Le Temps-Agences - Le procès des attentats de Madrid s'est ouvert hier sous haute surveillance, en présence de nombreux journalistes et proches des victimes de la pire attaque imputée au terrorisme islamique en Europe. Pendant plus de cinq mois, 29 personnes vont comparaître devant l'Audience nationale, qui verra défiler 98 experts et quelque 650 témoins. Le gouvernement a relevé le niveau d'alerte terroriste, du niveau 3 au niveau 2 à l'occasion de ce procès, retransmis en direct à la télévision ou sur Internet, qui se déroule dans une salle spéciale installée dans un complexe sous haute sécurité à la Casa de Campo, à la périphérie de la capitale. Police montée, chiens renifleurs d'explosifs assurent notamment la surveillance. Le verdict n'est attendu que vers la fin octobre. "J'espère que justice sera rendue et que la peine sera à la hauteur du pire attentat terroriste en Europe", a expliqué Pilar Manjon, la présidente de l'association des victimes du 11-Mars, qui a perdu son fils de 20 ans dans les attentats. Ce matin-là, 191 personnes ont péri et 1.824 ont été blessées dans les explosions quasi-simultanées de dix bombes à bord de quatre trains de banlieue bondés à l'heure de pointe. La télévision espagnole repassait en boucle hier les images des amas de ferraille et des cadavres alignés dans des sacs -le pire traumatisme qu'ait connu le pays depuis la Guerre civile. "Je vais les regarder droit dans les yeux", a expliqué Pilar Manjon avant de faire face aux accusés. "Ils ont détruit ma vie, mais ils ne me détruiront pas." Mais nombre des 18 accusés dans le box blindé ont évité le regard des proches des victimes, certains leur tournant même le dos. Onze autres comparaissent libres. Pilar Manjon dit s'être levée pour mieux les voir entrer, mais "ils ont baissé la tête". Premier accusé appelé à la barre, Mohammed l'Egyptien, ou Rabei Osman, un Egyptien arrêté en Italie en 2004 et considéré comme le cerveau des attentats, ne compte répondre à aucune question. "Je ne reconnais aucune accusation ou charge. Je ne vais répondre à aucune question, y compris celles de mon avocat", a-t-il calmement déclaré au président de la plus haute juridiction pénale espagnole. Rabei Osman se serait vanté, lors de conversations téléphoniques interceptées par les enquêteurs, d'être le cerveau des attentats de Madrid, même si ses défenseurs arguent qu'il n'existe aucune preuve concrète. Les sept principaux accusés sont passibles en théorie de 30 ans de prison pour chacun des 191 homicides et 18 ans pour chaque blessé. Mais dans le droit espagnol, la peine maximale qui puisse être purgée pour des faits de terrorisme est de 40 ans de réclusion. Seuls trois des 12 chefs présumés de la cellule sont jugés à Madrid. Sept se sont fait exploser dans leur cache de Leganes, dans la banlieue madrilène, pour échapper à la police, trois semaines après les attentats, et les autres sont en fuite. Parmi les principaux accusés figurent les Marocains Jamal Zougam et Abdelmajid Bouchar, accusés d'avoir placés certaines des bombes. Un Espagnol, Emilio Trashorras, un ancien mineur, est accusé d'avoir fourni la dynamite utilisée. Youssef Belhadj, arrêté en Belgique en février 2005, est accusé d'avoir choisi la date des attentats et donné les dernières instructions. Tous plaident non coupable. Le procès vient conclure la longue instruction du juge Juan Del Olmo qui a établi que les attentats avaient été perpétrés par une cellule islamiste locale voulant faire payer au gouvernement conservateur de l'époque son soutien à la guerre en Irak et sa présence militaire en Afghanistan. La cellule était inspirée par Al-Qaïda, mais n'entretenait pas de lien direct ni n'était financée par le réseau d'Oussama Ben Laden, selon les enquêteurs. Le gouvernement de José Maria Aznar, qui avait accusé les séparatistes basques de l'ETA, même après l'apparition de preuves du contraire, était tombé aux élections législatives du 14 mars. L'une des premières décisions du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez a été de retirer les troupes espagnoles d'Irak.