Le Temps-Agences - Pendant des années, la communauté internationale a exhorté Belgrade à livrer les fugitifs au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), laissant entendre que cela relevait d'une décision purement politique. Pendant ce temps, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie continuait d'échapper aux soldats de l'OTAN et aux forces de sécurité serbes, malgré la promesse américaine d'une récompense de 5 millions de dollars (3,2 millions d'euros) pour sa capture. Entré dans la clandestinité en 1998, Karadzic aurait été vu travesti en religieux dans des monastères orthodoxes des montagnes de Bosnie orientale, en visite dans sa famille à Pale, son ancien fief, au chevet de sa mère dans les montagnes du Monténégro, ou même en compagnie d'amis dans un café du centre de la capitale bosniaque, Sarajevo. Psychiatre de formation, l'instigateur des pires exactions de la guerre de Bosnie menait une vie très publique, travaillant dans une clinique de médecine alternative, s'affichant sur un site Web (http://www.psy-help-energy.com) ou donnant des conférences sous le pseudonyme de "D.D. David". Un enregistrement d'une télévision locale le montre assis parmi d'autres experts participant à une conférence médicale, jetant un regard nerveux à la caméra en face de lui. Mais à en croire les autorités serbes et les témoins, personne ne soupçonnait "Dragan Dabic", vieil hippie à la longue barbe blanche et aux cheveux poivre et sel relevés en chignon, d'être l'un des criminels de guerre les plus recherchés du monde. "Il ne m'est jamais venu à l'esprit que cet homme à barbe blanche et cheveux longs était Karadzic. C'était un bon orateur, un peu étrange, comme un vrai Bohémien", a déclaré mardi Goran Kojic, rédacteur en chef d'une revue serbe de médecine douce à laquelle le fugitif collaborait régulièrement. Mais malgré les efforts de Belgrade pour accréditer la thèse de l'aboutissement d'une enquête des services secrets, et non d'un revirement politique, il est difficile de ne pas rapprocher l'arrestation de lundi (vendredi selon l'avocat de Karadzic) de la récente arrivée au pouvoir d'un gouvernement pro-occidental. Le chef de la diplomatie serbe ne s'est d'ailleurs pas privé de faire le lien avec l'adhésion à l'UE, conditionnée notamment à la capture des criminels de guerre, et les Vingt-Sept ont réagi dans le même sens. Au lendemain de l'arrestation du criminel de guerre Radovan Karadzic à Belgrade, le ministre des Affaires étrangères de la Serbie, Vuk Jeremic, "compte sur la France" pour obtenir d'ici la fin de sa présidence européenne, le statut de candidat officiel à l'Union européenne. "L'arrestation de Radovan Karadzic a montré qu'il n'existe pas la moindre ombre sur la volonté du gouvernement de coopérer avec le TPIY (Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie), l'une des conditions à notre entrée dans l'UE", déclare-t-il dans un entretien publié par "Le Monde" aujourd'hui. "Nous comptons sur la France pour nous soutenir et obtenir, durant sa présidence, c'est-à-dire avant la fin de l'année le statut de candidat officiel à l'UE", souligne le ministre du nouveau gouvernement pro-occidental de Boris Tadic. Pendant ses 13 ans de cavale, Radovan Karadzic a développé des talents de comédien et probablement bénéficié du soutien d'ultranationalistes serbes pour qui il demeure un héros de la lutte pour une Grande Serbie. Mais l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie était devenu un obstacle aux aspirations européennes du nouveau pouvoir à Belgrade.