Isie, Kamel Letaief, Ghazi Chaouachi et Ridha Belhaj… Les 5 infos de la journée    Tunisie – Cinq ans de prison pour un ex-magistrat révoqué    Série de mesures pour assurer le retour des Tunisiens à l'étranger    Tunisie – Sfax : 19 cadavres de migrants naufragés repêchés en une journée    Anne Gueguen sur la guerre à Gaza : la France œuvre pour une solution à deux Etats !    Ministre de l'économie et de la planification : « Le Gouvernement Tunisien est déterminé à soutenir l'industrie aéronautique »    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur ces régions !    Présidentielle : l'ISIE officialise les conditions, beaucoup de candidats vont tomber de très haut    Bénin : Le président Talon tient ses promesses, S&P relève la notation de crédit au même niveau que la 1e économie d'Afrique    Tunisie: Désormais, 24 mosquées arborent le nom de G-a-z-a en signe de solidarité avec la cause palestinienne    La Tunisie et l'Italie renforcent leurs liens militaires    La CNRPS approuve plus de 12 000 demandes de prêts    Le passage frontalier de Dehiba-Wazen débordé par les visiteurs libyens    Festival International de Théâtre au Sahara : 4ème édition du 01 au 05 mai 2024 à kébili    match Al Ahly vs MS Bousalem : live de la finale du Championnat d'Afrique des clubs    La BH Leasing affiche une performance solide en 2023 avec une hausse du résultat à 3,2 MD    France-Israël : la Police convoque Mathilde Panot, Mélenchon bientôt réduit au silence?    BNA Bank réalise un PNB en hausse de plus de 7% fin mars 2024    Marché de Béja: La viande de mouton commercialisée à 45 DT/Kg [Vidéo+Photos]    La prolifération prématurée des moustiques exacerbée par les changements climatiques    Maghreb : 36 ans après, les dirigeants n'ont toujours rien compris    Le développement annuel des institutions touristiques est en progression    Vient de paraître - L'économie tunisienne à l'épreuve de la démocratie: Acteurs, Institutions et Politiques, des professeurs Abderrazak Zouari et Hamadi Fehri    Msaken: La première société communautaire voit le jour    Observatoire National du Sport – 9e congrès international : Les activités sportives entre la recherche scientifique et la réalité du terrain    La CIN et le passeport biométrique attendus à partir du premier semestre de 2025    Initiative « CFYE» en Tunisie : Création de 10.000 emplois décents et stables    ISIE : Pour la crédibilité et la transparence des élections    Les Indiscretions d'Elyssa    Nouvelle parution – «Al awj al facih» de Kamel Hilali, Sud Editions : Révélations et absences...    Séance de travail avec des experts chinois sur la rénovation du Stade d'El Menzah    Le CA écarte l'USBG et prend le grand huit : Au bout de l'effort    Abdelkader Nasri : pas de prélèvements inexpliqués au niveau des pensions de retraite    Un pôle d'équilibre nécessaire    Ons Jabeur coachée par Verdasco à Madrid : Dur, dur, mais...    Non, le patron de Pfizer n'a pas été arrêté    Dans un périple exploratoire et promotionnel pour les Chefs de Missions Diplomatiques accrédités en Tunisie : Les diplomates et leurs épouses découvrent le potentiel historique, civilisationnel, écologique et économique du Nord-Ouest tunisien    Chute de mur à Kairouan : Le tribunal rend son jugement    Royaume-Uni : Un projet de loi controversé pour l'expulsion de migrants vers le Rwanda adopté par le Parlement    Hommage à Bayrem Ettounsi dans le cadre de la Foire Internationale du livre de Tunis 2024    La galerie A.Gorgi propose une nouvelle exposition collective intitulée "Moving Figures"    Top 5 des pays arabes producteurs de riz en 2023/2024    Olivier Poivre d'Arvor présente à Al Kitab son dernier ouvrage « Deux étés par an »    Le fondateur de Tunisie Booking, Khaled Rojbi décédé    Top10 des pays africains par nombre de millionnaires en 2024    Béja: 1200 participants au semi-marathon "Vaga Run" [Photos+Vidéo]    Ali Zeramdini : la menace terroriste doit être au centre du sommet entre la Tunisie, la Libye et l'Algérie    Au Palais d'Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd : La romancière Kénizé Mourad raconte les souffrances d'un peuple spolié de ses droits    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lente descente aux enfers
Tabagisme, alcoolisme et passion du jeu
Publié dans Le Temps le 07 - 11 - 2008

Des Tunisiens qui fument jusqu'à trois paquets de cigarettes par jour, ça existe bien sûr, et les premiers concernés sont parfaitement conscients des effets désastreux de cette habitude sur leur santé et leur budget. Les mordus de l'alcool qui, quotidiennement, consomment plusieurs litres de vin ou / et de bière,
on en voit partout en Tunisie sans que cela n'ait l'air de déranger personne. Des millions d'autres sont férus de jeu et consacrent un argent fou à la satisfaction de ce vice, qui n'est plus de nos jours l'apanage du sexe fort. Ni les leçons de morale données ici et là, ni les campagnes sanitaires menées par les autorités compétentes, ni même les tragédies vécues au sein des familles à cause de la cigarette, de l'alcool ou de l'amour maladif des paris ne semblent inciter les victimes de ces fléaux à plus de lucidité et de sagesse dans leurs comportements.
Le plus grave dans tout cela, c'est quand les trois vices sont cumulés par une seule personne, et les exemples ne manquent pas qui prouvent combien ces mauvaises habitudes sont étroitement liées chez ceux qui en font des principes de vie.
Nous avons fait le tour de certains cafés et bars du pays pour aller à la rencontre de ces individus pour qui le tabac, l'alcool et le jeu ont peut-être plus de valeur que l'air qu'ils respirent. L'objectif de la « tournée » est loin d'être moral ; nous n'avons pas non plus l'intention de rappeler à cette population des préceptes religieux autour des maux dont elle est atteinte. Nous aimerions tout simplement tendre aux triples victimes de la dépendance un miroir qui reproduit quelques unes des attitudes ridicules et honteuses dont ils ne se rendent sans doute pas compte lorsque les « trois démons » s'emparent entièrement de leur être. Avec aussi l'espoir que cela serve à quelque chose auprès des personnes tentées par la trilogie fatale.

La « secte » des parieurs
Il était 10 heures quand, mercredi dernier, nous nous sommes rendus dans un premier café connu par tous les Tunisois en raison du genre de clients, essentiellement des turfistes incorrigibles, qu'il accueille du matin au soir. Jamais en 40 ans de fréquentation des cafés, nous n'avons vu autant de monde lire le journal du jour et qui plus est, avec cette attention et cette fébrilité dignes des grands prix Nobel en pleine expérimentation des résultats de leurs recherches au laboratoire ! Plus étonnant encore : c'est le même titre, un quotidien parisien spécialisé dans les nouvelles du turf, que nos « chercheurs » déchiffrent de la première à la dernière ligne ; non sans marquer de temps en temps une pause de deux ou de trois minutes pour griller une cigarette et avoir un brin de causette avec le « lecteur » d'à côté sur les chevaux les plus cotés, les pronostics donnés, les résultats habituels de telle ou de telle écurie. Les commentaires ne sont interrompus que pour jeter un nouveau coup d'œil sur le journal afin d'évaluer les chances de ses favoris dans la course du simple gagnant, du double placé, du trio ou du quatrio. Ils sont nombreux également à consulter les pronostics proposés par un bulletin local consacré aux programmes des courses en Tunisie ou en France. On lit alors sur leurs visages crispés les stigmates d'un « déchirement » tragique entre les paris du journal parisien et ceux du bulletin national. Des doigts tremblants tentent avec le crayon ou au stylo de retenir des noms, des rapports, des numéros. Quelquefois on copie sur le voisin et l'on s'empresse de corriger sur ses journaux des choix erronés.
Les serveurs du café ont aussi leur mot à dire ; ils conseillent des combinaisons, informent sur les numéros partants, apportent des précisions sur la santé des chevaux, sur leurs chances et sur l'heure de chaque départ dans les différents hippodromes français. Quand le guichet de vente des tickets (situé à l'intérieur même du local) ouvre, il est aussitôt pris d'assaut. Les parieurs ont ceci de particulier qu'ils ne se bousculent pas pour prendre leurs petits billets. Ils se rangent généralement en file indienne comme pour payer la facture d'électricité, tenant d'une main la somme à parier et de l'autre le journal et affichant toujours une mine angoissée. On hésite parfois sur l'enjeu à miser ou sur le cheval à jouer, alors on quitte la rangée pour se fixer sur les choix définitifs ; on compte et recompte ses sous et l'on spécule seul sur les diverses probabilités. Les lèvres de chacun murmurent ses tergiversations, les mains et les pieds ne s'arrêtent jamais de bouger et la cigarette enfume chaque seconde un peu plus les lieux. Des amitiés se nouent au gré des échanges sur les courses entre des hommes qui n'ont absolument rien de commun; c'est ainsi que l'élégant fonctionnaire qui a fui son bureau se trouve engagé dans une conversation des plus enflammées avec le plus crasseux des soûlards ; le plus fin des artistes côtoie des taulards à la gueule patibulaire ; les quinquagénaires édentés, échevelés et parfois écervelés deviennent en un clin d'œil les amis intimes des plus jeunes parieurs. Quand votre pied foule ce genre de café, cela est synonyme d'adhésion spontanée à la communauté, à l'étrange secte des turfistes. C'est ce que nous avons nous-mêmes ressenti puisque deux minutes ne se sont pas encore écoulées qu'un premier puis un deuxième client nous adressèrent la parole pour demander notre avis sur les résultats de la veille !

« Tous les jours comme ça !»
Vers midi trente, nous nous sommes rendus dans un autre café de turfistes ; à cette heure-là, les dés étaient jetés. On attendait le début des courses devant une petite télé juchée sur son support presque au niveau du toit. La fumée nous accueillait sans surprise dès l'entrée du local. Il n'y avait pas encore beaucoup de monde mais chacun avait sa cigarette ou le filtre de la chicha à ses lèvres. Il y avait plus de boucan et c'était compréhensible : les parieurs s'impatientaient ; brûlaient de savoir s'ils seraient parmi les heureux gagnants, les chaises ne tenaient pas en place sous leurs fesses atteintes subitement de bougeotte. On discute plus fébrilement et plus bruyamment des chances de chaque poulain ; on crie après un client qui cache l'écran de la télé ; on s'échange les mauvaises plaisanteries, les sobriquets pour faire croire à sa décontraction. Mais la nervosité se lisait dans le moindre geste et dans la moindre intonation. Vers une heure trente, l'excitation était à son comble et le café était noir de monde. Tout le monde se tenait debout sans que les cigarettes ou les bouts des narguilés ne quittent un seul instant les lèvres des parieurs. Un monsieur coiffé en queue de cheval (une coupe à l'avenant pour un amateur du Tiercé!) s'irrite et pousse les autres clients qui lui marchent sur les pieds ; le garçon du café distribue à sa gauche et à sa droite des coups de coude et des taquineries plus ou moins méchantes. Les cous de presque tous les clients s'allongent de quelques centimètres pour ne pas manquer la course qui, quelques secondes après, va tenir terriblement en haleine toute cette foule.
L'instant fatidique arriva et le départ tant attendu fut donné : il fallait voir la tête que faisait chacun durant la course pour comprendre à quel point ce public était obnubilé par sa passion. Tous les yeux s'arrondissaient et quittaient un peu plus leurs orbites ; les bouches se faisaient plus béantes et les traits plus stressés ; et l'on n'arrêtait pas de remuer le postérieur, ni de trépigner des pieds. Des commentaires et des cris partagés entre l'expression anticipée de l'espoir et celle de la déception se font entendre parmi les spectateurs rivés au petit écran.
A 13 heures 40, la messe était dite et, paraît-il, personne n'avait gagné ! Car on maugréait de toutes parts ; on maudissait le 10 qui devait figurer parmi les partants mais fut rentré à l'écurie juste avant le départ ; on montre avec frustration au voisin comment on a raté de peu le gros lot ; on déchire le ticket et l'on sort ronger son frein sur le trottoir d'en face ; on allume une énième cigarette. Un groupe de parieurs plus aguerris aux déboires du jeu décident de noyer leur peine autour d'une table garnie de boissons alcoolisées. Dans le bistrot qu'ils choisirent d'autres joueurs les ont précédés et avaient déjà commandé leur tournée de bière. « C'est tous les jours comme ça », nous confia le serveur du bar. Pari le matin, beuverie à partir de 15 heures et cigarettes toute la journée ! « Il arrive que l'un d'eux gagne au jeu mais jamais il ne tire réellement profit de cet argent ! Et puis les pronostics sur les courses en France sont pour de bon difficiles.». Notre interlocuteur était lui-même joueur, tout comme les garçons des deux cafés visités, lesquels jouent également au Promosport avec toujours l'espoir d'être un jour l'élu de Dame Fortune !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.