Lecteur assidu du Temps, le Dr. Ridha Ben Jedidia, a réagi à certaines « réactions » suscitées par notre éditorial de mercredi dernier, intitulé : « Redeyef : tous concernés » Trois dimensions caractérisent ma relation avec la presse, une dimension affective, une dimension pragmatique, et une dimension rationnelle. C'est cette dernière qui fait du journal « Le Temps » ma lecture quotidienne et préférée. Dimension rationnelle, parce que, et tout simplement, les journalistes de mon quotidien respectent la législation sur la liberté de l'information. Il est certain qu'un climat de saine liberté de l'information exige au moins de bonnes lois, une utilisation hardie de ces lois par les journalistes, le soutien et la compréhension du public vis-à-vis de la philosophie sur laquelle repose cette législation. Je n'ai pas réagi à l'éditorial de M.Raouf Khalsi relatif aux événements douloureux de la région minière de Gafsa, primo, parce qu'il traduit en terme sincère le sentiment de tout un peuple, secundo parce qu'il prône la tolérance, la solidarité et condamne toute forme de violence. Contrairement à ce que pense le lecteur anonyme dans son pamphlet, la société civile n'est jamais restée sourde aux doléances des jeunes, surtout des jeunes de Redeyef. Et pour preuve le reportage paru il y a quelques semaines, couvrant loyalement et sans pruderie, les événements de Redeyef. La parole a même été donné à des jeunes diplômés souffrant du chômage.* N'oublions pas que Le Temps est un organe d'information de masse, qui s'adresse à un public large, et qu'il engage très profondément sa responsabilité lorsqu'il informe ce public. Etant profane en matière de journalisme, et évitant tout aspect affectif ou pragmatique, je considère que les journalistes rationnels informent le public, sans oublier une certaine forme de protection dans son intérêt. Et là, j'essaye d'éviter l'usage du mot censure, car des articles audacieux et des sujets épineux ont été abordés courageusement par l'équipe du journal « Le Temps ». Ce qui est un jeu, c'est le droit (et non le privilège) du public exercé par l'entremise des organes d'informations, à être tenu informé de ce qui se passe dans la société. Empêcher complètement la libre formation de l'opinion publique, et faire planer un silence pernicieux sur la société en faisant barrage au mécontentement, et en excluant la possibilité de son expression verbale, rendent plus probable un recours à la violence, ce que nous refusons comme l'explique avec beaucoup de raison et de sagesse M. Raouf Khalsi « la Tunisie est une et indivisible ». Ce pamphlet du lecteur anonyme attise encore plus la haine et la violence. La dimension affective l'a emporté sur toute considération rationnelle et civile. « Je n'écoute que ceux qui prouvent ou qui m'émeuvent, disait Jean Rostand, car il y a presque toujours dans l'opinion adverse, de quoi hausser la nôtre, sinon la modifier ».