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Des fillettes dressées à la mendicité
Phénomène d'époque
Publié dans Le Temps le 30 - 06 - 2008

Un matin de marché hebdomadaire, un jeudi 25 juin, un jeudi normalement comme les autres à Houmt-Souk, sauf que c'est la fin du mois, les mensualités ont été versées, on fait des emplettes avant l'arrivée massive des « juillettistes », émigrés ou autres.
Vers dix heures trente, passage obligé par Ahmed et son étal de pain, pour une parlote rapide à propos de tout, du foot d'abord, de Doménech, de Lemerre, des prix abusifs atteints par le poisson local, de la saison touristique attendue comme étant celle des records, des étonnantes déclarations de Sarkozy en Israël, le tout entrecoupé de salutations et de salamalecs polis, en toutes langues, aux clients pressés d'acheter le pain Ben Attia.
Juste à quelques mètres, était assise, à même la terre, une jeune femme, d'une vingtaine d'années au plus, robe noire plutôt élimée, un foulard, noir aussi, noué façon tchador très strict, la main tendue, la tête basse et les yeux mis clos, juste une fente pour voir ce qu'on lui met dans la main. Jusque là, rien d'étrange, si ce n'est l'âge et l'attitude plus que résignée de la mendiante.
Deux enfants approchent, deux petites filles, entre cinq et sept ans, ayant des rapports de parenté plus que certaine avec la femme en noir. Puis, sans qu'aucun mot ne soit prononcé, une claque violente atteignant l'une des fillettes à l'épaule, qui fait un saut de cabri vers l'arrière pour éviter de recevoir un autre coup au visage : elle avait juste tendu la main vers une bouteille d'eau que la femme avait derrière le dos. Et de suite, une interjection à peine audible, « laisse, fille de chienne !! », puis, « approche et reste là ». L'autre petite, des cheveux et yeux clairs, une peau cuivrée par les longs moments passés au soleil, pieds nus, crasseux, une petite robe vraiment décolorée, sa main gauche bien enfoncée dans son unique poche, n'a pas protesté, n'a même pas été surprise par la brutalité de l'action, n'a pas eu un mouvement de repli.
Nous étions quelques uns à être pétrifiés par la scène, et personne n'a osé intervenir. Deux autres petites arrivent de l'autre côté. Le même âge, le même look. Sans dire un mot, elles viennent s'asseoir, elles font presque cercle autour de la mendiante en noir. Elles sont là comme pour un rendez-vous.
Au moment où, l'un des présents allait leur dire qu'elles pouvaient se désaltérer au robinet d'eau juste à côté, deux adolescents, frères cela se voit, avec une étonnante ressemblance avec la femme en noir, arrivent, et avec une brutalité inouïe, publiquement, en plein milieu du marché de Houmt-Souk, attrape la petite aux cheveux châtains par un bras, la soulève de terre et dit : « Sors ce que tu as ! ». Déséquilibrée, vraiment terrorisée, la gamine qui serrait fortement la main dans la poche, lui tend le contenu. Quelques pièces argentées, dinars et cinq cent millimes, et de nombreuses pièces jaunâtres de toutes tailles. « C'est tout depuis ce matin ?? Viens par là !! ».
Au moment où il soulevait la petite comme un poulet égorgé, nous sommes quelques uns à crier ensemble et à courir vers le jeune futur proxénète. En entendant le mot « Police, vite », tout le petit groupe s'est envolé comme une couvée de jeunes moineaux, en tous sens. Plus personne en un clin d'œil.

Un système au point
Et les langues se délient, maintenant, alors que l'indifférence devant les faits était quasi générale. ....Il était pratiquement admis que des enfants, que des filles uniquement d'ailleurs, mendient, « pour aider les parents » ! Et chacun de dire, qu'effectivement, il avait vu ses derniers jours, des groupes de gamines de ce type, accompagnés d'une ou de deux dames, descendre de ce qu'on appelle des « transports urbains », ces camionnettes bâchées et aménagées pour transporter des gens se trouvant en dehors des trajets des bus. Ils n'avaient pas remarqué les jeunes « caïds » les encadrant. Parce que ce sont des graines de caïds, de futurs chefs de gangs, qui se permettent de battre ainsi, publiquement une gamine, qui mendie pour eux, et qui de toutes façons, « ne rapporte jamais assez ». La punir toujours, pour qu'elle soit docile, servile, esclave déjà, apprenant à n'avoir aucun droit, prête à « travailler » plus tard, autrement, « travailler » non pour elle, mais pour quelqu'un d'autre, qui viendra ainsi récupérer « l'argent gagné », et lui faire subir, à tout moment, une violence physique, des insultes, pour en faire « une chose », plus que malléable psychiquement, disponible pour obéir à tout moment, à exécuter tout ordre, sans aucune révolte possible, pour la dresser à n'avoir aucun droit. De jeunes « mecs », s'entraînant à devenir de futurs « macs », sur des enfants sans défenses, à leur disposition. Rien ne dit d'ailleurs que ces odieuses violences s'arrêtent là.....On ose à peine penser aux autres dérives possibles.
Petit attroupement et on continue à « révéler » : oui, il semble même qu'il y ait des « locations » à la journée. En clair, certaines familles campagnardes « louent » à des individus de ce type, un ou deux enfants pour la journée. On vient les chercher le matin, on les ramène le soir. Ils sont « nourris » (on a vu un échantillon), et la récolte de la mendicité journalière va dans la poche de ces mafias.
Subitement la surenchère, à ce propos, et chacun y va de son petit scoop. « Mon beau-frère habite rue de Hollande, à Tunis. Chaque matin, vers sept heures, des bandes de jeunes adolescents, filles et garçons, débarquent des métros, et se dirigent vers le centre ville. On les retrouve, par groupe de trois à quatre, devant le Théâtre Municipal, près de la Porte de France, ou sur le terre-plein Ibn Khaldoun. Ils mendient et harcèlent les passants. Ils sont très violents entre-eux ». Ainsi de suite, les exemples sont innombrables.
Quand on pense qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons fêté la Journée Internationale de l'Enfant Africain. Que de longues tartines ont été publiées sur les principes, les droits, la protection de l'enfant partout dans le monde, l'épanouissement, l'éducation, le social, le culturel, les associations, la nécessité de combattre la marginalisation, la mise en place de structures pour l'épanouissement, on a du mal à concevoir ce genre de scène, en plein marché d'Houmt-Souk.
« Et les touristes ? Que vont-ils penser de nous ?? », s'interroge un citoyen, de loin. Avant de se soucier de l'image que nous allons donner aux autres, il vaut mieux se préoccuper d'abord de la dignité de ces enfants, de ces toutes petites filles qu'on exploite de façon aussi éhontée.
Laisser ces mini maffias se mettre en place, occuper le terrain, au vu et au su de tous apparemment, par l'indifférence ou l'accoutumance, c'est leur préparer le terrain pour des opérations d'une autre envergure, plus tard. Que les services concernés, sociaux et autres, si vigilants pour tout ce qui concerne les dérives des mineurs, prennent rapidement en main cette situation pour mettre fin à ces honteuses scènes, indignes de ce que nous sommes.


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