Les marchés, affolés, rechutent Le Temps-Agences - Un sommet mondial sur la crise réunira les pays du G20 le 15 novembre près de Washington, a annoncé hier la Maison Blanche, au moment où les marchés financiers, affolés par les menaces de récession, étaient en pleine chute. Ce premier sommet réunira les principaux pays riches et émergents (G-20). Il visera à "discuter des causes de la crise financière", "passer en revue les progrès faits" pour résoudre la crise et "développer des principes de réformes nécessaires pour faire en sorte que (la crise) ne se reproduise pas", a expliqué un haut responsable de l'administration américaine. Face à la pire crise depuis 1929, Européens et Américains étaient tombés d'accord samedi pour réunir une série de sommets internationaux peu après l'élection présidentielle américaine du 4 novembre, afin de réfléchir à une refonte du système financier international. Tandis que le Premier ministre britannique Gordon Brown admettait que l'économie britannique n'échapperait pas à une récession et que l'euro poursuivait sa chute, les divergences d'approche en Europe sur les remèdes à apporter à la crise ont éclaté au grand jour. L'Allemagne a ainsi sèchement renvoyé dans les cordes le président français Nicolas Sarkozy et sa proposition de créer des fonds souverains nationaux pour protéger l'industrie contre des prédateurs étrangers. Le ministre allemand de l'Economie Michael Glos y a opposé une fin de non recevoir dès mardi. Un communiqué officiel de la chancellerie est venu enfoncer le clou hier en affirmant que l'économie allemande est solide et "n'a pas besoin d'autres mesures de protection". En cette période de publication de résultats trimestriels des entreprises, la contagion de la crise financière à l'économie se confirme. Le géant pharmaceutique américain Merck, dont le bénéfice a baissé d'un tiers, a ainsi annoncé la suppression de 7.200 postes d'ici à 2011. Sous l'effet de ces annonces, la Bourse de New York, en baisse à l'ouverture, a accéléré ses pertes, le Dow Jones chutant de 3,5% et le Nasdaq de 2%, vers 16H00 HT. Déprimées, les Bourses européennes, qui campaient dans le rouge depuis l'ouverture, plongeaient encore plus: Paris perdait 4,5%, Francfort et Londres 4,5%. Madrid chutait même de plus de 8%. Les Bourses asiatiques avaient montré la voie, avec des chutes de 6,79% à Tokyo, 5,20% à Hong Kong et 3,20% à Shanghai. La Bourse de Sao Paulo, première place financière d'Amérique du sud, évoluait en forte baisse (-5,16%), peu après l'ouverture. Le marché des changes a ajouté aux perturbations des Bourses. L'euro, pénalisé par la récession qui gagne le Vieux continent, est passé sous 1,30 dollar, soit une perte de plus de 20% depuis son sommet historique de 1,60 dollar le 15 juillet. La livre britannique est, elle, tombée à un plus bas depuis plus de cinq ans face au billet vert. Ces mouvements marquent le retour en grâce du dollar, les cambistes tablant sur un deuxième plan de relance américain, alors qu'ils doutent de la capacité des dirigeants européens à trouver une riposte commune face à la récession. Les Européens ont en effet écarté toute idée de plan de relance généralisé. Pourtant, le mot "récession" n'est désormais plus tabou. "Après avoir pris des mesures pour le système bancaire, nous devons maintenant agir contre la récession financière mondiale", a réclamé hier Gordon Brown à la Chambre des communes. M. Brown a reconnu s'attendre à "une récession en Amérique, en France, en Italie, en Allemagne, au Japon, et, parce qu'aucun pays n'est immunisé, en Grande-Bretagne aussi". La Banque centrale canadienne a jugé que "l'économie du globe semble se diriger vers une légère récession, provoquée par une économie américaine elle-même déjà en récession". En Suisse, les économistes d'UBS ont estimé hier que l'économie européenne allait entrer "en récession quasiment au même moment que les Etats-Unis". En France, Nicolas Sarkozy présentera aujourd'hui ses "mesures de soutien à l'économie". Il devrait détailler le plan de soutien de 22 milliards d'euros dévoilé début octobre visant à prévenir les risques d'assèchement du crédit des entreprises. Sur un plan international, le branle-bas était général face à cette crise, en attendant le premier sommet du G20 prévu à la mi-novembre. A Pékin vendredi et samedi, 43 chefs d'Etat et de gouvernement d'Europe et d'Asie se retrouveront pour un sommet de l'Asem qui va mettre autour de la même table l'équivalent de 60% du PIB mondial. Nicolas Sarkozy, président en exercice de l'UE, veut profiter de l'occasion pour arrimer définitivement la Chine et l'Inde à son projet de "nouveau Bretton Woods", très mollement apprécié à Washington. Le président chinois Hu Jintao s'est de son côté entretenu au téléphone avec son homologue américain George W. Bush de la crise financière et des sommets mondiaux à venir. Le temps presse car les mauvaises nouvelles sur le front des entreprises continuaient à s'accumuler. Sur les 49 sociétés américaines qui ont fourni lundi et mardi des prévisions de résultats, 45% étaient négatives et seulement 3% positives, selon un recensement du site d'informations financières Briefing.com. Sur le marché de l'or noir, la tendance était toujours à la baisse hier, avec un baril retombé en dessous de 70 dollars à Londres et à New York. De quoi alimenter le débat parmi les membres de l'OPEP sur l'ampleur de la réduction de production qu'ils vont décider demain à Vienne.