Le Temps-Agences - Le contrôle du Hamas sur la Bande de Gaza est quasiment total. Depuis l'été, le mouvement de la Résistance islamique a réduit au silence ses derniers opposants, noyauté la fonction publique, tout en réussissant à maintenir à flot l'économie du territoire, malgré l'embargo international et les bouclages israéliens. Et la scission entre Gaza et la Cisjordanie, ces deux territoires censés constituer ensemble le futur Etat palestinien, semble de plus en plus irréversible. Elle est l'un des principaux obstacles aux efforts de paix, qui affaiblit le président de l'Autorité palestinienne, le modéré Mahmoud Abbas, dans les pourparlers. Israël, Abbas et la communauté internationale ne veulent pas d'un accord qui exclurait la Bande de Gaza, ses 362km2 et ses 1,4 million d'habitants. Et il semble peu probable qu'Israël renonce à contrôler la Cisjordanie tant que le Hamas tiendra Gaza. C'est en tout cas la conclusion de « l'International Crisis Group », groupe de réflexion indépendant, dans un rapport publié en septembre. Le Hamas doit revoir le Fatah au Caire pour envisager le partage du pouvoir et affirme aspirer à la réconciliation. Mais l'échec de cette nouvelle série de pourparlers inter-palestiniens pourrait relancer la guerre totale pour le pouvoir. Car il y a aussi la querelle autour de la présidence: le Hamas affirme que le mandat de M. Abbas s'achève le 8 janvier et se dit prêt à désigner comme successeur le vice-président du Parlement Ahmed Bahar. Abbas considère que son mandat peut être prolongé d'un an, en vertu d'un amendement jamais totalement ratifié. "A compter de janvier, personne n'est plus légitime", note l'analyste politique Ghassan Khatib. Et quand tout le monde est illégitime, l'avantage va à celui qui dispose de la force sur le terrain". Soit le Hamas, qui prit le pouvoir par les armes aux milliers de partisans du Fatah à Gaza en cinq jours de combats, en juin 2007. "Nous pensons que le Hamas poursuit son projet de couper Gaza de la Cisjordanie et de bâtir son propre régime. Nous pensons qu'ils sont en train de réussir", soupire l'ancien vice-Premier ministre (Fatah) Azzam Ahmed. Ce qui sert le Hamas, c'est que les choses vont mieux à Gaza: les rues sont plus propres et moins dangereuses qu'avant, les feux rouges ont été réparés, des rues pavées, un hôpital pour enfants ouvert. Prudent, le Hamas n'a pas cherché à imposer l'islamisation de la société à marche forcée. Si l'on conseille aux femmes journalistes de se voiler pour venir au Parlement, elles n'y sont pas obligées. Le règne du parti unique s'est renforcé avec la neutralisation cet été des derniers opposants au Hamas. En juillet, un attentat attribué au Fatah a fourni le prétexte pour fermer des dizaines de locaux du parti et associations pro-Fatah. Des centaines de militants ont été interpellés et le siège désormais vide du parti est gardé par des policiers Hamas. Enfin, le clan Hillès, allié du Fatah et un des derniers rivaux armés du Hamas, a été éradiqué en août, ses membres exilés ou arrêtés. Un vaste mouvement de grève, lancé par les syndicats de Cisjordanie, a fait long feu : le Hamas a limogé des milliers d'enseignants, remplacés par des jeunes diplômés de l'université qui lui sont désormais redevables et contraint la plupart des médecins grévistes à retourner travailler. Economiquement, le Hamas survit. Malgré le blocus et les sanctions internationales, « l'argent arrive toujours d'Iran ou donné par des musulmans dans le monde entier ». Le gouvernement Abbas verse encore les salaires de 70.000 fonctionnaires à Gaza, en échange de leur loyauté et de leur refus de travailler pour le Hamas. Une loyauté, ainsi que le dernier lien avec Gaza, qui disparaîtraient en cas d'arrêt de ces versements, lesquels par ailleurs financent l'économie gazaouie. Et donc confortent le Hamas... Ce dernier verse pour sa part environ 20.000 salaires, le Premier ministre Ismaïl Haniyeh évoquant un budget opérationnel mensuel de 20 millions de dollars. Le tout « financé par des entrées illégales de fonds, le blanchiment d'argent et les augmentations d'impôts ». Niveau sécurité, les Gazaouis respirent: depuis le cessez-le-feu de juin, les tirs de roquette et leurs représailles israéliennes ont cessé. En échange du calme revenu, Israël a allégé le blocus. En outre, le trafic incessant d'armes, de vivres et de médicaments, via des dizaines de tunnels de contrebande sous la frontière avec l'Egypte, rend aussi la vie plus supportable. Du coup, le prix du paquet de cigarettes Marlboro, qui atteignait 8,3 dollars l'année dernière, est par exemple redescendu à trois dollars. Mais « l'International Crisis Group » est très pessimiste, jugeant inexorable la tendance à la séparation inter-palestinienne. "A Gaza, les nouvelles réalités se consolident. La perspective de réconciliation, de réunification, et d'un processus de paix crédible semble plus lointaine et illusoire que jamais".