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« La conjoncture, la croissance, les inquiétudes mesurées, l'optimisme discret, le prix du carburant et le Bassin Minier de Gafsa... A bâtons rompus avec le Premier ministre
Débat constructif que celui qui a réuni, hier le Premier ministre, M.Mohamed Ghannouchi et les représentants des médias. C'est même une tradition qui s'installe avec un échange de points de vue, une dialectique même, à bâtons rompus et, en toute liberté, sur les questions de l'heure. Le Premier ministre tenait surtout à écouter les journalistes, à les sensibiliser aussi davantage, en cette période délicate de la conjoncture économique mondiale, avec ses basculements irrationnels et son lot d'improvisation. De fait, le Premier ministre a commenté cette conjoncture selon un ordre chronologique précis. « Bien sûr, affirme-t-il, la crise remonte à 2007 et son enclenchement aux Etats-Unis a consisté en les subprimes. Mais l'ampleur réelle c'est dans la chute d'une institution aussi solide que « Lehman and Brothers », qui avait, pourtant, résisté durant la crise de 29 ». Oui, personne ne pouvait prévoir un tel cataclysme, surtout que la dérive a fini par toucher la sphère de l'économie réelle. Le Premier ministre affirme qu'une commission de veille, avait été installée au sein de la Banque Centrale. « Et, malgré tout son ampleur, précise-t-il, la crise n'a pas eu d'incidences notables sur les finances tunisiennes, puisque les crédits immobiliers sont sécurisés en Tunisie, du fait de l'inexistence de titrisations, cependant que la Bourse des valeurs est relativement épargnée parce qu'elle reste modeste ». Mais, alors, est-on en droit de se demander, pourquoi le projet de budget de l'Etat a-t-il été revu et corrigé au niveau de deux articles ? Pour M. Ghannouchi, sur le plan institutionnel et politique, il s'agit là de « l'expression de l'exercice démocratique ». Le fait de revoir la croissance à la baisse (on tablait sur 6,3% et on s'est finalement limité à 5%), procède d'une démarche pragmatique. A la fois « réaliste et discrètement ambitieuse », précise-t-il. Pas d'aventurisme, en somme, et maintien du cap sur les axes développés par le Chef de l'Etat dans son discours du 7 Novembre 2008, à savoir : Le climat des affaires et la nécessité de toujours travailler sur l'attractivité du site tunisien ; l'augmentation du nombre (800) des entreprises exportatrices ; le réseau routier et le programme de résorption du chômage et avant tout, les 16 mille jeunes sans emploi, depuis longtemps ; la revalorisation de 56 quartiers populaires pour une enveloppe de 150 millions de dinars ce qui permettra de redynamiser le bâtiment.
Non à la sinistrose Difficile de convaincre les Tunisiennes et les Tunisiens d'être optimistes, de ne pas s'inquiéter pour leur pouvoir d'achat, alors que la crise, la baisse de la consommation sont palpables. Le Premier ministre affirme qu'il « faut que nous nous partagions les sacrifices ». Et c'est justement la question soulevée par « Le Temps » : Qu'entendre par sacrifices ? Et pour appuyer la question « quels sacrifices de plus » face à une administration fiscale qui n'a pas l'air encore d'intégrer culturellement, le vieux dicton, à savoir : « trop d'impôt tue l'impôt ». « Que chacun assume sa part, répond le Premier ministre. Que chacun assume son devoir fiscal, d'abord. Que les employés au sein de l'entreprise sachent placer les intérêts de celle-ci au-dessus des intérêts individualistes pour préserver l'emploi justement ». Oui, les employés ont tout intérêt d'intégrer cette dimension solidaire, vis-à-vis de leur entreprise. Quant au sacrifice consistant en ce devoir fiscal, le Premier ministre n'est pas sans savoir – et il l'a lui-même affirmé : que tout n'est pas parfait bien que l'impôt indirect (inéquitable partout), soit descendu de 76% à 58% et que l'impôt direct représente une proportion de 42%. Et que fait-on de la recrudescence des taxations d'office ? M.Ghannouchi précise, pourtant que « c'est là un recours parfois forcé mais qui n'est pas systématique... En tous les cas, il insiste sur le devoir de citoyenneté qui englobe, par ailleurs, le maintien – même après la crise - de la politique de l'économie d'énergie et l'obligation morale de « consommer tunisien » pour atténuer les effets néfastes du marché parallèle.
Le prix du carburant Un confrère a soulevé la récurrence reprise par, presque tous les autres confrères : « Le prix du baril baisse, mais le prix du carburant ne baisse pas ». M.Ghannouchi précise que « c'est une question complexe... Il va même jusqu'à se poser cette question : « est-ce notre destin que de devoir toujours compenser les hydrocarbures ». Le message est donc clair : pas de réduction du prix à la pompe pour une raison bien simple dans la logique gouvernementale : les fonds tirés de cette baisse serviront à promouvoir d'autres secteurs, entre autres, l'intégration régionale et l'emploi, surtout l'emploi.
Craintes... Une question précise : le ministre du Tourisme a récemment déclaré dans un point de presse que le secteur n'a pas de visibilité pour 2009. M. Ghannouchi réaffirme les craintes quant à la situation des secteurs les plus exposés : l'automobile, le textile-habillement et le tourisme. Le secteur automobile parce que la production dépend de la demande ; le textile-habillement parce qu'une baisse de la demande pénalise la production (ce à quoi les Chinois ont réfléchi renflouant leurs entreprises à hauteur de 500 milliards de dollars !). Quant au tourisme, le manque de visibilité ne concerne pas les unités mais plutôt les Tours Operateurs, affirme le Premier ministre. Est-ce normal, demande Le Temps, que le gouvernement se fasse l'avocat des banques contre les unités endettées ? Le Premier ministre répond, de manière pragmatique : « C'est tout un contexte, dans la mesure où nous tablons sur 5% de dettes accrochées d'ici 2011 ».
Le Bassin minier de Gafsa Question inévitable au demeurant. Un confrère a qualifié d' « excessives » les peines d'emprisonnement. Le Premier ministre rétorque par « la prééminence de l'Etat de droit » et par le refus de toute « instrumentalisation par l'étranger des dérives et des actes de violence ». « Oui, ajoute-t-il, nous reconnaissons le manque de transparence dans les recrutements de la Compagnie des Phosphates. Il y a un sérieux problème de chômage dans la région, comme dans d'autres, mais ce sont des problèmes qui se traitent tant sur le plan social qu'économique. 300 millions de dinars ont été déboursés pour le Bassin minier de Gafsa, et il y a des investissements étrangers. Mais, nous refusons les manifestations de violence et l'instrumentalisation de cette violence ». Finalement, M. Ghannouchi a encore insisté sur le mot équilibre. Le social, avec les négociations et les augmentations de salaire et l'économique qui lui est lié. « Il y a des contraintes et il y a des occasions. On peut tirer profit de la crise. Il faut protéger l'entreprise », ajoute-t-il. Il confirme l'engagement de Sama Dubaï, la phase de recrutement dans laquelle s'est déjà engagé le Groupe Boukhater, ainsi que l'imminence du pôle financier. Débat très constructif, en somme. Le maître-mot c'est intégrer la dimension sociale et ne pas perdre ses repères. Prudence, donc. Le Premier ministre a dressé une situation exhaustive. Mais, sur quelques petits points, nous sommes restés quelque peu sur notre faim... Toutefois, l'organisation était impeccable.