Il y a des médecins dans toutes les spécialités (nous ne généralisons pas) qui sont capables de certifier par écrit à quiconque le demande que son état de santé nécessite telle durée de repos « sauf complications ». Dans certaines villes et localités du pays, toute la population ou presque sait parfaitement où aller pour obtenir sans peine ce type d'attestations. Dès qu'un élève veut se faire pardonner pour une absence injustifiée, il lui suffit de réunir 3 ou 5 dinars, parfois un peu plus, et de frapper à la porte des médecins en mal de patients pour rentrer avec le document voulu. Leurs parents eux-mêmes recourent à la même pratique frauduleuse pour qu'ils réintègrent la classe le plus vite possible. Les fonctionnaires sont aussi des inconditionnels de cette démarche : lorsque les congés et les « grands ponts » leur manquent, ils se dirigent aussitôt vers le cabinet médical le plus complaisant et le moins cher. Sans même prendre la peine de les ausculter, le docteur écrira les yeux fermés sur son petit bout de papier les formules de routine que tout le monde a maintenant apprises par cœur. Pour un peu, il donnerait au faux malade le certificat vierge qui porte son cachet pour que ce dernier le remplisse lui-même ! Il arrive que ces attestations mensongères soient délivrées en dehors du cabinet, au café par exemple, monsieur le médecin prévenant en porte en effet quelques unes sur lui pour parer à des demandes inopinées et urgentes ! Du côté des établissements hospitaliers publics, on ne rechigne pas non plus à rendre de tels services interdits. D'autre part et pour épargner à un proche, à un ami ou à un voisin le prix d'un médicament acheté en pharmacie, des infirmiers et des infirmières « charitables » le lui rapportent le même jour du service où ils travaillent sur présentation d'une fausse ordonnance rédigée en leur nom.
Nègres ! Certains enseignants du Supérieur remettent à leurs étudiants désireux de poursuivre leurs études à l'étranger, des attestations qui témoignent de leurs «excellentes » aptitudes, alors que parfois les postulants ne sont même pas médiocres ! Le texte écrit par le professeur se fait le plus souvent exagérément élogieux, à tel point qu'il en perd presque instantanément sa crédibilité auprès de son auteur et de son destinataire à la fois. Tout récemment l'un de ces universitaires crut bien faire en en délivrant un à l'une de ses anciennes étudiantes qu'il savait intelligente et studieuse. Au bout d'un mois, il reçut de l'université française où l'attestation fut déposée, une lettre de reproche quasiment humiliante dans laquelle on lui révélait, preuves à l'appui, que la candidate du sérieux de laquelle il se portait garant n'était qu'une plagiaire sans scrupules. Bien fait, diriez-vous, même si la bonne foi de l'enseignant ne peut être mise en doute dans le cas présent ! On raconte par ailleurs qu'il existe dans tous les pays européens, des « nègres » disposés à vous rédiger, contre une somme rondelette, n'importe quel mémoire et n'importe quelle thèse sur tous les sujets et auteurs possibles. L'hypothèse que des étudiants et chercheurs tunisiens aient eu recours à leurs services n'est pas à exclure : il faut voir en effet combien le décalage est énorme entre le très haut niveau de l'ouvrage et la nullité du faussaire à qui il est destiné et qui compte le présenter comme le sien propre !
« Docteur ès » Les concours et examens professionnels truqués sont de plus en plus nombreux : des jurys trop indulgents font réussir tous les candidats et leur attribuent à tous également les meilleures mentions. Futurs coiffeurs, réparateurs, soudeurs, électriciens ouvrent même leurs commerces avant la proclamation des résultats et quand le diplôme sera prêt, ils l'accrocheront quelque part dans leurs locaux « pour servir et valoir ce que de droit » ! Les écoles privées qui craignent de perdre des « clients » se montrent aussi d'une extrême largesse à l'égard de tous leurs élèves et les font passer allègrement d'un niveau à l'autre jusqu'au baccalauréat que les candidats surévalués affrontent en général avec des moyennes gonflées. Mais le jour des résultats, la supercherie est toujours sanctionnée par l'échec cuisant de la majorité des élèves. A l'Université et face à la rigueur des contrôles dans certaines disciplines, les parents qui tiennent à faire réussir leurs enfants recalés à n'importe quel prix, déboursent des sommes incroyables pour inscrire ces derniers dans des facultés européennes aux diplômes dévalués voire non reconnus sur le Vieux Continent. Souvent et au bout de quelques courtes années, les études y sont couronnées de succès et récompensées par un diplôme « certifié non conforme » qu'on arrivera avec un peu de chance et une intervention bienveillante à authentifier sur le territoire tunisien. Cette relative facilité dans l'attribution des attestations et des diplômes peu crédibles fait qu'actuellement plusieurs « docteurs ès » trahissent dans l'exercice de leurs professions respectives d'énormes lacunes dignes du commun des béotiens et commettent des erreurs fréquentes et incompatibles avec la prétendue maîtrise dont témoignent leurs nombreux titres.
Des « faux » qui rapportent ! Certaines entreprises reçoivent elles aussi des satisfecit de complaisance pour certains de leurs produits lesquels s'avèrent, à l'épreuve de l'utilisation ou de la consommation quotidiennes, plus ordinaires que les autres qui n'ont bénéficié d'aucun coup de pouce publicitaire. N'oublions pas non plus de parler des fausses factures, sur lesquelles des dépenses fictives sont mentionnées à côté des frais réels qui peuvent eux aussi subir quelques majorations illicites. Avec la complicité de quelques agents, subalterne, la fraude passera inaperçue et les sommes indûment récupérées permettront au fraudeur de ne pas connaître des fins de mois difficiles et parfois de se passer complètement de son salaire !
C'est malheureusement de cette manière que dans tous les domaines, la fraude permet aux médiocres, aux flemmards et aux incompétents d'échapper aux sanctions et de se hisser au niveau de ceux qui occupent méritoirement leurs postes. Mais la plus pénible des injustices est de voir que, dans certains cas, ce sont les plus méritants qu'on dégrade pour promouvoir les nullards !