Quitter le pays natal pour réaliser le rêve ailleurs dans l'Eldorado n'est pas le souhait des jeunes hommes seulement. Egalement, les filles sont tentées par cette expérience. C'est dans les pays du Golfe, (Dubaï, Koweït, Qatar, Arabie Saoudite...) qu'elles préfèrent accomplir une carrière professionnelle ou plutôt et essentiellement gagner une belle somme d'argent. Travaillant dans des domaines de libre pratique ou dans l'étatique, des cadres supérieures, des esthéticiennes, des modélistes, des coiffeuses...elles n'hésitent pas à franchir les barrières et à vivre cette expérience. Mais dans quelles conditions ? Réussissent-elles vraiment à s'intégrer dans cette société ? Si quelques-unes parviennent à le réaliser d'autres non. L'expérience pour ces filles ne dépasse pas trois ou six mois au maximum. Elles échappent à la solitude, l'exploitation et surtout elles regagnent la terre natale pour ne pas perdre les chances de réintégration dans la vie professionnelle et sociale. Nous ne disposons pas en Tunisie de statistiques ou de données approfondies sur l'émigration féminine et les pays qui enregistrent plus d'affluence de la part de cette frange de la société. Ce phénomène n'a pas été suffisamment étudié, en revanche il est de plus en plus présent et gagne du terrain. Un bon nombre des jeunes filles ayant la trentaine, moins ou plus préfèrent de plier bagage et partir dans l'un des pays du Golfe, ou en Europe avec un seul espoir, bâtir un avenir meilleur et se construire une carrière professionnelle. Une fois le contrat décroché dans l'une des boîtes et après un travail de longue haleine, les filles ne lésinent pas sur les moyens pour partir le plus tôt possible. Si quelques-unes sont averties et ne laissent rien au hasard, d'autres prennent le risque pour découvrir de près cette expérience qui les a longtemps charmé. Se basant sur le principe « celui qui ne risque rien n'a rien », ces dernières s'arrangent par tous les moyens pour partir à l'étranger.
Conditions difficiles Mais une fois arrivées, bonjour les difficultés. Un salaire rudimentaire, notamment dans les domaines de l'esthétique, du modélisme, de la coiffure...La rémunération ne dépasse pas très souvent les 450 dollars pour ce genre de métiers. Quant aux promesses d'augmentation de la paye, ils s'envolent après un à deux mois d'exercice. Pour ce qui est du logement, il consiste dans un petit appartement partagé avec quatre ou cinq filles de différentes nationalités (asiatiques essentiellement). De coutume, le patron assure les provisions et même les habits des jeunes employées afin de les faire gagner des sous ou plutôt les faire taire pour ne pas exiger des augmentations de salaire. Ce phénomène est en essor, il contribue certes au développement aussi bien des pays d'accueil que ceux exportateurs de ces forces de travail. Les sommes de devises transférées dans les caisses nationales, anodines qu'elles soient, contribuent dans le développement de l'économie nationale et essentiellement la prospérité des familles. Ce point est positif toutefois, c'est une arme à double tranchant. Il importe de ne pas négliger l'aspect exploitation des compétences humaines, les conditions de travail, les heures par rapport à la rémunération. D'ailleurs des études au niveau international ont été réalisées et ont démontré que le phénomène de l'émigration des femmes est de plus en plus présent dans différentes régions. Les spécialistes parlent même de la féminisation de la migration au sens plus large. Ces dernières émigrent davantage seules, elles sont par conséquent confrontées à des difficultés énormes notamment, la violence et le travail dans des conditions défavorables...Il s'agit des données confirmées par le FNUAP et l'OIM depuis déjà deux ans. Egalement, ces organisations ont démontré que de plus en plus de femmes instruites quittent leurs pays. On parle même de la « fuite des compétences ». Cependant en faisant une lecture comparative par rapport aux hommes, ces derniers ont des chances meilleures à décrocher des postes d'emploi mieux que les femmes qui réussissent tout de même à être autonomes. Autre fait confirmé est que même qualifiées, les migrantes sont beaucoup plus vulnérables. Elles travaillent plus d'heures que les hommes et subissent une double discrimination, en tant que femmes d'une part et migrantes d'autres part. Travailler donc hors du territoire national relève des tâches les plus difficiles pour la gent féminine qui subit plusieurs formes d'exploitation outre l'effort à déployer pour s'adapter avec le nouveau mode de vie et l'intégration sociale. Quelques-unes relèvent le défi, d'autres ne réussissent et regagnent le pays natal. Sana FARHAT ------------------------- Témoignages Histoire d'« O » Préférant garder l'anonymat, « O » âgée de 28 ans vient tout juste de rentrer de Dubaï après un séjour de six mois qui restera certes gravé dans sa mémoire. Fatiguée, à bout de force, la jeune fille ne cache pas son mécontentement de l'expérience qu'elle vient de vivre. Le rêve qu'elle croyait réaliser n'est qu'un mensonge. En fait, elle a réussi à avoir un contrat de travail dans un atelier de couture suite à l'intermédiation d'une agence implantée dans l'un des quartiers chics de la capitale et qui exerce de manière illégale, étant donnée que la loi tunisienne interdit strictement ce genre d'activité. Les contrats de travail à l'étranger sont gérés par l'ATCT. Après avoir payé une belle somme d'argent, « O » a pu avoir cette offre, mais il faut dire que c'est après deux ans d'attente. « J'ai même payé le billet d'avion, rien que pour multiplier la chance à travailler dans cette Emirat », d'après elle. Et d'enchaîner, « j'ai accepté un salaire de 450 dollars, mon seul espoir était de bénéficier d'augmentation au fil du temps ». Mais les promesses présentées auparavant se sont envolées. Elle s'est retrouvée dans une impasse étant donné que même les conditions de séjour n'étaient pas confortables. Elle partageait un appartement avec deux autres filles (une Tunisienne et une Vietnamienne). Après six mois de travail sans progression, « O » s'est rendu compte que rien ne va changer, au contraire, la jeune est à bout de nerfs, stressée. L'avenir ne s'annonçait pas florissant, elle a donc plié bagage et regagné son pays, il y a tout juste une semaine. « C'était quand même une expérience qui m'a permis d'avoir une idée sur les conditions de travail dans ce pays et les promesses mensongères », conclut-elle, le sourire au visage.