On reproche souvent aux enfants et aux jeunes de ne pas respecter la nature, de saccager arbres et plantes dans les villes, d'être les nouveaux Vandales des Temps modernes. En fait, il faut nuancer les choses et faire endosser une partie de la responsabilité aux adultes. Ce n'est pas un écolier qui, tous les soirs en quittant le bar, arrose de jets d'urine au moins deux arbres parmi ceux qui bordent sa route vers la maison. Ce n'est pas non plus un enfant de dix ans qui a décidé de raser le jardin de sa villa pour construire à la place deux ou trois studios destinés à la location. Les adolescents ne sont pas responsables de l'incurie criminelle qui prévaut dans certains jardins privés ou dans quelques parcs municipaux. Ce n'est pas la faute aux lycéens si dans leur établissement, on laisse périr de belles plantes en omettant sous divers prétextes d'en prendre soin. Pour que les enfants aiment et entretiennent les arbres, il faut que les adultes donnent l'exemple dans ce domaine. Des traditions existent qui nous montrent combien nos grands- pères étaient attachés à la nature et plus particulièrement aux arbres. Les personnes âgées qui vivent encore témoignent au quotidien leur grande passion pour le jardinage et l'entretien des plantes et des fleurs.
La leçon des ancêtres Les amoureux de la nature sélectionnent des noms d'arbres, de fleurs et de fruits pour baptiser les nouveaux-nés : on les prénomme Warda, Folla,Yasmine, Naouar, Olivier et Clémentine. Ils appellent aussi leur maison d'un nom de plante : villa des roses, des lilas, des marguerites etc. Ils se lèvent tôt été comme hiver pour cueillir des fleurs ou des fruits du jardin, ramasser des feuilles mortes ou des brindilles qui n'ont pas résisté à quelque coup de vent, émonder un rosier, un bougainvillier, un citronnier ou un olivier, passer de la chaux sur le tronc du noyer ou du cognassier pour les préserver de l'action nuisible de certains parasites, arracher des herbes sauvages qui ont poussé au milieu du verger ou devant la maison. Bref, déclarer chaque jour son amour aux belles choses naturelles, caresser très tendrement des feuilles fraîches, ranimer une branche souffrante et murmurer des chants doux aux fleurs odorantes. L'affection, la délicatesse, la finesse ne sont pas de vains mots quand on est épris de couleurs et de senteurs naturelles. On doit traiter avec l'arbre comme avec sa bien-aimée ou comme avec son enfant chéri ou encore comme avec l'ami de toujours. Tôt ou tard, il vous le rendra bien. C'est cette relation sensuelle et affectueuse qu'il s'agit de transmettre aux jeunes générations. Les adultes ont le devoir d'apprendre l'amour de l'arbre, des fleurs et de toutes les belles choses à leur progéniture. Au sein de la famille, à l'école ou dans la rue, la passion écologique doit être contagieuse. Ce n'est pas à coup de spots culpabilisants qu'on réconciliera les enfants et les adolescents avec leur milieu naturel ! Encore faut-il que les adultes aient le sens esthétique et l'amour de l'environnement dont ils déplorent l'absence chez les jeunes.
Discours et campagnes saisonniers ne suffisent pas ! Lorsqu'on a une grande responsabilité au sein d'une institution chargée de la propreté et de la beauté d'une localité ou d'une grande ville, on n'a pas le droit de s'endormir sur ses lauriers après avoir planté quelques pousses à l'occasion de la fête de l'arbre ou après avoir orné les jardins locaux de quelques banderoles colorées pour accueillir un haut responsable national. Se retrancher derrière la sempiternelle excuse du budget insuffisant c'est tout simplement reconnaître son échec et décevoir les attentes de ses électeurs. Aujourd'hui, on se rend à l'évidence partout dans le monde que sans l'arbre, les hommes n'ont aucune chance de survivre ! Cette prise de conscience doit être suivie de mesures concrètes pour protéger les parcs et les forêts contre la menace de déboisement qui pèse sur notre pays comme sur bien d'autres dans le Tiers- monde. L'avancée des sables dans le Sud tunisien est un vrai danger pour les plantations et les oasis de la région ; mais le phénomène ne touche pas que la Tunisie. Pour freiner ou du moins ralentir cette érosion, les capitaux et les moyens techniques manquent mais pas les bonnes volontés. Il faudra penser aussi à planter beaucoup, beaucoup d'arbres des deux côtés de nos petites et grandes rivières. Les berges de celles-ci se sont transformées à plusieurs endroits du pays en dépotoirs presque autorisés, puisque aucune interdiction n'est explicitement formulée ou du moins n'est nettement visible pour rappeler aux riverains que leur comportement est délictuel. La surveillance des lieux n'est pas toujours assurée et les autorités locales laissent faire sans broncher. D'autre part, le paysage des rivières ou des canaux qui traversent des zones urbaines est souvent nu et ne donne lieu à aucun arbre aux environs. Du côté de Tébourba, le canal qui longe les quartiers pauvres de la ville accueille les visiteurs avec sa laideur et ses puanteurs qu'on aurait pu au moins dissimuler derrière des rangées d'arbres plus hospitaliers et plus parfumés. Quand on voit comment les Européens entretiennent les berges des cours d'eau, on ne peut que verser des larmes sur le sort réservé aux innombrables oueds qui irriguent notre pays.
Connais d'abord ton pays ! Il existe néanmoins de très belles forêts chez nous, et nos enfants doivent s'inspirer de leur splendeur pour acquérir ou renforcer le réflexe protecteur de l'arbre et de la nature d'une manière générale. Nous devons leur faire découvrir ces joyaux disséminés sur tout le sol tunisien : les excursions vers ces petits paradis doivent se multiplier et ne pas coûter trop cher aux parents. Ne pas connaître les magnifiques forêts d'Ain-draham et de Tabarka, continuer à ignorer les bois splendides sur la route du Kef, les beaux sites forestiers qui entourent Maktar, Sejnane, Testour, Hammam-Lif, Mornag, Grombalia, Zaghouan, Chebika, Thala, Kasserine ; ne pas savoir qu'à Gabès et à Kettana, des vergers et des oasis d'une rarissime fraîcheur et d'une singulière pureté font le charme de cette entrée du Sud tunisien, se montrer inattentifs à toutes ces richesses du pays devrait faire honte d'abord aux adultes qui eux-mêmes sont parfois incultes en matière de géographie de la Tunisie !