S'il est une saison pour découvrir le Nord- ouest tunisien dans toute sa beauté et toute sa splendeur, c'est bien celle qui va de fin novembre à fin avril. La région offre à son visiteur pendant ces six mois le plus beau défilé de verdure naturelle qu'il puisse jamais voir dans ce cher pays. Il se croirait en territoire européen sur toute cette zone qui couvre les meilleurs sites des gouvernorats de Béja, de Jendouba, du Kef et une partie de Bizerte et de Siliana. A Tabarka, Ain- Draham, Sejnane, Testour, Thibar, la couleur verte prédomine douze mois sur douze. Le Nord- ouest est pourvu également des forêts les mieux conservées et des plages les moins polluées et les plus diversifiées : sur toute la côte allant de Tabarka jusqu'à Bizerte, le touriste a le choix pour profiter du soleil entre les très larges étendues de sable fin et presque blanc de pureté, les plages de galets bordant des eaux turquoises qui n'ont rien à envier à celles des Caraïbes et des Iles Baléares et les bords de mer adossés aux hautes montagnes de Kroumirie que couvre une riche variété d'arbres introuvables ailleurs. Qu'ils sont bêtes les « déracinés » nombreux qui, en migrant vers les grandes villes de l'Est tunisien, renient aussitôt leur pays d'origine et se sentent très embarrassés si, sans y voir le moindre mal, quelqu'un leur rappelle en public qu'ils viennent d'un patelin du Nord-ouest. Seulement et c'est là où le bât blesse et où la gêne de ces « enfants prodigues » s'explique, les multiples agglomérations urbaines qui se trouvent et se multiplient dangereusement et parfois inutilement sur ce petit éden constituent une fausse note au milieu du paysage paradisiaque alentour !
La gangrène qui gâche tout ! Dès que vous abordez une petite ou une grande ville de la région, vous êtes accueilli par des routes dégradées en partie ou totalement, par des constructions anarchiques, sans le moindre cachet et esthétiquement médiocres. La boue, la bouse de vache et le crottin d'ânes et de mulets ne manquent que rarement à l'appel. Si une grande rivière ou un plus petit cours d'eau traversent la cité, les habitants ou les pouvoirs publics les transforment en dépotoirs. Les ponts qui les enjambent, et ils sont rares, sont souvent mal entretenus et esthétiquement neutres voire nuls. Sur certains de ces ouvrages, les passants ne sont pas toujours très sûrs d'atteindre sains et saufs l'autre bout : le vieux pont de Jendouba est toujours opérationnel bien qu'à certains endroits il ressemble désormais aux passerelles vacillantes sur lesquelles Indiana Johnson risque sa vie plusieurs fois dans les films de la série dont il est le héros ! Les souks hebdomadaires se tiennent presque toujours en plein centre ville et bloquent la circulation dans plusieurs artères des heures durant et quelquefois sur plus d'une journée. Les feux de signalisation dont les villes du nord-ouest se sont équipées avec au moins vingt ans de retard par rapport à la capitale, fonctionnent mal dès les premiers jours de leur installation. Les espaces verts sont endommagés par les habitants ou laissés à l'abandon par les autorités locales. A l'entrée de certaines villes, les monuments symboliques érigés spécialement pour renseigner sur leur vocation ou bien sur leur histoire, n'échappent pas au vandalisme : celui qui embellissait l'entrée-est de Jendouba vient de perdre, sous l'action répétée des voleurs de métaux rares, les principaux éléments qui le constituaient. Une horloge construite au sud de la ville en face du bâtiment de la STEG arbore maintenant quatre trous béants à la place des montres géantes lesquelles se sont volatilisées on ne sait comment. En bref, toutes ces zones urbaines enlaidissent le décor qui les environne ; on dirait qu'elles y poussent comme des excroissances déformantes et ravageuses, comme les symptômes purulents d'une gangrène fatale.
Des projets... Le maire de Jendouba avec qui nous avons pu évoquer le fléau déplorable ne put lui non plus cacher son amertume et son indignation devant ce qui menace dangereusement sa ville et toute la région. Pour lui, les citoyens n'ont pas encore compris que leur responsabilité est engagée à plus de 50 % dans la préservation et l'embellissement du site où ils vivent : « La municipalité ne peut prendre tout à sa charge. Ajoutez à cela que le budget insuffisant qui nous est alloué ne peut plus couvrir les dépenses d'une commune d'environ 50.000 habitants. La ville risque d'en compter même plus avec le nouveau flux migratoire de familles pauvres venant des gouvernorats voisins. Les taudis et bidonvilles qui enlaidissent les zones périphériques de la commune sont le fait de ces nouveaux arrivants dont la situation reste encore très précaire. Intra muros, ce sont les travaux engagés par divers intervenants comme la SONEDE, la STEG, l'ONAS, les PTT qui endommagent le revêtement des rues ; le manque de coordination entre ces acteurs entre en jeu également pour expliquer la multiplication des chantiers inachevés, des remblais boueux et des tronçons partiellement dégradés. » Il n'empêche que de nombreux projets sont actuellement à l'étude ou bien déjà entamés en vue de donner à la ville un meilleur visage qui la réconcilierait avec le merveilleux site naturel qui l'entoure : Par exemple, pour l'aménagement du carrefour de l'entrée Sud de Jendouba, de celui qui se trouve en face du campus universitaire et pour le remplacement de l'horloge géante située devant la STEG, la mairie prévoit de débloquer plus d'un milliard. Un montant similaire est par ailleurs, déjà mis à la disposition des différents services intervenant dans la réfection et l'embellissement de l'entrée-est de la commune (route de Tunis). L'actuel emplacement du souk hebdomadaire sera transféré soit du côté de la route de Ghardimaou, soit sur la route de Boussalem. A la place, on prévoit la construction d'un centre urbain en comptant principalement sur l'apport de promoteurs privés qui, pour le moment, ne se sont pas encore manifestés ! Concernant le vieux pont, il est question de le remplacer par un ouvrage neuf qui enjamberait la Medjerda par le même endroit ou du côté de cités voisines. Le projet est à l'étude et il est possible selon le maire de la ville que les travaux commencent en 2009. D'autre part, la mairie aura bientôt un nouveau siège de plus grande capacité à l'entrée sud de la ville (en face du Lycée du 9 Avril), quant à l'actuel bâtiment il abritera désormais un musée où seront conservés des objets et des monuments archéologiques et traditionnels de la région. Le jardin d'en face fera peau neuve également et aura un look plus attirant et une vue plus panoramique sur la cité. Sur la route de Bulla Regia (dans la localité d'Echaffai), la construction d'un nouveau centre sportif est également à l'étude et ce en vue d'épargner à la ville les débordements parfois incontrôlables de supporters imprévisibles lors ou à l'issue des rencontres sportives importantes. Enfin et au sujet des berges de la Medjerda transformées en dépotoirs à plusieurs endroits, les autorités municipales de Jendouba espèrent une intervention plus énergique du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques pour aider à la préservation de la rivière et de ses rives contre l'action néfaste des riverains. Nous savons que tout cela est très insuffisant pour contrecarrer la vague d'enlaidissement à l'origine de laquelle se trouvent les zones urbaines et leurs habitants, mais c'est tout de même un effort louable pourvu que les promesses se traduisent par des actes. Ce dont nous a assuré le maire de Jendouba à qui nous souhaitons...bon courage ! La tâche et il le sait n'est pas de tout repos ni sa réussite garantie !