité. "La désunion, c'est ce qui nous tue", a déclaré Mugabe, en accusant à nouveau l'opposition d'être responsable des violences politiques accrues depuis les élections générales du 29 mars. "Nous savons que l'ennemi cherche des raisons de discréditer notre victoire. Ils diront si nous gagnons qu'il y a eu des violences", a-t-il affirmé. "Nous ne voulons pas de violence (...) je ne dis pas qu'il ne faut pas vous défendre", a-t-il lancé à 2.000 militants, au siège de son parti à Harare. Mugabe a en outre menacé d'expulser l'ambassadeur des Etats-Unis, James McGee, lui reprochant de s'immiscer dans les affaires internes du pays et a repris son antienne selon laquelle Tsvangirai est à la solde des Occidentaux. "Quand l'ambassadeur américain a dit à Morgan de revenir, il est rentré en courant", a-t-il lancé. Le leader de l'opposition, revenu samedi au Zimbabwe qu'il avait quitté quelques jours après le scrutin du 29 mars, a juré d'exiger des comptes sur "les actes criminels" commis par les partisans du régime. "Nous pardonnerons les actes politiques, mais nous ne pardonnerons pas les actes criminels", a-t-il lancé dimanche lors des funérailles d'un membre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Tonderai Ndira, tombé selon le parti, aux mains de pro-Mugabe. "Ils peuvent nous tuer, ils peuvent nous estropier, mais le 27 juin nous évincerons cet homme du pouvoir!", s'est écrié Tsvangirai, qui réclame le déploiement d'observateurs internationaux et d'une force de paix régionale avant le second tour. La veille, il avait écarté l'idée d'un gouvernement d'unité nationale. "Il y a eu beaucoup de spéculations, mais je ne vois pas comment cela serait réalisable", avait-il déclaré. Selon lui, les violences "n'ont réussi qu'à faire en sorte que (Mugabe) soit davantage encore rejeté par le peuple". Une quarantaine de personnes ont été tuées, un millier blessées et des milliers déplacées, selon l'opposition et des organisations humanitaires. Pour la première fois depuis l'indépendance de l'ex-Rhodésie du sud britannique en 1980, le régime s'est incliné devant le verdict des urnes, perdant sa majorité législative. Mugabe a dû concéder l'avantage à Tsvangirai au premier tour de la présidentielle, avec officiellement 43,2% des suffrages contre 47,9%. Ces résultats, publiés cinq semaines après le scrutin, n'accordent à aucun des candidats la majorité absolue requise pour une victoire au premier tour. Mugabe, qui à 84 ans vise un sixième mandat, a reconnu un résultat "désastreux". "Nous nous battons maintenant le dos au mur. Aujourd'hui, les gens voient le danger de perdre le pouvoir au profit d'un laquais de ceux que nous combattions hier", a assuré Patrick Chinamasa, ministre de la Justice et porte-parole de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir), cité dimanche par l'hebdomadaire d'Etat Sunday Mail. La Zanu-PF, mais aussi l'armée et la police, piliers du régime, sont déchirés par des luttes internes face à la ruine du pays, en plein marasme économique depuis huit ans, avec une hyper-inflation désormais à plus de 165.000% et une dégringolade de la production agricole. Dimanche, Mugabe a fait miroiter aux millions d'exilés des terres encore libres depuis la réforme agraire, lancée en 2000 dans la violence et qui s'est soldée par le départ de quelque 4.000 fermiers blancs expropriés. "Il reste de la terre, même pour les jeunes, pour ceux qui sont en Afrique du Sud désireux de rentrer au pays", a-t-il dit, en allusion aux attaques xénophobes dans le pays voisin.