Le Temps-Agences - Le plan de sauvetage du système financier de l'administration Bush a désormais franchi le barrage du Congrès mais pour que ce renflouement de 700 milliards de dollars ait une chance de produire des résultats, le plus important, aux yeux d'analystes, est l'arrêt de la chute des prix de l'immobilier. Un tel élément enverrait un signal clair indiquant aux banques que le pire est passé et qu'elles peuvent en toute sécurité recommencer à prêter de l'argent. L'immobilier, et par extension la disponibilité du crédit, est un composant crucial de l'économie américaine. Près d'un emploi sur huit aux Etats-Unis dépend de l'immobilier, des ouvriers du bâtiment aux employés de banque accordant les prêts en passant par des courtiers de Wall Street. Un renversement du marché immobilier relancerait la confiance dans l'économie et, comme l'espèrent des spécialistes, servirait d'aiguillon pour pousser les banques à octroyer de nouveaux prêts. Pour l'heure, des Américains comme Alicia Elliott s'adaptent à une nouvelle réalité: la vie sans crédit. La jeune femme de 21 ans, qui vit à Morgantown en Virginie-Occidentale, vient d'acheter un mobile-home, empruntant 4.000 dollars à des amis et à des membres de sa famille faute d'avoir pu obtenir un prêt bancaire. Fini le temps où elle était bombardée d'offres de cartes de crédit. Aujourd'hui, cette caissière dans un magasin ne peut même pas en disposer d'une. "On me les a refusées les unes après les autres". Trey Simmons, un coiffeur de 31 ans de Dallas, s'inquiète lui qu'un resserrement des conditions de prêt l'empêche d'acheter un logement l'an prochain. Quant à Morgan Cavanaugh, propriétaire du Moriarty's Pub à Cleveland, il se désespère de pouvoir vendre un autre bar qu'il possède, mais l'acquéreur potentiel peine à décrocher un crédit. Il a toutefois promis de déposer une nouvelle demande depuis l'adoption du plan Paulson, se réjouit Cavanaugh. Le crédit, par définition, "veut dire confiance et pour nombre de raisons, cette confiance a été endommagée", remarque Sung Won Sohn, professeur d'économie à l'Université de l'Etat de Californie. De son avis, la quasi-certitude d'une récession rend la perspective d'un prêt octroyé à des personnes comme Alicia Elliott trop risquée pour les milliers de petites et moyennes banques aux Etats-Unis. "Les banques savent que l'économie se dégrade, alors elles restent prudentes", dit-il. Le plan concocté par le secrétaire au Trésor Henry Paulson comprend un relèvement de 100.000 à 250.000 dollars du plafond de garantie par l'Etat des dépôts bancaires des particuliers, une mesure susceptible de pousser vers le haut les réserves bancaires et d'huiler un peu plus les rouages de la machine à crédit. Mais plusieurs obstacles pourraient se présenter. Pour commencer, même si le dispositif vise à racheter les actifs douteux, certaines banques pourraient amasser les liquidités qu'elles reçoivent en retour en attendant de voir comment le plan fonctionne. Si "tout le monde fait ça", il y a "un risque", prévient Vincent Reinhart, ancien directeur des affaires monétaires à la Réserve fédérale. Un tel phénomène créerait aussi un cercle vicieux: pas de confiance veut dire pas de crédit; des conditions de crédit plus strictes signifient que l'achat d'un logement devient plus difficile; plus l'achat ou la vente d'un bien immobilier se complique, plus les prix chutent; et dans cette dernière situation, le nombre des saisies augmente. Les prix de l'immobilier aux Etats-Unis -en baisse de 20% par rapport au pic de juillet 2006- doivent encore reculer, avant que la demande ne se redresse. Ce qui pourrait se produire dans un an, au minimum. Mais Jim Gillespie, directeur général de Coldwell Banker Real Estate, espère que des prix plus bas, conjugués à l'action des autorités, vont tirer vers le haut une demande stagnante. L'emploi est une autre grande préoccupation. Le taux de chômage aux Etats-Unis s'élève désormais à 6,1%, contre 4,7% il y a un an, touchant 9,5 millions de personnes. Selon certains économistes, le taux pourrait atteindre 7,5% d'ici fin 2009. De plus, l'économie américaine devrait se contracter au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009, ce qui correspondrait à la définition classique d'une récession: deux trimestres consécutifs de recul du PIB. Relancer l'emploi est donc également essentiel pour donner un coup de fouet à l'octroi de prêts, car, comme le note M. Reinhart, croissance des revenus rime avec consommation Au lendemain de l'adoption du "plan Paulson" de sauvetage du secteur bancaire américain, évalué à quelque 850 milliards de dollars, le président Bush a averti, dans son allocution radiodiffusée hebdomadaire samedi, qu'il ne produirait pas immédiatement les effets bénéfiques escomptés. Avec le renflouage massif des banques américaines, "la dette du gouvernement (américain) dépassera les 70% du PIB pour la première fois depuis les années 50", selon l'agence de notation Fitch.