Lourdes charges pour l'hébergement et la restauration. Absence de visibilité dans les programmes. Politisation poussée des organisations estudiantines de tous bords. En plus des perspectives floues pour l'emploi. On ne peut qu'être fier de retrouver près de 35 % des jeunes dans la tranche d'âge 20 - 24 ans dans les couloirs de l'université. Ces 360.000 étudiants font la fierté de la Tunisie et constituent la pierre angulaire de l'œuvre du développement et de la croissance économique. Encore faut-il leur garantir les conditions objectives pour réussir dans leurs œuvres académiques et sociales. L'université étant partout dans le monde l'espace indiqué pour la formation de l'élite dans le savoir académique, la recherche scientifique et les œuvres sociales. Elle forme aussi bien les savants académiciens que les dirigeants politiques et les membres actifs de la société civile. Or, pour s'épanouir et parvenir à penser autrement la société, les étudiants ont besoin d'une mini société où ils appliquent leurs conceptions à une échelle microscopique et où ils s'entraînent à gérer. Faute de quoi, les spécialistes pensent que l'université reste en marge de la société et ne parvient pas à l'aider d'une manière dynamique à relever les défis du progrès. Qu'en est-il exactement pour la Tunisie et est-ce que les étudiants sont en train de penser autrement la société pour entrevoir une conception pour la société de demain ?
Les problèmes matériels Il ne faut pas être sociologue pour comprendre que les conditions matérielles influent sur le rendement de l'être social et les étudiants ne sont pas épargnés par cette logique. Leur rendement universitaire est donc une résultante de leur réussite à dépasser les problèmes matériels dans lesquels ils se débattent. Vue sous cet angle, la vie universitaire n'est pas de tout repos pour les étudiants. Déjà, les chiffres officiels ont annoncé à la veille de la rentrée qu'il y avait un déficit de 5.000 lits pour l'hébergement des étudiants dans les zones du Kef, de Béjà, de Kasserine et de Sidi Bouzid. Plusieurs laboratoires et bibliothèques n'étaient pas équipés. D'ailleurs, ce manque ne se limite pas aux nouveaux établissements supérieurs mais il est également vécu par les anciens notamment en matière d'enrichissement scientifique des bibliothèques. D'un autre côté, la restauration universitaire n'est pas appréciée par un bon nombre d'étudiants. D'ailleurs, et au-delà de la grandeur du chiffre avancé qui se chiffre par dizaines de millions de plats servis, les étudiants trouvent que cette restauration ne respecte pas les normes de qualité requise pour l'université : « On ne cesse de nous affirmer que le prix de revient d'un plateau dépasse les deux dinars, il serait mieux dans ce cas de nous servir un repas froid à base de fromage et d'œuf et vous allez voir les files d'étudiants qui vont se présenter. A moins que l'ONOU ne veuille pas satisfaire les vœux des étudiants pour une meilleure qualité de la restauration servie », affirme Slah, un doctorant en droit qui ajoute : « les étudiants n'ont aucune structure qui les défend pour améliorer les conditions matérielles difficiles dans lesquelles ils évoluent soit pour l'hébergement ou pour la restauration. Ce n'est pas parce qu'on paie 200 millimes pour un ticket de restaurant (ou dix dinars pour le foyer universitaire) que la qualité du produit servi ne doive pas respecter les normes. Il faut évaluer le produit par rapport à son coût réel de plus de deux dinars, paraît-il, ce qui constitue un prix normal dans les normes de la restauration tunisienne. De même pour le foyer dont les charges sont subventionnées par les deniers publics. » Des milliers d'étudiants vivent, paraît-il, annuellement des problèmes de logement en raison des excès pratiqués par les propriétaires immobiliers et les gérants des foyers universitaires privés. Ces problèmes ne peuvent qu'influer négativement sur leur formation.
Les problèmes de l'encadrement pédagogique Le nombre d'étudiants ne cesse de grimper et il a déjà dépassé les 350.000 dont près de 30.000 inscrits dans les différents troisièmes cycles pour l'obtention de Masters ou de doctorats. Ce nombre est, certes, impressionnant par sa grandeur. Mais l'encadrement accordé a diminué en qualité. Si le pourcentage d'enseignants de catégorie A était de près de 40 % du nombre total d'enseignants, il y a à peine une décennie, il n'est actuellement qu'à peine 20 %. Le nombre de postes créés n'a pas suivi le rythme de croissance du nombre d'étudiants et l'enseignement à l'université se trouve désormais légué aux mains des contractuels et des vacataires dont le nombre avoisine les 50 % des enseignants. Il existe même des universités où il y a moins de trois professeurs universitaires. Une telle situation ne peut qu'influer négativement sur la qualité de l'enseignement supérieur prodigué. Les 30.000 thésards actuellement dans les couloirs de l'université, tout comme le reste des 360.000 étudiants ont besoin d'un encadrement adéquat pour pouvoir élever l'université tunisienne aux standings internationaux. Et ce ne sont sûrement pas des contractuels sceptiques sur l'avenir de leurs contrats ou des vacataires de passage à l'université qui sont en mesure d'assurer convenablement cette tâche.
Politisation poussée Les problèmes à l'université ne manquent pas et une structure représentant les étudiants serait sûrement la bienvenue pour canaliser l'apport des étudiants dans la résolution de leurs problèmes comme dans toute université qui se respecte dans le monde. Cette organisation aura un rôle à jouer dans le côté matériel, pédagogique, social et politique de la vie des étudiants. Mais, l'Union Générale des Etudiants de Tunisie « UGET » n'est pas parvenue à assumer ce rôle. Son action s'est limitée à une sphère réduite d'étudiants qui se disputent la direction de cette organisation syndicale. L'UGET ne se signale au bon souvenir des étudiants que lors des élections de leurs représentants dans les conseils scientifiques. Elle est également présente dans quelques évènements politiques. Sami, un étudiant en sciences politiques pense : « Cette contribution très limitée dans la vie universitaire laisse les mains libres à l'administration pour agir comme bon lui semble dans les programmes se rapportant à la vie universitaire. Les étudiants sont les oubliés des programmes universitaires » Une telle situation ne permet, semble-t-il, pas aux étudiants de penser autrement l'université et de remplir leur rôle comme il se doit vers le progrès académique et social.